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Pierre Brossolette, héros et martyr de la Résistance française

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 22 mars 1969

Un reportage diffusé au journal télévisé à l'occasion du 25e anniversaire de sa mort revient sur la trajectoire et les engagements de Pierre Brossolette, journaliste et homme de radio, militant socialiste, qui joua un rôle crucial dans le développement et l'organisation de la Résistance française.

Niveaux et disciplines

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
22 mars 1969
Production :
INA
Page publiée le :
01 avr. 2015
Modifiée le :
22 mars 2024
Référence :
00000001716

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

Par le rôle crucial qu'il exerça au sein des « deux Résistances » entre 1940 et 1944 – celle de la France intérieure et celle des Français libres –, Pierre Brossolette appartient, selon son biographe Guillaume Piketty, au « saint des saints de la Résistance française » et fait partie des « grands noms » de la mémoire résistante. Toutefois, c'est surtout sa mort en martyr qui eut tendance à en faire un exemple et un héros, reléguant quelque peu dans l'ombre le travail considérable qu'il réalisa en faveur de l'organisation de la Résistance. La panthéonisation de Jean Moulin en 1964 et la mise en avant de son rôle joué en faveur de l'unification de la Résistance derrière le général de Gaulle allait également reléguer au second plan les nombreux efforts qu'avait pu développer Pierre Brossolette dans ce même sens.

Après des études brillantes (second à l'agrégation d'histoire), Pierre Brossolette fit le choix du journalisme, obtenant une certaine notoriété comme spécialiste des relations internationales à travers ses collaborations à de nombreux journaux, mais aussi ses chroniques à la radio. Militant socialiste dans l'Aube, il échoua aux élections à la députation en 1936. Favorable au pacifisme dans sa jeunesse, son antifascisme l'amèna à évoluer à partir de 1938 vers une volonté de « résistance » et de « fermeté » face aux initiatives d'Hitler.

Après avoir vécu de l'intérieur la débâche du printemps 1940 (officier, il assura avec succès la retraite de son bataillon), sa volonté de « faire quelque chose » – à la fois contre l'occupation allemande et contre l'instauration du régime de Vichy – l'amena à être l'un des précurseurs de la Résistance métropolitaine, participant à la création du groupe du Musée de l'Homme à la fin de l'hiver 1941, puis établissant des contacts avec plusieurs mouvements et réseaux qui se constituaient en zone nord (Libération Nord, Comité d'action socialiste, Confrérie Notre-Dame). Par l'intermédiaire du réseau dirigé par le colonel Rémy, Confrérie Notre-Dame, Pierre Brossolette fit parvenir à la France libre plusieurs rapports sur la situation en zone occupée qui amenèrent les services secrets gaullistes du colonel Passy à lui demander de venir à Londres en avril 1942.

Pierre Brossolette devint alors l'un des hommes clés des liaisons qui allaient s'établir entre la France libre et la Résistance intérieure, effectuant trois missions clandestines en France métropolitaine :

 La première mission (juin-septembre 1942) lui permit d'établir des contacts avec plusieurs personnalités politiques françaises ayant fait le choix de la dissidence, convainquant notamment André Philip, Louis Vallon et Charles Vallin de rallier Londres et renforçant par ces ralliements la position de De Gaulle.

• La seconde mission, « Brumaire », entre janvier et avril 1943, fut la plus importante : Pierre Brossolette travailla en zone nord pour la coordination des différentes organisations résistantes. Cette mission constitua une étape essentielle dans l'unification de la Résistance, qui allait se concrétiser par la création du CNR. Elle vit également se développer d'importantes tensions entre Jean Moulin et Pierre Brossolette, pour des raisons à la fois personnelles, mais aussi politiques (Pierre Brossolette, contrairement à Jean Moulin, souhaitait limiter la participation des anciens partis politiques aux institutions nouvelles de la Résistance, mais se montrait en revanche favorable à une stratégie d'ouverture vers le parti communiste).

• La troisième mission, à partir de septembre 1943, avait pour objectif, après l'arrestation de Jean Moulin, d'installer dans ses fonctions le nouveau délégué général du CFLN (Comité français de libération nationale), Émile Bollaert. Une tempête ayant fait échouer son retour en Angleterre en bateau dans la nuit du 2 au 3 février 1944, Pierre Brossolette fut arrêté lors d'un simple contrôle de routine à Audierne. Emprisonné à Rennes, identifié par les Allemands, il fut transféré au siège de la Gestapo à Paris. Après deux jours de torture, il se suicida le 22 mars 1944 en profitant de l'inattention de ses gardiens pour se jeter par la fenêtre.

