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Le désenchantement des Turcs face à l'Union européenne

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 11 déc. 2006

Les Turcs expriment leur désenchantement devant la lenteur des négociations d'adhésion de leur pays dans l'Union européenne. Un armateur du chantier naval de Tuzla et un agriculteur de Yolçati réagissent à ce sujet.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
11 déc. 2006
Production :
INA
Page publiée le :
27 août 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001390

Contexte historique

Par Christophe Gracieux

La Turquie a noué très tôt des liens avec la Communauté économique européenne (CEE). Elle a ainsi déposé dès le 31 juillet 1959 une demande d'association à la CEE, fondée deux ans et demi auparavant à Rome. L'accord d'association est signé à Ankara le 12 septembre 1963. Entré en vigueur le 1er décembre 1964, il évoque la possibilité d'une future adhésion.

C'est le 14 avril 1987 que la Turquie dépose sa candidature pour entrer dans la Communauté. Toutefois, le 18 décembre 1989, la Commission européenne annonce son refus d'ouvrir des négociations d'adhésion : elle juge que la Turquie n'est pas encore prête en raison de progrès démocratiques et économiques insuffisants. Elle estime également rédhibitoires son absence de relations avec la Grèce et le conflit qui l'oppose à la République de Chypre. Intervenue militairement à Chypre en 1974, la Turquie occupe en effet depuis cette date la partie nord de l'île et y soutient un État autoproclamé. Elle ne reconnaît en revanche pas la République de Chypre, majoritairement grecque, au sud.

Malgré le report des négociations d'adhésion, l'Union européenne (UE) signe avec la Turquie un nouvel accord en novembre 1992, qui prévoit l'essor de leur coopération et la constitution d'une union douanière. Ainsi, le 6 mars 1995, l'UE et la Turquie signent un accord d'union douanière. Surtout, le 12 décembre 1999, le Conseil européen d'Helsinki reconnaît officiellement le statut de candidat de la Turquie. Celle-ci doit dès lors respecter les critères d'adhésion formulés au Conseil européen de Copenhague en juin 1993. Elle doit ainsi faire la preuve d'institutions démocratiques stables. Elle doit également s'engager à respecter les droits de l'homme et les minorités, à commencer par les Kurdes. Elle doit par ailleurs avoir une économie de marché viable, participer à l'Union économique et monétaire et incorporer les lois et règles communautaires dans sa législation.

Décidées en décembre 2004, les négociations pour l'adhésion de la Turquie s'ouvrent le 3 octobre 2005. Elles sont longues et complexes : l'UE doit vérifier si la Turquie répond aux chapitres de l'acquis communautaire. Elles le sont d'autant plus que la candidature turque pose le problème des limites de l'Europe et divise fortement opinions et États membres. Ses opposants arguent ainsi du fait que seul 3 % du territoire turc se situe sur le continent européen. Ils insistent aussi sur le fait qu'il s'agirait du seul État musulman dans une Europe chrétienne. Ils craignent également que, forte de ses 70 millions d'habitants, la Turquie ne dispose d'un poids politique trop important au sein de l'UE, notamment au Parlement européen. Ils mettent enfin en avant l'écueil que représente la question chypriote alors que Chypre est membre de l'Union depuis 2004.

À l'inverse, les partisans de l'adhésion de la Turquie la voient comme un moyen d'arrimer à l'Occident un État musulman laïc, historiquement lié à l'Europe en raison de la présence ottomane du XIVe au XIXe siècle. À leurs yeux, la forte croissance économique de la Turquie, pays émergent membre du G20, ne peut que profiter à l'UE. Enfin, la Turquie est perçue comme un allié stratégique du fait de sa situation entre l'Europe, le monde arabo-musulman et l'Asie centrale.

Afin de conformer son pays aux critères d'adhésion, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir à partir de 2003, mène d'importantes réformes. Les Turcs votent ainsi « oui » à 58 % au référendum du 12 septembre 2010 qui modifie leur Constitution pour accroître les droits des citoyens et diminuer le pouvoir de l'armée. Toutefois, les négociations avec la Turquie sont encore loin d'aboutir. L'hostilité de pays comme l'Allemagne et la France, notamment sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et certaines résistances turques expliquent leur lenteur. Plusieurs chapitres de négociation ont même été bloqués par le refus de la Turquie d'élargir à Chypre les accords de la libre circulation qui la lient à l'UE.

Éclairage média

Par Christophe Gracieux

Ce reportage a été réalisé par les envoyés spéciaux de France 3 Hughes Huet et Christophe Monteil en Turquie, près d'Istanbul. Il a été diffusé dans le journal télévisé de France 3 « Soir 3 », le 11 décembre 2006, afin d'illustrer la décision prise le jour même par l'Union européenne de geler une partie des négociations d'adhésion avec la Turquie : les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Cinq décident d'interrompre les négociations sur huit des trente-cinq chapitres qui concernent l'union douanière et qui intéressent directement les relations commerciales entre la Turquie et Chypre. Le reportage est du reste précédé d'une analyse plateau sur cette décision par le correspondant permanent de France 3 à Bruxelles Pascal Verdeau.

Constitué d'images factuelles et de deux interviews, ce sujet vise surtout à présenter la réaction des Turcs sur les négociations d'adhésion de leur pays dans l'Union européenne et les conditions que celle-ci lui impose. Il se compose de deux séquences bien distinctes : la première a été filmée sur le chantier naval de Tuzla, dans la périphérie d'Istanbul, la deuxième au sein d'une petite exploitation agricole à Yolçati, dans la campagne stambouliote. Chacune des deux séquences est centrée sur un homme, d'un côté un armateur, de l'autre, un agriculteur. Il s'agit ainsi de présenter deux visages très différents de la Turquie et deux hommes que tout semble opposer, tant par leur activité que par leur mode de vie.

Filmé sur les lieux mêmes du chantier naval de Tuzla, au milieu de navires en construction, l'armateur et l'activité de la construction navale sont censés incarner « la Turquie moderne ». Il s'agit de renvoyer aux téléspectateurs l'image d'un pays émergent en forte croissance économique et pleinement intégré à la mondialisation. De fait, les porte-conteneurs et les tankers sont à la fois les symboles et les plus grands vecteurs de la mondialisation. Ce choix des envoyés spéciaux de France 3 vise implicitement à récuser le portrait d'une Turquie archaïque et aux fragilités économiques généralement dressé par les opposants à son adhésion à l'Union. Le fait que l'armateur s'exprime dans un français courant illustre du reste l'ouverture internationale de la Turquie.

L'agriculteur a quant à lui été choisi comme représentant d'une Turquie traditionnelle et rurale : c'est « l'autre versant de la Turquie » comme le dit le commentaire. Il est ainsi filmé au travail dans son exploitation : des plans le montrent successivement avec ses vaches, au volant de son tracteur et dans ses champs. Contrairement à l'armateur, il répond à l'interview en turc, ce qui semblerait indiquer un manque d'ouverture sur l'Europe.

Cependant, alors que tout semble opposer ces deux hommes et leurs activités, le reportage insiste davantage sur ce qui les réunit : leur désenchantement devant l'adhésion à l'Union européenne à laquelle ils étaient pourtant tous les deux initialement favorables. L'armateur comme l'agriculteur expriment ainsi leur lassitude et même leur exaspération devant la lenteur du processus d'adhésion et devant les conditions imposées par l'Europe à la Turquie.

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