Vente de coupes de bois de l'ONF à Mont-de-Marsan

13 décembre 1974
03m 31s
Réf. 00102

Notice

Résumé :

A Mont-de-Marsan, la vente de coupes de bois de l'ONF révèle une importante hausse des cours du bois d'œuvre et d'industrie ; face à la raréfaction de la pâte à papier, les papeteries, souhaitant garantir leurs productions, sont peu regardantes quant aux prix et n'hésitent pas à investir dans des coupes destinées aux scieries.

Type de média :
Date de diffusion :
13 décembre 1974

Éclairage

Les cours du bois de pin, matière première très importante pour l'industrie, sont depuis que les pinhadars des Landes de Gascogne ont été étendus, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, au cœur des préoccupations des forestiers. Le petit monde des marchands de bois - acheteurs salariés des grands groupes papetiers [1], scieurs [2] des petites ou grandes entreprises locales et bien évidemment propriétaires attentifs à leurs revenus - suit donc attentivement les grandes ventes qu'organise l'ONF [3].

Certes, dans les Landes de Gascogne, cet organisme est avant tout gestionnaire des grandes forêts domaniales [4] du littoral dunaire, mais - vieux "privilège" hérité de l'administration quasi militaire des Eaux et Forêts d'antan - il supervise les ventes de bois. Les propres quantités qu'il met sur le marché jouent un rôle important par rapport à la fixation des cours moyens.

La "grand'messe" des ventes ONF dans la salle municipale de l'Auberge landaise à Mont-de-Marsan pourrait ne refléter qu'une simple et pittoresque mercuriale. Il n'en est rien, en fait, car les grandes tendances économiques mondiales influencent le marché.

Du fait de la hausse de la demande internationale en pâte à papier – liée aux besoins en emballage en papier kraft ou en carton et à la montée de la grande distribution s'approvisionnant parfois assez loin, y compris dans les pays ateliers d'Asie commençant à monter en puissance – les bois d'industrie ou "bois de trituration" (la seconde qualité en fait) s'arrachent. Les cours flambent même, avec même des incidences sur le cours des bois d'œuvre, plus délicats et variés à dénicher par les scieurs recherchant souvent les meilleurs produits pour le parquet, le lambris ou l'ameublement.

Soucieux d'équilibre et de modération, l'ONF tente de retirer certains lots de la vente pour conserver une dimension raisonnable au marché. Mais il a fort à faire car, en cette fin 1974, l'économie mondiale subit pleinement le premier "choc pétrolier".

En effet, d'une part, les gros industriels sont friands de stocks assez abondants, fût-ce même de bois d'oeuvre, car, au fond, les grandes manœuvres sur le marché de la pâte à papier ont commencé. D'autre part, les petits scieurs sont pénalisés par la conjoncture et le renchérissement des coûts énergétiques.

Le rythme de la gestion forestière est peut-être lent mais il n'est nullement à l'abri des soubresauts de l'économie.

[1] Groupes papetiers : à vrai dire, au milieu des années 1960, on commence à peine à parler de "groupes" dans le petit cercle des usines papetières des Landes de Gascogne, même si capitaux nécessaires et diversification des activités (fabrication de sacs et sachets ou d'ouate cellulosique par exemple) annoncent regroupements et accession à la dimension internationale qui devient effective dans le contexte de la mondialisation à la fin des années 1980. Il s'agit d'abord, pour le massif gascon, des grandes unités apparues pour les premières au début des années 1920 : papeteries de Gascogne à Mimizan, Cellulose du Pin à Biganos (Facture), unités de production de Roquefort et de Tartas...

[2] Scieurs : ce vocable désigne les scieries – mobiles jadis, plus souvent "fixes" dans les années 1960 – qui sont fréquemment de petites unités de type PME induisant d'ailleurs l'activité d'une importante main-d'œuvre dans bien des communes de la zone forestière. Concentration, efforts de productivité et concurrence internationale en réduisent considérablement le nombre par la suite.

