De l'or noir au village

03 mars 2002
05m 46s
Réf. 00218

Notice

Résumé :

En 1954, la société Esso découvre un gisement de pétrole à Parentis-en-Born. Très vite son exploitation se met en route générant une activité sans précédent pour la ville qui se développe alors. Aujourd'hui, le groupe canadien, Vermilion-Rep, continue cette exploitation grâce à une nouvelle technique de forage de puits horizontaux.

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Date de diffusion :
03 mars 2002
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Éclairage

Au début des années 2000 on pourrait croire que l'activité pétrolière a définitivement cessé dans le bassin de Parentis. Ce n'est pas tout à fait vrai.

Initiée à partir de la découverte du "naphte" en 1954 en Pays de Born, elle a indéniablement transformé le modeste chef-lieu de canton du nord-ouest des Landes. Dans les années 1960, au plein du "tout pétrole", la concession exploitée par la société Esso-Rep se révèle une manne bienfaisante pour la commune qui augmente sa population et se transforme [1]. Certes d'une échelle modeste à Parentis, le phénomène, au cours des décennies précédentes, a d'ailleurs été souvent identique en bien des bassins pétroliers du monde ; à commencer par le Texas, l'Oklahoma ou une bonne partie des rivages du Golfe arabo-persique.

La production "landaise" [2], sans doute marginale, paraît doucement s'estomper au début des années 1970. Cependant les hausses récurrentes des cours pétroliers de 1973 aux débuts des années 1980 font reconsidérer l'avenir. Esso réinvestit pour quelques années encore. Toutefois, dans le milieu des années 1990, un changement de stratégie s'opère. La célèbre société se désengage des Landes mais le site n'est pas abandonné pour autant.

Née en 1994 à Calgary, dans la province canadienne l'Alberta, la société Vermilion s'y intéresse. Elle est une de ces entreprises qui se spécialisent dans les opérations consistant à pomper les ultimes réserves d'hydrocarbures.

Dès les premières années de l'épopée du pétrole qui a bouleversé maintes régions de la planète, les compagnies sont en effet allées au plus facile et ont fait "cracher" seulement les puits les plus productifs. Ce fut par exemple le cas dans la fameuse province du Hasa en Arabie Saoudite, aux confins du non moins chanceux et riche Koweit. Or, avec les chocs pétroliers, d'une part, et la croissance de la demande mondiale conjuguée aux incertitudes du "pic pétrolier" [3], d'autre part, les réserves, non exploitées parce que difficiles ou trop profondes, revêtent une valeur nouvelle. Ainsi Vermilion se développe-t-elle en optant pour cette niche insoupçonnée jadis. Elle récupère Parentis en 1994 et maintient l'activité du site, modestement sans doute en termes d'emplois si l'on compare à "l'âge d'or de l'or noir landais", en procédant à des forages "horizontaux" ; mais qui permettent de capter une bonne partie des réserves.

[1] Il est vrai qu'à partir de 1962 la création sur le littoral, entre Biscarrosse et Mimizan, du Centre d'essais des Landes (CEL), en remplacement des bases sahariennes abandonnées du fait de l'indépendance de l'Algérie, impulse également bien des changements dans la contrée.

[2] La production se fait en vérité à cheval sur les Landes (Parentis-en-Born) et la Gironde (Cazaux).

[3] L'incertaine période à partir de laquelle la production va inexorablement sur son déclin, avec toutes les questions économiques et géopolitiques afférentes.

