Grève aux Papeteries de Gascogne

01 avril 1995
01m 35s
Réf. 00118

Notice

Résumé :

A Mimizan, les employés des Papeteries de Gascogne sont en grève pour revendiquer des augmentations de salaires. Pour l'heure, aucun terrain d'entente n'a été trouvé entre les syndicats et la direction.

Date de diffusion :
01 avril 1995
Source :

Éclairage

L'histoire de l'industrie papetière est rythmée par les crises qu'elle traverse à intervalles constants. En effet, les papeteries possèdent une spécificité singulière : elles se développent par à-coups, ce qui les oblige à alterner régulièrement des périodes de surproduction et de récession. Cette spécificité est encore accentuée par la dépendance du secteur papetier à la conjoncture économique générale : lorsqu'une crise apparaît, la demande s'effondre rapidement.

Or, à partir de 1992, la dévaluation de la monnaie de certains pays clients (Grande-Bretagne, Espagne) conjuguée à une baisse des prix provoqua de sérieuses difficultés pour les papeteries des Landes, dont la société Papeterie de Gascogne. Toutefois, sa spécialisation dans la production de papier kraft, marché de niche, lui a permis d'être relativement épargnée par la crise. Dès 1995, le groupe revenait à l'équilibre financier et laissait le marasme ambiant derrière lui. C'est à ce moment-là que plusieurs conflits sociaux éclatèrent, d'abord dans des filiales puis dans la principale unité de production, la papeterie elle-même.

Sopal, spécialisée dans les emballages souples, donna le coup d'envoi du mouvement contestataire. Confrontée à plusieurs jours de grèves, elle dut accorder une revalorisation des bas salaires.

La revendication fit alors tache d'huile : début avril, l'unité Gascogne Emballage prit le relais de la contestation, bientôt rejointe par la Papeterie de Mimizan qui employait 600 salariés.

Pour ceux qui avaient fait les plus gros sacrifices au plus fort de la crise, il s'agissait de récolter les bénéfices de l'embellie financière. Le moment choisi pour le conflit est révélateur de l'état d'esprit des belligérants : aucune revalorisation salariale n'avait eu lieu ces dernières années alors même que 60 emplois avaient été supprimés pour maintenir la société à flot. Qui plus est, la papeterie avait été périodiquement fermée pour permettre d'écouler les stocks, ce qui avait contraint les ouvriers au chômage partiel. Dans le même temps, le résultat net du groupe passait de 10 à 38 millions de francs et ses dirigeants lançaient une OPA sur les papeteries du Limousin. Autant de facteurs qui cristallisèrent les revendications des salariés.

La grève fut brève – huit jours – mais se radicalisa rapidement. Dès le deuxième jour, l'entrée des matières premières dans l'usine était condamnée et les chaudières arrêtées. Pour faire pression, la direction décida de les relancer. Mais les opérateurs ayant tous rejoint les grévistes, l'entreprise échoua et manqua de faire exploser l'une des chaudières. C'est à partir de ce moment que les négociations redémarrèrent. Elles aboutirent à une augmentation des bas salaires de 300 francs, agrémentée d'une majoration pour le travail de nuit et du dimanche.

Sébastien Poublanc

Transcription

Patrick Pannier
Le cigare comme le surnomme les papetiers mimizannais, la cheminée de l’usine ne fume plus depuis jeudi soir 21 heures. Ici la production de papier kraft n’avait été perturbée par aucun conflit depuis 13 ans. À 80 %, les ouvriers ont voté l’arrêt de travail, non pas pour faire comme leur voisin de Gascogne Emballage, autre filiale de Gascogne SA en grève depuis une semaine, mais bien pour que les fins de mois soient moins difficiles.
Jean-Pierre Cassagne
À l’heure actuelle je ne pense pas qu’on puisse vivre avec 4 700 francs par mois. Alors qu’une minorité dite d’élites émargent quand même avec des salaires beaucoup plus substantiels. Ce qui fait qu’entre nous, la compréhension devient de plus en plus difficile.
Inconn
Au rythme d’une négociation par jour, direction et syndicat n’ont pu trouver de terrain d’entente pour l’instant. Après avoir réclamé 900 francs d’augmentation par mois, les grévistes se disent prêts à reprendre le travail avec 400 francs. Mais la direction n’accorde à ce jour que 240 francs supplémentaires à son personnel. Si les propositions de départ, si la base des négociations, avaient été plus élevées, le mouvement était évité. Et il n’y a pas non plus de relation entre le mouvement Gascogne Emballage et le mouvement de Papeterie de Gascogne.
Patrick Pannier
En 1982, l’usine de Mimizan avait été paralysée pendant 3 semaines. Aujourd’hui, avec la reprise de l’activité économique, les unes après les autres, les unités de l’industrie forestière et papetière landaise sont touchées de plein fouet par les revendications salariales.