En 2015, Pierre Brossolette fait partie des quatre personnalités de la Résistance qui entrent au Panthéon (voir François Hollande annonce l'entrée au Panthéon de quatre résistants).

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

Constitué d'images d'archives, d'extraits sonores radiophoniques et du témoignage de deux personnalités de la Résistance l'ayant fréquenté, ce reportage réalisé à l'occasion de la commémoration du 25e anniversaire de sa mort évoque l'ensemble de la trajectoire de Pierre Brossolette en insistant sur quelques moments forts : • sa carrière de journaliste avant guerre et notamment son rôle dans l'un des médias alors en pleine expansion, la radio ;
• ses débuts dans la Résistance, ayant pour couverture une librairie qu'il avait achetée à Paris, rue de la Pompe ;
• ses missions pour le compte de la France libre ;
• sa mort héroïque, enfin, en se jetant dans le vide.

Le témoignage d'Yves Morandat, qui fut, comme Pierre Brossolette, l'un des principaux agents de Londres œuvrant en France métropolitaine pour la coordination de la Résistance, illustre remarquablement à travers quelques formules (« esprit vif », « vive intelligence », « très courageux », « homme de foi ») la forte personnalité de Pierre Brossolette, bien soulignée également par les historiens, et qui explique à la fois la force de son engagement, mais aussi les nombreux conflits qui ont pu l'opposer à d'autres résistants d'envergure et, en premier lieu, Jean Moulin.

Cette très forte personnalité n'empêchait pas Pierre Brossolette d'avoir beaucoup d'humour et d'être quelqu'un d'enjoué, comme le souligne le second témoignage, celui d'Yves Crouchard. Car le conflit qui opposa Jean Moulin et Pierre Brossolette était bien aussi celui de deux personnalités opposées : le haut fonctionnaire, grand commis de l'État, plus froid et plus calculateur d'un côté (Moulin) ; le journaliste et politique, plus impulsif, plus passionné de l'autre (Brossolette).

En rappelant qu'il était « socialiste, mais le contraire d'un homme de parti », Morandat explique également l'évolution de Brossolette après 1940 : son engagement socialiste ne l'empêcha pas de devenir l'un des plus fervents défenseurs du gaullisme, qui devait être un puissant facteur d'unité dans la résistance et régénérer la vie politique française après la guerre.

Au-delà de sa seule personnalité, les différents témoignages sur Pierre Brossolette sont enfin tout à fait intéressants pour souligner les particularités et difficultés de la vie clandestine. Au début de son engagement résistant, lorsque commencent à se développer les premières organisations, comme celle du Musée de l'Homme, Pierre Brossolette a besoin d'une couverture : ce sera une librairie achetée rue de la Pompe à Paris, qui se révèle être un endroit idéal : derrière le prétexte d'en fréquenter les rayons, cela permettait d'établir des contacts et des liaisons, de servir de lieu de rencontre ou de « boîte aux lettres ».

Lorsqu'il plongea dans la clandestinité totale, à partir du printemps 1942, Pierre Brossolette, qui était connu des services allemands et facilement repérable en raison de quelques particularités physiques (notamment sa mèche blanche au milieu du front), dut non seulement adopter des noms d'emprunt et de code (« Bourgat », « Brumaire »), mais aussi opérer une véritable transformation physique, notamment pour sa dernière mission en France à partir de juin 1943, comme le rappelle Yves Crouchard dans son témoignage. Pierre Brossolette était méconnaissable, portant une moustache, des lunettes, un chapeau de commis-voyageur et étant coiffé en brosse pour éviter de ressembler aux photos d'avant-guerre sur lesquelles pouvait s'appuyer la Gestapo qui le recherchait activement. Cela n'empêcha pas toutefois les Allemands de l'identifier après son arrestation, pour des raisons qui restent encore inconnues des historiens. Les conditions de la mort de Pierre Brossolette, enfin, rappellent la torture pratiquée par les Allemands à l'égard des résistants afin de les faire parler. C'est pour ne pas craquer et pour ne rien leur livrer que Pierre Brossolette se suicida, appliquant en cela une consigne des services secrets gaullistes dont les membres portaient toujours sur eux une capsule de cyanure.

Bibliographie

- Guillaume Piketty, Pierre Brossolette, Un héros de la Résistance, Paris, Odile Jacob, 1998.

- Éric Roussel, Pierre Brossolette, Paris, coédition Fayard, 2011.

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