La daube à l'ancienne

22 décembre 1984
03m 31s
Réf. 00290

Notice

Résumé :

Dans la cuisine du château de Marras, sur la commune de Bordères-Lamensans, Germaine Manciet, fille et petite-fille de fermiers, prépare une recette traditionnelle : la daube à l'ancienne, autrefois plat de fête chez les paysans et les fermiers landais

Date de diffusion :
22 décembre 1984
Source :
Thèmes :

Éclairage

Presque toutes les régions de France pourraient revendiquer l'origine de la daube et sans doute auraient-elles raison. Cependant, le récit de Germaine Manciet vient rappeler quelques fondamentaux de la cuisine du Sud-Ouest en général et des Landes en particulier. En effet, le principe de la préparation de la daube repose sur de la viande - bœuf et porc -, des oignons et carottes, un bouquet garni mais surtout du vin pour la cuisson.

Le reportage met bien en évidence une bouteille de vin rouge de Tursan, et surtout une grande cheminée de château dans laquelle opère la très élégante cuisinière au tablier blanc empesé.

Cette région de vignobles associés à de la polyculture renferme bien des trésors architecturaux parmi lesquels le château de Marras situé sur la commune de Bordères- Lamensans. Parmi les secrets que se transmettaient les cuisinières de tradition bourgeoise ou populaire, les préparations comme les daubes occupaient une place de choix.

Même si cette recette trouve son origine ancienne dans une partie de la Méditerranée, si elle est bien identifiée ensuite comme une recette provençale, les tables landaises de tradition se sont saisies de cette cuisson à petit feu, à l'étouffé, mêlant les viandes qui n'avaient pas trouvé de noble destination à quelque ingrédients de compléments. C'est bien le secret du temps et des saveurs mêlées qui comblent le manque et la cuisine "ménagère" landaise en est bien imprégnée.

C'est dans cette ambiance d'un autre siècle que s'opère la magie de quelques mots : art de vivre, deux jours de cuisson et ce papier de boucher qui évitait aux sucs, odeurs et saveurs de s'échapper de ce toupi magique. Ce toupi avait sans doute était tourné dans le proche village béarnais de Garros, un des lieux de productions de poteries culinaires et utilitaires qui s'étaient développées le long des pays argileux de l'Adour.

Quant au "papier du boucher", sans doute s'agissait-il de ce papier de paille de seigle à la teinte jaune auquel a succédé le papier paraffiné pour l'emballage de la viande.

A présent, les daubes d'oie et de canard, et même de taureau à la saison des fêtes estivales garnissent davantage les tables quand la daube y est invitée. Le vin de Tursan est toujours à l'honneur et la "daube à l'ancienne" signe encore quelques étiquettes de conserveurs, se consommant chaude et non plus froide comme le voulait la tradition...

Bibliographie générale :

- BARREAU Jacques, Les Hommes et leurs aliments. Esquisse d'une histoire écologique et ethnologique de l'alimentation humaine, Paris : Messidor/Temps Actuels, 1983, 381 p.

- COURTINE, Robert Jullien, La cuisine des terroirs. Traditions et recettes culinaires de nos provinces, Lyon : La Manufacture, 1994, 575 p.

- FLANDRIN, Jean-Louis et MONTANARI, Massimo (dir.), Histoire de l'alimentation, Paris : Fayard, 1996, 919 p.

- MONTAGNE, Prosper, Larousse Gastronomique, Paris : Larousse, 1938, 1088 p.

- TOUSSAINT-SAMAT, Maguelonne, Histoire naturelle et morale de la nourriture, Paris : Bordas, 1987, 592 p.

Bibliographie spécifique :

- CLAUSTRES, Francine, La cuisine landaise, Bordeaux : éditions Sud-Ouest, 1996, 128 p.

- CNAC (Centre National des Arts Culinaires), L'inventaire du patrimoine gastronomique, Aquitaine, Paris : Albin Michel, 1997, 322 p.

