Papeterie de Tartas : l'histoire d'un combat syndical réussi

17 décembre 2004
02m 47s
Réf. 00121

Notice

Résumé :

A l'occasion de la parution du livre Les Fumées de la Papète de Tartas, retour sur le combat syndical qui a mobilisé pendant quatre mois, en 1994, population locale, associations et élus, et qui a abouti au maintien de l'activité de la Cellulose du Pin de Tartas, suite à son rachat par le groupe canadien Cascades et Tembec.

Date de diffusion :
17 décembre 2004
Source :

Éclairage

L'histoire de la papeterie de Tartas a été profondément marquée par le mouvement social de 1994. C'était le combat de toute une région qui avait permis le rachat de l'usine par le groupe canadien Cascades et Tembec. Paru dix ans plus tard, un livre, Les Fumées de la Papète de Tartas, relate les épisodes de cet affrontement afin que la lutte de la "Papète" ne soit pas oubliée.

Lorsqu'en janvier 1994 Saint-Gobain, alors propriétaire de la Cellulose du Pin, avait annoncé la fermeture de l'usine, ce fut ressenti comme une véritable catastrophe pour le bassin industriel de Tartas. Selon la direction, cette décision était motivée par l'absence de rentabilité du site au moment même où l'industrie papetière était en pleine récession.

Les motifs invoqués étaient nombreux : marché en surcapacité, taille insuffisante pour être compétitive face à des concurrents quatre fois plus importants (résultant des difficultés à s'approvisionner dans le massif landais), procédés de fabrication dépassés etc. Il aurait été nécessaire d'investir lourdement pour les faire évoluer mais devant le montant des pertes, la direction refusa : en 1993, la Cellulose du Pin avait perdu 150 millions de francs pour un volume d'activité de 400 millions.

La disparition de la papeterie aurait eu de lourdes conséquences pour le département : aux 300 emplois sur site s'ajoutait la dépendance du millier d'exploitants sylvicoles, bûcherons et transporteurs qui l'approvisionnaient. En absorbant près du quart des ressources du massif forestier landais dans le domaine du bois d'industrie (déchets de scieries et coupes d'éclaircies), la fermeture de l'usine aurait eu un effet dévastateur sur l'équilibre de la filière bois.

Cet ensemble de critères explique la levée de boucliers qui se dressa alors contre ce projet. Élus, habitants et employés de la papeterie avaient fait pression pour le maintien de l'activité industrielle et la revente du site.

Le conflit dura quatre mois et un grand nombre d'actions furent entreprises : manifestations dans la région et à Paris, grèves ponctuelles, retenue de la direction pour faire pression sur Saint-Gobain etc. Mais ce fut surtout l'élaboration d'une expertise sur la viabilité de l'usine qui allait permettre son rachat : celle-ci prouva que Saint-Gobain avait sous-évalué la rentabilité du site alors que celui-ci était économiquement viable.

Grâce à la détermination des manifestants, la papeterie fut finalement revendue à un franc symbolique aux canadiens Cascades et Tembec. Mieux encore, ceux-ci acquirent l'usine sans ses dettes, et avec un plan d'accompagnement à la retraite d'une partie des employés. N'ayant à supporter ni les amortissements ni les frais financiers - et grâce à un véritable boom de la pâte absorbante "fluff" après plusieurs années de baisse - les nouveaux acquéreurs parvinrent à redresser l'usine.

Quel en est le bilan dix ans plus tard ? Sur l'usine, il est impressionnant : 130 millions d'euros d'autofinancement on été dégagés, tandis que 45 millions ont été investis pour un résultat net de près de 35 millions. Quant aux emplois, la papeterie n'est jamais descendue au-dessous de 259 salariés. Et en 2004 elle comptait 310 personnes, soit 13 de plus qu'en 1994.

Sébastien Poublanc

Transcription

Présentateur
Il y a dix ans, après quatre mois de lutte, les salariés de la papeterie de Tartas gagnaient leur combat contre la fermeture du site. Un mouvement qui avait mobilisé toute une région. Aujourd’hui, un livre retrace cette épopée. Un ouvrage qui sera présenté demain à l’initiative du comité d’établissement. Retour sur ce que fut cette lutte. Dossier signé Josiane Bouillet et Jean-Pierre Darot. Émotion dans les Landes, la Cellulose du Pin à Tartas pourrait fermer, la direction de Saint-Gobain le confirme, 300 emplois sont menacés.
Josiane Douillet
Fin janvier 94, le début d’un bras de fer qui va durer 4 mois. Saint-Gobain veut fermer la papète, l’annonce est brutale. La première réaction des salariés tout aussi déterminés.
Guy Delmas
Une fermeture serait une véritable catastrophe pour la région. Pour nous, la fermeture n’est pas envisageable.
Josiane Douillet
Une détermination qui ne faiblira pas. À coup d’actions, manifestation, expertise des procédures, le comité d’entreprise ne se résignera jamais.
Guy Delmas
Une nouvelle fois, nous allons leur dire que le fluff est viable et que cette usine est compétitive et qu’il faut retirer le projet de plan de fermeture. On devait gagner parce qu’on avait les atouts pour. Et ensuite, je pense que c’est cette, on va dire entre guillemets cette "mayonnaise" qui a pris avec la population locale, environnementale, enfin au niveau du département, de la région, de la profession papetière qui fait qu’on s’est retrouvé unanime derrière ce projet, enfin contre ce projet de fermeture. Et je crois que c’est ça qui nous a permis de gagner.
Josiane Douillet
La mobilisation, ce sera la clé du succès. À Tartas, population, associations, élus, tous vont se battre pour la papète.
Henri Emmanuelli
Puisqu’on nous explique que l'usine est dépassée, trop petite, il n’y a qu’à en faire une neuve.
Josiane Douillet
Et au sein du comité de soutien, l’association des commerçants de Tartas prendra toute sa part.
Bernard Dufranc
Nous étions tous sur le même bateau. Donc, il n'y avait pas à hésiter et je crois que cette… il y a eu beaucoup de vents très forts, c’est vrai. Toutes les manifestations, tout ce qu’il a pu y avoir quoi.
Josiane Douillet
Mai 94, les Canadiens sont à Tartas, Cascades et Tembec vont racheter pour un franc symbolique sans les dettes et sans licenciement. Mais la commune de Tartas fera le sacrifice de près de 2 millions d’euros de taxes professionnelles.
Marcel Estivals
La dimension humaine a prévalu sur les besoins financiers d’un gros groupe et que cette dimension humaine a triomphé. Et ça, c’est une grande satisfaction.
Josiane Douillet
Au CE de la papète, l’écran de veille rappelle encore un combat vieux de 10 ans qui fait désormais partie de la culture de l’entreprise, exemplaire de rigueur, de responsabilité, de force de conviction. Ici, les acteurs ont voulu figer dans un livre le souvenir. C’est, disent-ils, qu’on se tourne mieux vers l’avenir quand on n’oublie pas son passé.