Jean-Jacques Fénié

Transcription

Journaliste
En pleine forêt landaise où coulent avec une égale générosité la résine et le pétrole, se tient une exposition permanente consacrée au pétrole. Dimanche, elle fêtait son 500 000ème visiteur. La Joconde au Louvre est en passe d’être détrônée.
Journaliste1
Aujourd’hui, voici ce qu’il reste du musée ; vestiges des années fastes du pétrole landais, il est fermé depuis 2 ans, mais ici, personne n’a oublié la belle histoire. Cette belle histoire, elle débute en 1954 après plusieurs années d’exploration des sols, le pétrole jaillit sur les bords du lac, la ruée vers l’or noir enflamme Parentis.
Pierre Loubry
C’était, un peu le Far West parce qu’il y avait [incompris] qui avait découvert le P1, le premier puits, c’était de la [incompris] et puis c’était la fiesta un peu partout et je vous dis pas les restaurants, tout le monde était avec eux pour gagner des sous bien sûr.
(Musique)
Journaliste1
A l’époque, Pierre Loubry comme la plupart des hommes du canton, gagne péniblement sa vie en récoltant de la résine dans les forêts landaises. La société Esso qui exploite les gisements a besoin de main-d’œuvre, alors il n’hésite pas une seconde, il part travailler sur les champs de pétrole, il y passera 28 ans.
Pierre Loubry
Vous savez qu'à ce moment là en 54 ; et il fallait commencer à connaître un peu l’anglais comme je vous disais tout à l’heure il faut quand même apprendre toutes les pouces, les inches, tout ce que vous voudrez, les outils de forage tout en anglais, les diamètres des tubes, des [casings], des [turbings] tout ce que vous voulez tout en anglais hein ! So.
Journaliste1
Jusqu’à 300 personnes travailleront ici dans les années 60 au moment où 4 000 m3 de pétrole étaient produits chaque jour. Parentis était alors le gisement le plus important d’Europe.
Pierre Loubry
Il faut bien réaliser que c’était quand même une découverte, c’était quelque chose, c’était comme un cadeau de Noël, aussi bien à Parentis qu'à moi, comme tous ceux qui maintenant sont à la retraite ou qui ont vécu là-dedans, c'est vraiment un cadeau de ciel ça.
André Mirtin
Vous aviez la redevance des mines qui tombait, qui était de l’ordre de 2 700 000.
Journaliste1
Ce qui était énorme pour l’époque ?
André Mirtin
Ah oui, c’est qui était énorme, c’est qui a permis à ma municipalité que j’ai donc gérée pendant quelques décennies ; ça a permis de faire des infrastructures d'une part mais de superstructures.
Journaliste1
Dans les années 60, Parentis la rurale s’urbanise, en quelques années, la population a presque doublée ; la commune se dote d’un lycée, d’une bibliothèque, d’une nouvelle mairie, des dizaines de maisons sont construites pour loger les salariés du pétrole.
André Mirtin
C’était une véritable politique américaine qui permettait de prévoir l’avenir mais ça c’est le business si vous voulez, ça c’est vrai ; mais enfin, ils ont encouragé les gens à construire là où ils avaient quelques ares, 1 000 ou 2 000 ou 3 000 mètres, tant et si bien que les gens et ceux qui travaillaient à Esso se sont logés au milieu de la population actuelle ; il n’y a eu aucun problème de nouvel arrivant si j’ose dire ; on n’a pas été envahi au contraire ils se sont parfaitement intégrés.
(Musique)
Journaliste1
Selon les prévisions, les gisements de Parentis auraient dû être épuisés il y a au moins 5 ans. Grâce à de nouvelles techniques de forage, les puits produisent encore 500 m3 de pétrole par jour. Une technologie mise en place par Vermilion-Rep, filiale d’une société canadienne qui a racheté le site à Esso en 1997.
Martin Robert
Dans le passé, avant, si vous regardez un peu ici, y'a 28 plates-formes ; et tous les puits étaient des puits verticaux ou un peu déviés. Nous, ce que Vermilion a amené ici, qui existait un peu partout dans le monde mais qui est nouveau ici en France, c’est des puits horizontaux et ça nous donne accès aux réserves, ça nous donne un taux de récupération des réserves en place un peu plus élevé. Faut penser que ici, c’est un gisement qui était découvert dans les années 50, 54 et seulement 28% des réserves ont été récupérées jusque là ; donc en théorie il y a 72% de réserves en place. Jamais on ne va récupérer toutes ces réserves mais nous, on veut augmenter le taux de récupération peut être à 30, 35% même peut être 40%.
Journaliste1
Les puits de Parentis représentent aujourd’hui 11% de la production nationale, soit 0,04 % de la production mondiale. Ici, le pétrole fournit du travail à 39 personnes, l’extraction sur le lac et les berges devrait se poursuivre encore 10 ou 20 ans, autant d’années où le tourisme en plein essor devra cohabiter avec l’or noir.