La filière gras dans les Landes

26 décembre 1996
05m 04s
Réf. 00151

Notice

Résumé :

Présentation de différents aspects de la filière gras dans les Landes : du marché au gras de Pomarez à l'exploitation d'un producteur de canards gras à Maylis sous contrat avec l'un des plus grands conserveurs français, en passant par l'obtention de l'IGP Sud-Ouest pour protéger les producteurs locaux de la concurrence étrangère.

Type de média :
Date de diffusion :
26 décembre 1996
Source :

Éclairage

L'élevage des palmipèdes gras est une tradition bien ancrée dans le sud-ouest de la France, mais, contrairement à ce que voudrait faire croire ce reportage, daté de 1996, ce que l'on engraissait c'était des oies et en petite quantité pour une production saisonnière. Á partir de 1960, sous l'impulsion de plusieurs facteurs, le canard a pris le dessus et l'oie a été abandonnée dans de nombreuses régions. Ces facteurs sont d'ordre économique général : l'élévation du niveau de vie qui a permis une certaine généralisation de la consommation de foie gras ou l'évolution de l'agriculture qui a obligé les petites exploitations à se lancer dans des activités spécialisées, ou d'ordre technique, comme le développement de la congélation qui a permis de s'affranchir des modes de conservation traditionnelle (confits) pour proposer de nouveaux produits plus faciles à stocker et à préparer comme le magret créé vers 1960 par André Daguin, restaurateur à Auch. Or, le canard présente plusieurs avantages par rapport à l'oie : gavage moins contraignant (deux fois par jour au lieu de trois) et plus court (quinze jours au lieu de trois semaines), viande plus tendre, foie moins volumineux et donc moins cher. La forte hausse de la production de palmipèdes, la rationalisation des méthodes de gavage et l'augmentation pharamineuse de la taille des élevages ont entraîné une baisse des prix et une généralisation de la consommation hors de périodes (fin d'année) et des zones traditionnelles (Alsace, Sud-Ouest).

Si bien que ce marché qui est décrit dans ce reportage comme traditionnel ne présente qu'une tradition bien récente, une quinzaine d'années tout au plus. Il met en valeur la petite production familiale, enfin relativement petite, quelques centaines de canards, destinée à de petits conserveurs régionaux, à des particuliers ou des professionnels (restaurateurs, bouchers) réalisant eux-mêmes leurs conserves. Un certain nombre des petits (et aussi moyens) producteurs pratiquent également la vente directe à la ferme, bénéficiant du développement du tourisme rural. Mais ce n'est là que la partie émergée de l'iceberg, d'ailleurs en perte de vitesse si l'on en croit l'évolution des apports au marché de Pomarez : la masse de l'activité conserve est aux mains de quelques grandes sociétés, originaires des zones traditionnelles de production (Périgord, Landes) qui, devant la forte hausse de la demande, ne pouvaient plus se contenter de s'approvisionner sur les marchés locaux. Elles mirent donc en place un réseau de gaveurs tenus par des contrats et obligés, de par les investissements qu'ils doivent consentir, à produire toujours plus à des prix tout juste rémunérateurs et qui ne peuvent qu'espérer, comme le producteur présenté dans le reportage, une hypothétique et bien improbable hausse des cours.

Il faut bien dire que cette évolution n'a pas favorisé la recherche ou le maintien de la qualité, ce qui explique la réaction des producteurs "indépendants" qui ont obtenu la création d'une IGP palmipèdes du Sud-Ouest afin de lutter contre la concurrence nationale (Vendée, Bretagne) et bientôt européenne (Hongrie).

