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Geoffrey Oryema, un succès de la world music

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 01 mai 1991

Le chanteur Geoffrey Oryema est l'invité du Printemps de Bourges. Mélangeant le son rock aux instruments traditionnels africain, il propose une synthèse originale typique de la world music. Ce courant musical s'affirme dans les années 1990 comme l'une des voies du renouveau du style pop-rock.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
01 mai 1991
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001499

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Le printemps de Bourges a été créé en 1977 dans le cadre de la Maison de la Culture de Bourges avec le soutien de la radio France Inter. C'est initialement un festival de la chanson, un événement proposant des concerts de nombreux artistes de premier plan ainsi que de jeunes chanteurs et formations. L'idée est de proposer pendant cinq puis sept jours une alternative à la chanson de variété qui monopolise les médias. Lors de sa première édition se produisent des artistes aussi divers que Bernard Lavilliers, Charles Trenet, les Frères Jacques, Jacques Higelin ou Serge Reggiani.

Le festival rencontre progressivement son public : 13 000 billets sont vendus en 1977, 50 000 en 1981. Soutenu par la ministère de la Culture à partir de 1982 puis par les collectivités territoriales en 1986, il gagne encore en notoriété et en importance. 125 000 billets sont vendus en 1986. Mais le concept du festival s'essouffle et il doit se renouveler pour trouver sa voie entre musique populaire et programmation plus « pointue ».

L'édition 1990 consacre un grand tournant du Printemps de Bourges qui part à l'exploration des musiques actuelles et du monde. Il accueille le hip hop avec le groupe Public Enemy en 1990, puis le rock et les musiques électroniques. Il s'ouvre surtout massivement aux musiques du monde durant cette décennie : Salif Keita, Youssou N'Dour, Khaled, Rachid Taha, Cheb Mami, Cesaria Evora, Compay Secundo.

A travers l'évolution du festival s'élabore toute une vision de la world music. Ce mouvement désigne des musiques qui ne relèvent pas des principaux courants occidentaux (pop, rock, jazz, musique classique, rap...) ou qui en relèvent mais intègrent des traditions musicales ethniques ou culturelles extérieures (par exemple le raï). La world music apparaît au milieu des années 1980 sous l'impulsion de producteurs anglo-saxons qui cherchent à renouveler la variété et le rock et s'autonomise de la dimension ethnologique des « musiques du monde ». Le groupe sud-africain Savuka, fondé en 1985 par Johnny Clegg, en est le premier jalon marquant. Il propose une musique métissée, associée à des préoccupations politiques, sociales et environnementales qui restent les marqueurs du genre musical. Le premier hit de Johnny Clegg en 1987, Asimbonanga, est composée en l'honneur de Nelson Mandela. Il faut distinguer ce genre des grands concerts qui dans les années 1980 reflètent l'inquiétude des pays développés pour les questions humanitaires. Le Band Aid de 1985 attire plus d'un milliard de spectateur et téléspectateurs dans une centaine de pays, mettant en scène le gotha de la pop-rock anglo-saxonne dans l'une des premières opérations de globalisation culturelle.

Le producteur le plus célèbre de world music est Peter Gabriel, chanteur, compositeur et fondateur du label Real World en 1989 pour produire des artistes extra-occidentaux : Nusrat Fateh Ali Khan, Geoffrey Oryema, Papa Wemba, Sheila Chandra... Ils sont le plus souvent repérés dans le cadre du festival Womad. Depuis 1982, ce festival est la vitrine de la world music dans le monde, décliné sur plusieurs sites dans une vingtaine de pays, essentiellement des pays riches ou émergents.

Car la world music est autant un effort pour sortir des sentiers battus de la musique populaire qu'un concept marketing. A partir de la fin des années 1990, ce concept semble toutefois trouver ses limites et les « musiques du monde » redeviennent à la mode. Il n'est alors plus tant question de métissage des styles que de découverte des musiques d'ailleurs et de leurs spécificités, pour peu que celles-ci soient accessibles aux publics occidentaux, cœur de cible de la musique globalisée.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

Philippe Lefait entérine en plateau le succès de la formule du Printemps de Bourges « puisque pour le premier jour on a vendu autant de billets que l'an dernier pour toute la durée du festival ». Le festival est devenu un lieu de révélation des tendances des musiques actuelles. Il se focalise sur « un instrumentiste ougandais qui avait fui la répression d'Amin Dada pour se réfugier en France et que Peter Gabriel lui-même considère aujourd'hui comme l'un des très grands. » Le nom de Geoffrey Oryema n'est alors pas cité car il semble méconnu et est une découverte. Hasard ou pas, l'un des morceau les plus célèbres d'Oryema, Ye ye ye, devient la musique du générique de l'émission Le Cercle de minuit dont Philippe Lefait prend les commandes en 1997.

Le reportage commence sans conviction par des images du Printemps de Bourges nouvelle manière : du rock lourd et bruyant pour un public qui se jette dans la fosse. Mais « pourquoi faire compliqué en se ruinant la santé ? », alors que la musique peut emprunter d'autres voies. Le journaliste s'amuse : le blanc et le noir ont les mêmes cheveux, mais c'est bien tout. A la brutalité des guitares saturées répond la guitare sèche et le doux sifflement de Geoffrey Oryema qui « a choisi de faire simple ».

Geoffrey Oryema est un auteur-compositeur-interprète de rock et de world music, né en 1953 à Soroti, en Ouganda. Il apprend à jouer de la nanga (une harpe à sept cordes) et du lukeme (le piano à pouces). Il interprète le laraka laka, qu'il décrit comme le « vrai rock ougandais ». Il côtoie également les enfants d'expatriés anglo-saxons qui lui font découvrir le rock et la pop et commence à monter des pièces de théâtre critique. Il quitte le pays en 1977 lorsque son père disparaît, vraisemblablement tué sous la dictature d'Amin Dada.

Réfugié en France, il s'établit à Lillebonne (Seine-Maritime) où il est naturalisé français. Ses premières maquettes sont remarquées par les programmateurs du festival anglais de musique du monde Womad. C'est là-bas qu'il enregistre son premier album, Exile, en 1990. La vague world music connaît alors un réel déferlement, et le succès d'Oryema doit beaucoup au parrainage de Brian Eno qui le produit et de Peter Gabriel qui l'édite sur son label Real World.

La musique de Geoffrey Oryema mélange divers instruments typiquement africains avec les instruments rock traditionnel comme la guitare électrique. Les instruments africains ne sont pas un snobisme mais une inspiration pour le « voyageur fatigué » que pourrait être Oryema dont le visage s'éclaire lorsqu'il joue, oubliant « la douleur ». Il prend « un petit peu de chaque côté pour créer un style », pour chercher « un son, une identité musicale ». Lui-même chante alternativement en anglais, en ougandais et en français. Le pari est audacieux. Mais dès son premier album le chanteur connaît un grand succès et la presse française et internationale voit en lui un « Leonard Cohen africain ». Sur scène le public l'accompagne, reprenant le morceau Ye ye ye devant un Oryema bondissant. Il connaît à nouveau le succès avec les albums Beat the Border en 1994 et Night to Night en 1997 qui lui ouvrent la voie vers les Etats-Unis.

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