Funérailles des victimes de l'incendie de 1949

01 septembre 1949
44s
Réf. 00060

Notice

Résumé :

Reportage consacré aux funérailles officielles des victimes de l'incendie de la forêt des Landes d'août 1949, en présence de monsieur Henri Queuille, de monseigneur Feltin et des pompiers du comté de Kent en Angleterre.

Date de diffusion :
01 septembre 1949
Personnalité(s) :

Éclairage

"La Gironde en Deuil" titre la Nouvelle République de Bordeaux et du Sud-Ouest dans une édition spéciale du dimanche 21 août 1949 " Des ruines [...]. Des victimes [...]. Effroyable reprise du feu [...]. Maisons et fermes brûlées, 45 000 hectares ravagés [...]. Plus de soixante-dix morts et de nombreux disparus."

Plus d'une centaine de victimes est annoncée dans les heures qui suivent. Le bilan sera finalement de 82 sauveteurs surpris par une tornade de feu. Elle se produit vers 15 h 15 au Barp. Une équipe sous les ordres du maire de Saucats répare un contre-feu quand elle les surprend. Elle sera visible à plus de 100 km. La température monte à plus à de 1000°C, ne laissant aucune chance à ceux qu'elle rencontre. Des bâtiments situés à 300 mètres s'embrasent instantanément. Cette tornade aurait pour cause l'explosion d'un gaz produite par l'association de composés volatils dégagés par les pins en combustion, de fines particules de poussière et de carbone en suspension dans l'air. Selon une commission d'enquête, l'onde de chaleur a pu s'élever à 1500°C.

Le lieutenant Cuisinier, des sapeurs-pompiers forestiers de la Gironde se souvient "avoir vu une immense trombe charriant du sable, de la poussière, des écorces de pins, soulevant même des arbres entiers. C'était la "sorcière". Elle était montée à plusieurs kilomètres de haut et il y a eu trois grosses explosions". En 20 minutes le feu avait avancé de 6 kilomètres.

Tous sont sous le choc. 10 communes girondines sont en deuil. Cestas, 16 victimes dont la plus jeune, un apprenti résinier, René Christian Gisquet, 15 ans ; Saucats perd son maire, Louis Giraudeau, 44 ans ; Canéjan paie le plus lourd tribu avec 26 victimes ; Villenave d'Ornon, 3 ; Gradignan, 3 ; Pessac, 2 ; Léognan, 2 ; Le Barp, 1 ; Talence, 1 ; Marcheprime, 2 ainsi que 25 hommes du 33e Régiment d'Artillerie basé à Poitiers.

Le 24 août ont lieu les funérailles des militaires tombés lors de cet incendie. Il est décerné à chacun la Médaille militaire à titre posthume.

Le 25 août une cérémonie officielle se déroule à Cestas en présence des autorités civiles, militaires et religieuses. Le cortège officiel est auparvant passé à Villenave-d'Ornon, Canéjan et Marcheprime où il s'est incliné devant les cercueils des victimes. A Cestas, un hommage national est rendu. Le président de la République Vincent Auriol, souffrant, est représenté par le général Grossin. M. Henri Queuille, président du Conseil des ministres, M. Paul Ramadier, ministre de la Défense et ministre de l'Intérieur par intérim, M. Raymond Marcellin, sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur sont là, ainsi que Monseigneur Feltin, nouvel archevêque de Paris mais résidant encore à Bordeaux.

Parmi les délégations, à noter celles des sapeurs pompiers anglais : ceux du Kent et ceux de la Royal Air Force, venus en renfort.

Les victimes civiles reçoivent à titre posthume la Médaille d'or pour acte de courage et dévouement. Les frais des funérailles sont pris en charge par la Nation.

"Les mauvais génies de la forêt se sont tus après la sarabande infernale de ces journées rouges, laissant les vivants se recueillir pour rendre hommage à leurs morts" déclare le maire de Cestas, M. Lafon, lors des funérailles. "Dans les bois dévastés, les grands pins noircis ne gémissent plus, le vent ne court plus sur les bruyères calcinées ; le ciel, lourd et gris, en ce jeudi, s'est associé au deuil des humains rassemblés sur cette petite place de Cestas pour honorer civils et militaires tombés face au feu dans un duel prodigieux."

Bibliographie :

- DEVILLE, Joan, L'incendie meurtrier : dans la forêt des Landes en août 1949, Paris : éditions des Pompiers de France, 2009.

Jean-Paul Saint-Marc

Transcription

Journaliste
La mort, c’est elle encore qui a si douloureusement marqué la forêt landaise. Brûlant tout sur son passage, laissant derrière elle un pays désolé et de trop nombreuses victimes. Aux parents de ces victimes du devoir, Monsieur Queuille, chef du gouvernement, est venu apporter le témoignage du deuil de la France. Venus d’Angleterre pour aider les sauveteurs à combattre le sinistre, les pompiers du comté de Kent ont associé leur pays aux funérailles des 100 héros auxquels Monseigneur Feltin, nouvel archevêque de Paris devait donner l’absoute. Tout danger est aujourd'hui écarté, mais la région meurtrie n’oubliera pas le sacrifice des obscurs combattants du feu.