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L'entreprise poétique de Jacques Roubaud

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 30 août 1973

Georges Perec et Jacques Roubaud s'entretiennent à propos de la démarche poétique de ce dernier.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
30 août 1973
Production :
INA
Page publiée le :
18 févr. 2014
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001609

Contexte historique

Par Alexandra Von Bomhard

Après la Seconde Guerre mondiale, la poésie reste profondément marquée par le surréalisme. Certains auteurs prennent toutefois leurs distances avec cet héritage, empruntant d'autres directions que l'on pourrait présenter comme suit. D'une part, des poètes comme Yves Bonnefoy, André du Bouchet, Philippe Jaccottet, réunis autour de la revue L'Éphémère, cherchent à réconcilier l'homme et le réel. Par une écriture sobre et dépouillée, ils tentent de saisir quelque chose d'essentiel, de l'ordre de la présence au monde. D'autre part, des écrivains, influencés par les sciences humaines, contribuent à affirmer l'autonomie du langage par rapport à l'homme qui l'écrit ou qui le parle. L'OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle), fondé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais, s'inscrit dans cette lignée. Les Oulipiens partent de l'idée que la contrainte, loin d'entraver la création artistique, la stimule efficacement. Ils mettent donc à jour de nouvelles structures d'écriture, en s'inspirant, notamment, des combinaisons mathématiques, ou en ayant recours à la création assistée par ordinateur.

Friands de jeux verbaux et de prouesses langagières, Georges Perec (voir L'OuLiPo et Georges Perec) et Jacques Roubaud rejoignent le mouvement, en 1967 et 1966. Né en 1932, Jacques Roubaud enseignait les mathématiques avant de se consacrer à la poésie, mais son oeuvre, prolifique, ne se cantonne pas à ce genre littéraire : il est aussi essayiste, dramaturge, traducteur... Fasciné par le pouvoir créateur de la contrainte, l'écrivain en invente un certain nombre pour l'OuLiPo, comme le «baobab» ou le «haïku oulipien généralisé». Ce professeur de mathématiques est également un grand spécialiste du sonnet, auquel il consacre une thèse de doctorat sous la direction d'Yves Bonnefoy : La Forme du sonnet français de Marot à Malherbe. Recherche de seconde rhétorique. Il a par ailleurs exploré d'autres formes fixes, telles que la sextine, qui vient de la poésie des troubadours - dont il est un des plus grands connaisseurs - ou le renga, hérité de la poésie japonaise.

Éclairage média

Par Alexandra Von Bomhard

Rencontrant un lectorat relativement restreint, la poésie est, de fait, peu représentée à la télévision. Le magazine «Les poètes», réalisé par Jean-Pierre Prévost, se présente comme une suite de portraits d'auteurs de ce genre littéraire a priori confidentiel. L'émission du 30/08/73 est consacrée à Jacques Roubaud, qui rappelle, entre autres, deux influences majeures dans son oeuvre : l'art des troubadours et la poésie japonaise. Loin de représenter le poète comme un être à part, reclus dans sa tour d'ivoire, le documentaire nous le montre comme un homme simple et accessible. Cette impression est permise par le lieu du tournage (on pénètre dans la demeure de l'écrivain, dans le Lauragais), les situations choisies (discussion au coin du feu, promenade,...) et les cadrages (les plans rapprochés et serrés donnent un sentiment de proximité avec l'auteur). A l'anonymat d'une voix off, susceptible de créer une certaine distance avec le poète, le réalisateur préfère donner à entendre une conversation entre deux proches : Georges Perec n'est pas seulement oulipien comme Jacques Roubaud, il est aussi son ami. Il s'agit bien de désacraliser l'image du poète, sans amoindrir pour autant l'exigence qui est au coeur de son travail.

Se définissant lui-même comme «compositeur de mathématiques et de poésie», Roubaud souligne combien sa démarche, systématique, emprunte à la rigueur scientifique. Cependant, sa recherche dépasse le niveau du poème et s'étend à celui du recueil : comment trouver une organisation des textes poétiques qui ne soit ni chronologique, ni thématique ? A cette question, Roubaud a déjà apporté plusieurs réponses. L'ouvrage Signe d'appartenance (1967), par exemple, est un sonnet de sonnets dont la composition est conçue comme une partie de jeu de go. Les poésies médiévales et japonaises lui inspirent d'autres façons de tisser les textes entre eux. Ses recueils Mono no aware (1970), et Renga (1971) en portent la trace. Enfin, pour Roubaud, tous les pans de sa vie sont intimement liés : son écriture se nourrit tout autant de la recherche scientifique que de ses promenades en forêt (ce à quoi la dissociation du son et de l'image, à la fin de l'extrait, fait écho : on voit l'homme déambuler dans les champs avec son ami, tandis que sont développées, en off, ses interrogations concernant l'agencement des textes poétiques). C'est pourquoi le poète est, selon lui, comparable à un chasseur d'escargot : il «doit mettre une sorte de paire de lunettes intérieures spéciales, choisir un regard gastéropodique s'il ne veut pas rentrer bredouille» (Jacques Roubaud, Poésie).

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