[3] Office National des Forêts : inspirée par le projet du ministre de l'agriculture Edgard Pisani, la loi du 23 décembre 1964 a permis d'instaurer l'ONF au 1er janvier 1966 ; il a le statut juridique d'établissement public industriel et commercial (EPIC).

[4] Forêts domaniales : propriétés foncières appartenant à l'État. Sur le littoral gascon elles se situent pour l'essentiel, sur le cordon dunaire du fait de sa fixation par l'administration des Ponts et Chaussées au XIXe siècle, dans les Landes comme en Gironde.

Jean-Jacques Fénié

Transcription

Inconnu
520 000, 515 000, 510 000, 505 000, 500 000, 495 000, 490 000, 485 000, 480 000, 475 000…
Journaliste
Une vente de coupe de bois de l’Office national des forêts, cela se passe le 24 octobre à Mont-de-Marsan. Dans une salle surchauffée, les acheteurs tendus, écoutent s’égrener la litanie des enchères. Litanie bien plus, un véritable rituel. Le crieur annonce la mise à prix la plus forte et puis, contrairement aux autres enchères, il fait descendre au cours d’une cascade des propositions de plus en plus modestes. Mais à tout moment, le directeur de l’Office national des forêts peut retirer des lots de la vente. Il ne s’en privera pas au cours des enchères et, cela, malgré la tendance à une très forte haute, tendance enregistrée au cours de cette séance à Mont-de-Marsan.
Intervenant
En effet, bien que le département soit différent, il se trouve qu’il y a un certain nombre d’acheteurs qui acquièrent des coupes indifféremment dans l’un ou l’autre département. Alors au départ, un peu d’hésitation. Et quand les gens ont constaté que la tendance du marché était à peu près analogue à ce qui a été constaté dans les deux adjudications précédentes, les gens ont repris le rythme habituel et nous avons constaté pratiquement des prix à peu près analogues à ceux que nous avions remarqués dans les deux précédentes séances.
Journaliste
Par contre par rapport à l’an dernier, les prix sont relativement en hausse.
Intervenant
Alors par rapport à l’an dernier, il faut noter une hausse très considérable. Cette hausse est de l’ordre de 80 à 90% pour le bois d’œuvre, et va presque jusqu’à 250% pour le bois d’industrie. Alors le bois d’industrie, ça correspond à une raréfaction de la pâte à papier sur le plan international. Et les acheteurs cherchent à se couvrir absolument parce qu’on sait qu’on va vers une pénurie et même une crise en papier dans les années qui viennent. Il est incontestable que cela fausse les cours parce que les papiers sont amenés pour se couvrir, à prendre des coupes qui, logiquement, devraient aller aux scieurs. Il est vrai qu’on peut répondre à cela que s’ils achètent des coupes de bois d’œuvre, c’est pour faire des échanges avec certains scieurs qui, en sens inverse, ont du bois d’industrie qui normalement irait chez eux.
Journaliste
Les prix pratiqués au cours de ces ventes de bois ne sont révélateurs que d’une tendance du marché. Ils sont en fait l’expression d’un malaise conjoncturel pour deux raisons majeures. D’une part, la volonté des producteurs de bois, les forestiers, de préserver leurs réserves pour ne pas les affaiblir. Et d’autre part, surtout, l’augmentation dans des proportions maintenant inquiétantes, de la consommation de la pâte à papier. Ainsi pour produire 800 tonnes de papier kraft, une entreprise aquitaine utilise-t-elle 3 000 tonnes de bois. Deux conséquences majeures pour le prix du bois, d’une part les papeteries regardent peu le prix de leur bois qu’elles achètent ; pour elles, l’essentiel, étant de garantir leur production ; et d’autre part, les scieries, par contre, ne peuvent suivre les cours, elles achètent peu et cela d’autant moins que le marché du bâtiment se resserre. Il ne faut pas se faire d’illusion, la hausse des cours du bois pour dommageable qu’elle soit aux scieries et aux industries du meuble, la hausse de ces cours donc s’inscrit dans la perspective hélas trop logique, de l’enchérissement général de toutes les matières premières.