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Le Cid, de Corneille

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 09 déc. 1985

Extrait de l'émission Tous en scène, diffusée le 9 décembre 1985, et consacrée à la mise en scène du Cid par Francis Huster.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
09 déc. 1985
Production :
INA
Page publiée le :
18 févr. 2014
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001596

Contexte historique

Par Alexandra Von Bomhard

Pierre Corneille est né à Rouen, en 1606, dans une famille de magistrats. Il fait ses études au collège jésuite, et devient avocat en 1624. Il renonce cependant à plaider, à cause d'une timidité maladive, et se consacre alors à l'écriture. C'est avec Mélite, une comédie jouée en 1629 au Théâtre du Marais, qu'il amorce sa carrière de dramaturge. La pièce, interprétée par l'acteur Mondory, remporte un certain succès. L'auteur cherche à réhabiliter le genre comique, déprécié à l'époque face à la tragédie. Clitandre, La Veuve, La Galerie du Palais, La Suivante, La Place royale sont autant de tentatives de l'écrivain pour hisser la comédie au rang de genre noble. Délaissant les grosses ficelles héritées de la farce, Pierre Corneille s'adonne à la peinture de caractères et de moeurs. En 1635, il s'essaie cependant à la tragédie avec Médée. Son Illusion comique, en 1636, remporte un succès... sans commune mesure avec la pièce suivante : Le Cid, qui éclate en 1637 comme un coup de tonnerre dans le ciel théâtral. Cette tragi-comédie remporte un véritable triomphe, mais vaut à son auteur de nombreuses attaques. On accuse Corneille d'avoir plagié l'oeuvre espagnole dont il s'est inspiré pour cette pièce, Las Mocedades del cid de Guillén de Castro. On lui reproche également de n'avoir pas respecté les règles qui sont en train de s'imposer dans la création théâtrale. La Querelle du Cid se poursuit pendant plus d'un an, si bien que Corneille garde, pendant trois ans, un silence prudent. C'est avec la tragédie que le dramaturge renoue avec la scène. Pour le choix de ses sujets, il privilégie d'abord l'Antiquité latine avec Horace (1640), Cinna (1641) et Polyeucte (1642), et s'inspire ensuite de personnages originaires de pays réputés barbares, comme les Parthes et les Huns avec Rodogune (1645) et Attila (1667). Peu à peu, Pierre Corneille est concurrencé par un jeune auteur : Jean Racine. En 1670, il subit un terrible affront : sa tragédie Tite et Bérénice est moins appréciée que la Bérénice de son rival. Il continue néanmoins à écrire jusqu'en 1674, et meurt dix ans plus tard, à Paris.

Représenté en 1637, Le Cid est une tragi-comédie qui reprend le schéma traditionnel des amours contrariés : la pièce met en scène Rodrigue, un jeune noble espagnol, qui est aimé de l'Infante, mais qui est lui-même épris de Chimène. Un jour, une violente altercation éclate entre Don Diègue, père de Rodrigue, et Don Gormas, père de Chimène. Celui-ci donne à son rival un soufflet. Ne pouvant souffrir ce déshonneur, Don Diègue demande à son fils de le venger, en tuant le père de Chimène. Le jeune garçon, qui doit choisir entre son amour et son honneur, finit par obéir à son père. Il est ensuite envoyé en guerre contre les Maures, où il remporte une écrasante victoire. La pièce s'achève sur la promesse d'un mariage entre Rodrigue et Chimène, après le délai de rigueur qu'impose la décence.

Éclairage média

Par Alexandra Von Bomhard

L'émission Tous en scène est un magazine mensuel, consacré au théâtre et diffusé sur FR3. L'édition du 9 décembre 1985 est consacrée au Cid que Francis Huster, invité par Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud, a mis en scène au Théâtre du Rond-Point à l'occasion du 340ème anniversaire de la pièce. L'ancien sociétaire de la Comédie-Française signe là sa première mise en scène, qui est un véritable succès. Il joue le rôle de Rodrigue, tandis que Jean Marais interprète Don Diègue. Le reportage propose quelques extraits fameux de la pièce de Corneille (on entend par exemple les célèbres stances de Rodrigue, de l'acte I, scène 6, ou encore la tirade de Don Diègue déplorant sa «vieillesse ennemie», I, 4), entrecoupés d'entretiens avec les artistes.

C'est par un gros plan sur le profil du jeune comédien, éclairé en contre-jour par un subtil halo de lumière, que s'ouvre le document. On note d'emblée l'originalité de l'interprétation de Francis Huster : loin d'être déclamées en grande pompe, les stances de Rodrigue sont chuchotées, rendues à peines audibles par un clair-obscur qui en estompe l'éclat. Tel est l'enjeu majeur de la mise en scène proposée par le jeune comédien : «Si Le Cid », écrit Huster dans le programme du spectacle, «est le chef d'oeuvre des chefs d'oeuvre, c'est parce que l'oeuvre est en même temps de face et de profil. Il y a longtemps qu'on nous montre la face, rêvons de découvrir aussi le profil, ou plutôt les profils sans en dénaturer la face». Le metteur en scène veut donner à voir un autre Cid, qui parlerait au public de son temps. Cette pièce, rappelle-t-il, est une oeuvre de jeunesse, dans laquelle, Corneille, jeune avocat, prend parti contre le pouvoir. Le choix de son héros (duelliste et espagnol à la fois) n'est pas anodin à une époque où le roi fait interdire les duels, et engage son pays dans une guerre contre l'Espagne. Huster explicite en outre la triple inspiration qui a guidé sa mise en scène (chrétienne, shakespearienne et espagnole), ainsi que ses choix scénographiques (il respecte l'espace originellement conçu par l'auteur : un trône et quatre portes). Les choix contrastés de sa mise en scène sont une discrète résurgence de l'esthétique baroque. Ainsi, le dépouillement du plateau s'oppose à l'exubérance des costumes conçus par Dominique Borg. La richesse du pourpoint de Don Diègue, l'épaisseur des tissus, la fraise, témoignent de l'importance des matières pour cette spécialiste du vêtement d'époque. Cette profusion tranche également avec l'interprétation des comédiens. Jean Marais revient sur les exigences qu'impose la diction de l'alexandrin : le ton déclamatoire est écarté au profit d'un certain naturel. Enfin, si les propos des deux artistes portent inévitablement en creux le souvenir de l'interprétation du Cid par Gérard Philipe, force est de constater que le choix d'Huster consiste justement à s'éloigner de l'idéal du héros patriote proposé par la mise en scène de Vilar quelques années après la Libération (à Avignon, en 1951). Pour Huster, la Guerre contre les Maures n'est rien d'autre qu'une «boucherie», et Le Cid, une tentative de Corneille pour nous mettre en garde contre la raison d'Etat.

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