L'architecture allemande vue par le Reich en 1941

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 05 déc. 1941

Albert Speer, architecte proche d'Adolf Hitler, convie à Lisbonne fin 1941 le président du Portugal Oscar Carmona à une exposition du projet d'aménagement de Berlin par le régime allemand. L'événement conçu autour de maquettes et de photographies de Germania attire des personnalités du Lisbonne mondain.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Les Actualités françaises
Date de diffusion du média :
05 déc. 1941
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001488

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Speer est depuis janvier 1937 « inspecteur général des Bâtiments pour la rénovation de la capitale du Reich » en charge de réaliser le projet d'Hitler de créer Germania. C'est le nom de la représentation allégorique de l'Allemagne ainsi qu'un projet urbanistique visant à doter le IIIe Reich allemand d'une capitale impériale. Il est également l'architecte des grandes cérémonies de 1935 à Nuremberg avec son « Dôme des lumières ».

Pour les cinquante ans d'Adolf Hitler, le 20 avril 1939, l'architecte du Reich Albert Speer (1905-1981) lui présente la première partie de l'axe Est-Ouest du nouveau Berlin. Il organise la ville sur sept kilomètres, de la porte de Brandebourg à la place Adolf-Hitler.

Dans son projet de Germania, Speer prévoit cinq boulevards circulaires articulés entre eux. Des axes Est-Ouest et Nord-Sud sur cinquante kilomètre complètent le schéma d'organisation radiale de la ville. Au centre, entre les gares du Nord et du Sud, un axe monumental est prévu, jalonné de bâtiments publics et ponctué d'un énorme Arc de Triomphe à la gloire du régime.

La Grande Place serait le centre géographique et idéologique de la ville avec la nouvelle Chancellerie, le palais du Führer et la grande Halle de cinquante mille places où le public pourra assister aux discours du chancelier. Le style de ces bâtiments est simple mais très imposant, tournant le dos au constructivisme et au Bauhaus de la République de Weimar (1919-1933) pour adopter un style néo-classique plus rigoureux et plus martial. Cet ensemble ne voit pas le jour, renvoyé à la fin de la guerre pour cause de nécessité.

Germania illustre le rêve nazi d'une mise au pas de la culture au profit de l'idéologie. Un autodafé, grand bucher où sont jetés des ouvrages d'intellectuels juifs ou jugés décadents (Sigmund Freud, Alfred Döblin, Stefan Zweig...) est organisé dans toutes les villes universitaires le 10 mai 1933. Le Bauhaus, symbole du renouveau artistique et culturel de l'Allemagne des années 1920, est dissout en juillet 1933 par son directeur, Mies van der Rohe, sous la pression du régime. Une série de lois déclarent des courants artistiques « dégénérés » en 1938, destituent des artistes de leur charge d'enseignement. Les œuvres d'artistes jugés dégénérés par le régime sont mises en vente massivement en 1939 : des peintres étrangers (Chagal, Matisse, Picasso, Van Gogh) ainsi que des avant-gardes allemandes (Beckmann, Grosz, Klee et des expressionnistes).

La mise au pas s'opère également par une entreprise de conversion des pays qui basculent sous l'autorité du Reich. En mai 1942 est organisée à Paris au musée de l'Orangerie une grande exposition des œuvres du sculpteur allemand Arno Breker, par ailleurs ami d'Albert Speer. Le Tout-Paris ne peut s'y soustraire, d'Arletty à Paul Morand en passant par Jean Cocteau et Sacha Guitry. Breker reçoit une lettre de félicitations du maréchal Pétain et est convié à déjeuner à l'hôtel Matignon par Pierre Laval. Les expositions à la gloire de l'art nazi illustrent la diplomatie asymétrique au sein du Reich et son projet d'une Europe nouvelle.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

Un événement mondain sous le IIIe Reich : le président du Portugal Oscar Carmona est invité par l'architecte allemand Albert Speer à découvrir à Lisbonne les maquettes et photographies du projet Germania.

Toutes les images illustrant la mondanité sont proposées : les officiels en uniforme et costumes sont présents, le président Carmona passe en saluant l'assistance, échange des sourires et des poignées de main. Il se déplace avec tout son cortège mais les images ne témoignent que d'un intérêt poli pour les maquettes qui sont présentées, sur lesquelles s'attardent parfois les caméras des actualités.

Les actualités dévoilent la grandeur de l'ensemble des constructions monumentales néo-classiques prévues par Albert Speer pour son projet de réaménagement du centre de Berlin, Germania. L'architecte en explique l'organisation au président portugais. L'un des bâtiments reprend l'architecture du pavillon de l'Allemagne présenté à l'Exposition internationale de 1937, grande tour de pierre de cinquante quatre mètres surmontée d'un aigle de fer dont les matériaux ont été intégralement transportés depuis l'Allemagne. Un plan général dévoile la maquette monumentale de la Grande Place qui, au centre de Berlin, devient le cœur du pouvoir du Reich avec le palais du Führer et la Chancellerie.

Les images sont celles des Actualités Mondiales, filmées pour être diffusées dans la première partie d'un programme de cinéma. La France diffuse les actualités du Reich car elle est son alliée et qu'une partie du territoire est sous occupation et administration directe de l'armée allemande. Le travail de propagande dans ces images est double. Il est d'abord question de vanter les mérites de l'architecture allemande auprès des différents alliés du Reich. Les Portugais bien sûr, mais aussi les autres alliés puisque ces actualités font le tour de l'Europe. Il n'est par ailleurs pas du tout question de guerre pendant les trente deux secondes du reportage. Le public est souriant, confiant, et semble tourné vers l'avenir comme si la guerre engagée était déjà gagnée et que l'on pensait à l'après-guerre dans cette Europe allemande. Pourtant, un mois plus tôt les alliés ont débarqué en Afrique du Nord au cours de l'opération Torch. Il ont ainsi installé une base arrière, point de départ de la reconquête et de la libération de l'Europe.

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