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Elections libres pour une assemblée constituante en Tunisie

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 24 oct. 2011

Le 23 octobre 2011, pour la première fois de son histoire, les 7,2 millions d'électeurs tunisiens participent avec fierté à des élections libres démocratiques pour désigner les députés de l'assemblée constituante. Le parti islamiste Ennahdah, disposant d'un réseau bien organisé à travers le pays, arrive en tête avec 40 % des suffrages alors que les partis laïques sont divisés.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
24 oct. 2011
Production :
INA
Page publiée le :
28 oct. 2014
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001686

Contexte historique

Par Claude Robinot

La fuite du président Ben Ali en Arabie Saoudite, le 14 janvier 2011, marque la fin de la dictature en Tunisie. En février 2011, un gouvernement provisoire reconnu par tous assure l'intérim jusqu'aux élections, fixées en octobre. Yadh Ben Achour, juriste renommé, préside une haute instance chargée de veiller à « la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique ».

La Tunisie de l'après-révolution est agitée par une intense activité politique. Dès le mois de janvier, les exilés politiques rentrent au pays. Moncef Marzouki, militant des droits de l'Homme, déclare vouloir se présenter à la présidence. Rached Gannouchi rentre de Londres et retrouve sa place d'inspirateur du mouvement islamiste Ennahdha, proche des Frères musulmans. Si l'ancien parti de Ben Ali, le RCD, est dissous, une trentaine d'autres sont autorisés. La liberté d'expression est presque totale à la télévision, comme dans la presse écrite. Les médias numériques (blogs, twitter, Facebook) qui ont joué un rôle important pendant les journées révolutionnaires continuent à informer et à commenter la vie politique.

Pour garantir un processus électoral transparent, l'organisation des élections n'est pas confiée au ministère de l'Intérieur mais à une Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) composée de personnalités neutres et de représentants de tous les partis politiques. En plus de ce dispositif national, la communauté internationale envoie environ 500 observateurs, chargés de veiller à l'honnêteté du scrutin. La campagne électorale se déroule dans un climat relativement apaisé. Le seul incident à signaler est la tentative des salafistes d'empêcher par la force la diffusion par une télévision privée du film de Marjane Satrapi  Persepolis, jugé blasphématoire.

Le mouvement Ennahdha s'oppose aussi au film, jugé contraire à l'Islam, mais condamne les violences. Deux jours plus tard, les laïques et les libéraux manifestent pour la liberté d'expression et contre les violences. Une semaine après cet épisode, les Tunisiens se rendent massivement aux urnes pour départager 11 000 candidats répartis sur 1517 listes. L'objectif est d'élire les 217 députés à l'assemblée constituante. Le nombre d'électeurs potentiels est de 7,5 millions , mais tous les Tunisiens n'ont pas pu s'inscrire à temps sur les listes, même si la simple présentation d'une carte d'identité permet le vote. Le taux de participation est de 54 % : c'est un relatif succès pour un pays qui n'avait pas de tradition démocratique. Tous les observateurs étrangers se sont plu à souligner la bonne tenue du scrutin et le petit nombre de fraudes ou d'incidents. Les électeurs ont montrer leur enthousiasme, venant parfois voter enveloppés dans le drapeau national. Cette première élection pluraliste est un motif de fierté pour les Tunisiens, conscients d'être des modèles pour les pays arabes.

Les islamistes d'Ennahdha ont joué le jeu de la démocratie. Ils y avaient intérêt, car ils sont la force politique la mieux organisée, disposant de relais dans tout le pays, soutenus par la télévision qatarie Al Jazeera favorable aux Frères musulmans dans tout le monde arabe. Les Islamistes arrivent en tête, avec 89 députés. Pour les partis classés à gauche : le congrès pour la République de Marzouki obtient 29 sièges et Ettakatol 20 sièges. Les Islamistes dominent mais ils ne peuvent pas gouverner seuls. C'est entre ces trois forces politiques, baptisées troïka, que se noue un accord pour une répartition équilibrée des pouvoirs. Ben Jaafar, d'Ettakatol, préside la Constituante, Moncef Marzouki est élu président de la République le 12 décembre 2011. Deux jours plus tard, Hamadi Jebali d'Ennahdha forme un gouvernement majoritairement islamiste. La Tunisie est désormais dotée d'institutions démocratiques. L'assemblée se consacre à sa principale tâche : la rédaction d'une constitution.

Éclairage média

Par Claude Robinot

Le journal télévisé de France 3 présenté par Patricia Loison aborde la question des élections à l'assemblée constituante qui viennent de se dérouler en Tunisie. La présentatrice, alors que les résultats définitifs ne sont pas encore connus, donne la tendance générale. Ennahdha, le parti islamiste, arrive largement en tête, sans avoir la majorité absolue. Les autres partis, le plus souvent de gauche, sont battus à cause de leur division.

Pour Ennahdha, un des axes de communication les plus importants vis-à-vis des médias occidentaux est de présenter leur parti comme moderne, ouvert et modéré. Pour cela il n'hésite pas à mettre en avant les deux filles du fondateur Rached Ghannouchi. Elles s'expriment en anglais, langue qu'elles maîtrisent parfaitement puisqu'elles ont vécu en l'exil à Londres où elles ont fait leurs études. C'est aussi une volonté de ne pas parler français, langue perçue par les islamistes comme un héritage de la colonisation. Dans cette mise en scène, pour faire bonne mesure, on n'oublie pas non plus de tendre le drapeau national tunisien. Une façon de présenter Ennahdha comme une formation patriotique tunisienne, certains critiques reprochant aux islamistes leurs liens avec « l'internationale des frères musulmans ». Pour montrer qu'ils ne sont pas sectaires, les partisans de Rached Ghannouchi n'hésitent pas à présenter en tête de liste une femme non voilée. Cette dernière, pharmacienne dans un quartier aisé de Tunis, a fait le tour des médias français et occidentaux, pour tenir le même discours ouvert et modéré tout en affirmant la prééminence des valeurs et les préceptes religieux. Cette attitude peut se comprendre aussi par la situation spécifique de la Tunisie. Les islamistes n'ont pas la majorité absolue, ils doivent composer avec une opposition laïque divisée mais plus nombreuse.

Le responsable des opérations électorales qui s'exprime dans le reportage le dit d'une autre manière : Ennahda peut compter jusqu'à 35 % des suffrages. Pour gouverner, une coalition et des compromis sont indispensables dans de nombreux domaines comme le maintien du statut personnel des femmes adopté du temps de Bourguiba, bien plus libéral que la tradition islamique.

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