- CONSTANS, Rémy, Gastronomie gasconne à la Belle Epoque, Bon-Encontre : Association de Livres en Livres, 1998, 108 p.

- CORTY-CAPDEVILLE, Claudie, Manuel de cuisine de Gascogne, Bayonne : Jean Curutchet / éditions Hariette, 1994, 228 p.

- Cuisine, alimentation, manières de tables dans le Sud-Ouest (19ème-20ème siècle), exposition, Toulouse, Centre des Cultures Régionales de Midi-Pyrénées, 1983, 228 p.

- DEMEN, Annie, Si les Landes m'étaient contées en 40 recettes, Recettes du terroir des Logis de France, Mont-de-Marsan, sd. (Disponible au restaurant des Lacs d'Halcoo à Hagetmau)

- La cuisinière de la campagne et de la ville ou nouvelle cuisine économique, 63ème édition, Paris : Librairie Audot, 1885, 701 p.

- MANCIET, Bernard, Le cuisinier landais, Bordeaux : éditions Confluences, 2001, 255 p. (comprenant le recueil du célèbre texte de la fin du 19ème)

- Dictionnaire consulté pour le gascon : Simin Palay, éditions du CNRS, 1974.

Malika Boudellal

Transcription

(Bruit)
Journaliste
Au siècle dernier, cette noble demeure était celle du baron Gérard. Nous sommes au château de Marras, près de Grenade, dans le Bas Adour. Une demeure qu’une petite fille d'alors a bien connue, ses grands-parents, ses parents y étaient fermiers. Germaine Manciet a 75 ans, les hasards et les bonheurs de la ville la ramène à Marras après 43 ans d’exil. Elle a parcouru et sillonné le monde, mais le noël de son enfance, c’était hier.
(Bruit)
Germaine Manciet
A Noël, le plat de résistance, vraiment celui qui était le plus commun dans les fermes, chez les paysans, les gens les plus simples, c’était la daube.
Journaliste
Et pourquoi la daube ?
Germaine Manciet
C’était d’abord un plat de fête puisqu’on achetait la viande chez le boucher, alors que tout le reste de l’année, on se contentait des choses qu’on avait élevé soi-même à la ferme, puisque chacun élevait un cochon, des oies, des canards, ensuite il y avait toujours des poulets. Mais vraiment, chez le boucher, on y allait très rarement.
Journaliste
Pour faire une daube, il faut une tranche de bœuf coupé en gros carrés, de la farine, trois grosses carottes, trois beaux oignons, du jambon maigre bien sec, de l’ail, des clous de girofle, un bouquet garni de sel, du poivre, deux bols d’eau et un bol de vin rouge. Mais le secret, c’est la cuisson, elle doit être douce et lente, et celle-ci va cuire deux jours. Alors, après avoir roulé les morceaux de bœuf dans la farine, coupé 2 oignons en rondelle, il faut mettre le troisième piqué de clous de girofle, il faut hacher l’ail et couper le jambon à petit morceaux.
Germaine Manciet
Maintenant, je vais prendre les carottes que je vais couper en rondelles pour les mettre sur le dessus.
(Bruit)
Germaine Manciet
Maintenant, je vais couvrir tout ça avec du vin et de l’eau, un bol de vin pour 2 bols d’eau. Ce papier, je vais le ficeler sur le toupi là. Autrefois, on le faisait avec le papier que nous donnait le boucher, qui était un papier bien spécial un peu jaune. On l’attachait sur le toupi avec du raphia, du raphia qui était courant à ce moment-là dans les cuisines.
Journaliste
Quel rôle avait ce papier ?
Germaine Manciet
Il empêchait la vapeur de s’en aller, tout restait, tous les sucres, toutes les odeurs, toutes les saveurs restaient à l’intérieur du toupi de terre.
Journaliste
Dites-moi Germaine, c’est un art de vivre qui a complètement disparu, d’après vous.
Germaine Manciet
Hélas, oui ! C’était autre chose, puis on pouvait vivre, il me semble qu’on vivait mieux. C’est un temps qui est bien loin de nous.
(Bruit)