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Le projet de la Grande Rivière artificielle en Libye

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 23 nov. 2005

En Libye, Mouammar Kadhafi a lancé le projet de la Grande Rivière artificielle. Il consiste à acheminer vers le littoral des eaux pompées dans les ressources fossiles du Sahara par le biais de gigantesques canalisations. Le chef de l'État libyen se met en scène sur des chantiers de construction. Des techniciens supervisent le transport de l'eau. Celle-ci doit surtout servir à l'agriculture.

Niveaux et disciplines

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
23 nov. 2005
Production :
INA
Page publiée le :
25 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001439

Contexte historique

Par Christophe Gracieux

L'eau est une ressource inégalement accessible sur la planète. Certains pays disposent ainsi d'une forte disponibilité en eau douce, comme l'Islande, la Russie ou le Canada. À l'opposé, de nombreux États situés dans des régions arides souffrent de pénurie : ils disposent de moins de 1 000 m3 d'eau par habitant par an.

D'une grande aridité, la Libye est l'un de ces pays dans lesquels l'eau constitue une ressource très rare. Les précipitations y sont inférieures à 200 millimètres par an sur le littoral, où prévaut le climat méditerranéen. Elles descendent même sous les 100 millimètres à l'intérieur des terres, dominées par un climat désertique. Le désert couvre en effet 95 % du territoire libyen. L'agriculture se réduit par conséquent à une étroite bande littorale où se concentrent également 94 % des 6,1 millions d'habitants que compte le pays. Et seules des cultures peu gourmandes en eau, telles que le blé, l'orge et l'olivier, peuvent y pousser grâce à l'eau de pluie.

La demande libyenne en eau ne peut ainsi être assurée qu'à 2 % par les eaux de surface. Or, l'aquifère du Bassin de Nubie, qui s'étend aussi sur le Tchad, l'Égypte et le Soudan sur une surface totale de 150 000 km3, couvre une large partie de la Libye sous le désert du Sahara. Il s'agit de ressources fossiles qui constituent d'énormes réserves d'eau souterraines.

Aussi, le colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis son coup d'État de 1969, décida en 1983 de lancer un projet pharaonique qui puisait dans ces ressources fossiles : la Grande Rivière artificielle. Programmé sur 25 ans, ce programme consistait à acheminer vers le littoral libyen, sur une distance comprise entre 400 et 800 kilomètres, des eaux pompées dans les réserves d'eaux fossiles du Sahara. Pour transférer ces eaux du sud vers le nord du pays, un réseau gigantesque de 4 000 kilomètres de canalisations souterraines, de 4 mètres de diamètre, a été édifié. Ces tubes ont été pour l'essentiel fabriqués par un consortium coréen à l'aide de l'argent du pétrole.

Débutée en 1985, la Grande Rivière artificielle a été construite en trois phases. La Cyrénaïque, à l'est de la Libye, fut d'abord reliée : Benghazi fut desservie en 1991. Puis l'eau arriva à la capitale, Tripoli, en 1996. Enfin, une troisième phase, qui aurait dû être achevée en 2010 et a pris du retard, doit raccorder les deux branches de la Cyrénaïque et de la Tripolitaine. Ce sont au total 6 millions de mètres cubes qui sont pompés chaque jour dans les ressources fossiles libyennes et acheminés vers le littoral méditerranéen. L'objectif initial de ce projet démesuré était avant tout de développer l'irrigation agricole afin d'accroître les surfaces cultivées et de permettre l'autosuffisance alimentaire libyenne : 80 % de l'eau était destiné à l'agriculture. Cependant, afin de répondre à l'aggravation de la situation hydrique, les eaux de la Grande Rivière artificielle ont été détournées de leur but premier. Elles ont également servi à alimenter les villes libyennes dès le début des années 1990.

Éclairage média

Par Christophe Gracieux

Ce reportage été diffusé dans la toute dernière partie du journal télévisé de 20 heures de France 2 du 23 novembre 2005. Réalisé par les envoyés spéciaux Gilles Marinet, grand reporter à France 2, et Matthias Second, il est consacré au projet libyen de la Grande Rivière artificielle.

Toutes les images qui constituent ce sujet n'ont pas été filmées pour l'occasion. Le reportage intègre en effet de nombreuses images d'archives. Elles proviennent de deux sources, précisées en surtitrage à l'écran : la télévision nationale libyenne et le magazine de géopolitique de la rédaction de France 2, Géopolis. Les plans filmés par Aljamahiriya TV, la chaîne d'État, mettent en scène le colonel Mouammar Kadhafi. Ils rendent aussi compte de la cérémonie d'ouverture du premier tronçon de la Grande Rivière artificielle, à Benghazi, qui a eu lieu en août 1991. Les images extraites d'un numéro de Géopolis donnent quant à elles à voir les travaux d'installation des gigantesques canalisations qui doivent servir au transport de l'eau.

Seule une partie ce reportage a été tournée pour l'occasion en Libye par Gilles Marinet et Matthias Second. Ce sont d'abord les images factuelles filmées dans les locaux de la Société de la Grande Rivière artificielle, installés à Tripoli, la capitale : elles présentent le travail des opérateurs qui gèrent les canalisations d'eau. D'autres images factuelles ont été tournées par l'équipe de France 2 dans des plantations inondées par l'eau provenant de la Grande Rivière artificielle. Les trois interviews insérées dans le sujet ont elles aussi été réalisées par les envoyés spéciaux de France 2, tout comme l'infographie animée sur le réseau de transport de l'eau en Libye.

Le reportage témoigne du culte de la personnalité qui entoure Mouammar Kadhafi. Les différentes images d'archives insérées le présentent comme un homme exceptionnel qui prend part à la construction de la Grande Rivière : il est filmé sur un chantier et au volant d'un camion. Un plan surréaliste le présente également en train de prier à l'intérieur d'un énorme tuyau de canalisation. Ces images sont semblables à celles qui sont proposées dans la plupart des dictatures et des régimes totalitaires. De même, le plan de Mouammar Kadhafi prenant une enfant dans ses bras n'est pas sans rappeler l'abondante iconographie soviétique qui présentait Staline comme le « petit père des peuples ».

Par-delà le culte de la personnalité, ce sujet montre bien la propagande dont a fait usage le régime de Mouammar Kadhafi à propos du projet de la Grande Rivière artificielle. Le chef d'État libyen l'avait du reste lui-même présentée comme la « huitième merveille du monde ». Le bref extrait d'un ses discours confirme la démesure du « Guide de la Révolution » lorsqu'il déclare qu'il obligera « l'eau douce à parcourir 4 000 kilomètres ». Les plans de la grandiose cérémonie d'inauguration du premier tronçon, à laquelle ont assisté des chefs d'Etat arabes comme le président égyptien Hosni Moubarak, témoignent également de cette démesure. De même, la propagande transparaît fortement dans les propos du président de la Société de Grande Rivière lorsqu'il affirme que les ressources fossiles pourront être exploitées pendant plus de 5 siècles. Le journaliste Gilles Marinet laisse toutefois paraître son scepticisme dans son commentaire, tout comme il le montre à l'égard des champs mis en culture en une seule année.

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