Francis Brumont

Transcription

(Musique)
Patrick Pannier
Bonsoir, les fêtes de fin d’année, l’occasion pour nous tous de mettre les petits plats dans les grands. Entre Noël et la Saint-Sylvestre, le foie gras, qu’il soit de canard ou d’oie reste parmi les produits festifs que l’on retrouve à coup sûr sur nos tables. Ici, sur le marché traditionnel de Pomarez dans les Landes, c’est le grand rush. En cette fin décembre, les cours ont enfin remonté après des années de chute continue. Les producteurs retrouvent le sourire et seront eux aussi de la fête.
(Musique)
Patrick Pannier
10 heures précises, au coup de sifflet, producteurs et acheteurs éventuels pénètrent dans l’enceinte du marché au gras de Pomarez. Un immense réfrigérateur où la température ambiante est de plus 3 degrés. En ce mois de décembre, il faut mettre les bouchées doubles pour satisfaire la demande. Et les affaires sont excellentes pour les producteurs de Chalosse.
Christian Pussacq
Là, c’est très bon, c’est très bon oui. Les cours ont avoisiné les 30 francs, chose qu’on n’a pas vu il y a 5, 6, ou 7 ans.
Patrick Pannier
C’est plutôt encourageant pour l’avenir ?
Christian Pussacq
Ici, vous savez, c’est très fluctuatif. Une année ça marche et l’autre année c’est le déclin. Bon, on ne peut pas trop se baser quoi. Bon, enfin, il semblerait que du canard de… traditionnel, il y aurait un retour vers ça, vers cette production.
Journaliste
Et vous, vous êtes satisfaite ?
Inconnue
Trente.
Journaliste
Plutôt bien ?
Inconnue
Il faudrait que ça reste là.
Journaliste
Alors monsieur, ça a marché ?
Inconnu
Oui, oui. On dirait que…
Journaliste
Quel prix ?
Inconnu
30, 30 francs.
Journaliste
Et le sentiment, qu’est-ce que vous en pensez ?
Inconnu
C’est moyen, moyen, moyen.
Patrick Pannier
Sur ce marché traditionnel de gré en gré, le dernier existant dans les Landes, on constate hélas chaque année une baisse continue du volume des ventes. Ici, les anciens, qui redoutent de le voir disparaître, répondent toujours présents pour vous donner le petit coup de pouce pour faire le bon choix.
(Bruit)
Inconnu
Ah, vous devez toucher pour savoir s'ils ont du foie. Celui là il en a, celui là un peu moins et ben vous voyez là. Là c’est du foie.
Patrick Pannier
Il n’est pas plus ou moins dur ?
Inconnu
Là où il est le foie, il est plus mou.
Patrick Pannier
En moins de 10 minutes, 5 000 canards ont changé de propriétaire et c’est comme ça tous les lundis et tous les mercredis à Pomarez.
Jean-Claude Hayet
Actuellement, nous rencontrons des acheteurs saisonniers qui viennent de la région Midi-Pyrénées, de l’Ariège, qui viennent se ravitailler avec ce produit type, typiquement landais qui est un produit traditionnel avec un gavage en maïs grain.
(Musique)
Marcel Saint-Cricq
IGP, Indication Géographique Protégée, c’est une règlementation européenne qui protège les signes de qualité. Et donc à travers cette IGP, ça permet de protéger un certain nombre de références géographiques par rapport à son utilisation sur un certain nombre de produits. Donc nous, par rapport à l’IGP Sud-Ouest, il s’agit de protéger le foie gras et tous les produits issus du canard gras par rapport à un certain nombre de références géographiques et ces références géographiques ne pourront être utilisées que dans le cadre d’un cahier des charges bien défini au niveau de toute la filière. Et ça permet d’ancrer la production au niveau des références géographiques parce que pour utiliser une référence géographique, en l’occurrence Sud-Ouest, il faudra que le canard gras soit élevé, gavé et transformé dans le Sud-Ouest.
(Musique)
Patrick Pannier
Jean-Michel Larrère et les membres de sa famille installés en Chalosse produisent la bagatelle de 11 000 canards chaque année. Sous contrat avec l’un des plus importants conserveurs français qui fixe les prix en début d’année, les Larrère ont dû investir plus d’1 million de francs dans cette salle de gavage tout en y préservant une dimension traditionnelle.
(Bruit)
Jean-Michel Larrère
On est parti sur une production plus traditionnelle. Pourquoi ? Bon parce qu’on espère qu’un jour, on sera bien rémunéré sur cette production-là. On espère.
Patrick Pannier
Pour l’instant, ce n’est pas le cas ?
Jean-Michel Larrère
C’est pas le cas. C’est pas le cas.
Patrick Pannier
Aujourd’hui, la plupart des producteurs se trouvent dans une spirale infernale, faible marge, investissement d’équipements pour produire toujours plus. La production a triplé en 10 ans dans notre pays. Conséquence, les prix ont chuté, moins 25 % sur les 3 dernières années.
(Bruit)
Robert Dulau
À l’heure actuelle, des unités de 100 ou 150 canards, on les retrouve mais c’est plutôt pour des unités de conserve à la ferme ou de vente directe. Et ensuite, quand c’est pour des circuits vente-découpe-conserve, c’est plutôt quand même des unités à partir de 300, 400 canards.
Patrick Pannier
Après les importations qui ont mis à mal la filière gras d’Aquitaine, la nouvelle concurrence vient désormais d’autres régions de production, et notamment de l’ouest de la France.
(Musique)