Les cours de gascon pour adultes et enfants à Sabres

25 juin 1996
05m 02s
Réf. 00306

Notice

Résumé :

En Haute-Lande, une poignée de passionnés se bat pour la survie de la langue gasconne. A Sabres, des cours du soir sont proposés pour les adultes ainsi que des cours d'initiation pour les plus jeunes. Par ailleurs, le Parc régional des Landes de Gascogne propose, durant la saison estivale, des visites guidées en gascon de l'écomusée de Marquèze.

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Date de diffusion :
25 juin 1996
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Éclairage

Le gascon est l'une des quatre grandes variantes dialectales de la langue d'oc que les linguistes appellent aussi "occitan". C'est la forme parlée dans tout le département des Landes [1].

Comme toute langue, l'occitan est le résultat de l'histoire des hommes. En France, l'apport latin des débuts du premier millénaire, fixé sur un substrat gaulois d'origine celtique, explique la naissance d'une multitude de dialectes regroupés sous le terme de "gallo-roman".

À la suite des invasions franques des IIIe -Ve siècles, le gallo-roman parlé, grosso modo, au nord de la Loire se différencie des parlers méridionaux restés très proches de la langue mère ; on parle donc désormais de "gallo-roman du nord" au fort adstrat germanique, et de "gallo-roman du sud".

Cinq siècles plus tard, ces deux domaines linguistiques sont assez distincts. Le territoire est désormais scindé entre "langue d'oïl" et "langue d'oc" : une idée du poète italien Dante (XIIIe -XIVe siècle) que de différencier les langues filles issues du latin par la façon de dire "oui". Se détachent ainsi 3 ensembles : les langues d'oïl, d'oc et de si. Une littérature propre émerge dans chaque domaine et, loin du roman balbutiant des Serments de Strasbourg [2], la langue du nord s'affirme désormais face à celle du sud et réciproquement.

En Gascogne cependant, dans un vaste triangle qui déborde le cours de la Garonne et pousse jusqu'en Ariège, le latin s'était imposé à des populations parlant une langue autre que le celte [3]. Appelée "aquitanique" ou proto-basque, elle appartient à un tout autre monde que le vaste ensemble indo-européen et influence logiquement le latin importé dans cette aire géographique. D'aucuns nomment, à juste titre, cette archéo-langue, dont la toponymie garde seule le souvenir, "aquitano-roman" [4].

C'est toute l'originalité du gascon qui en est le continuateur et qui se démarque des autres dialectes occitans par une phonétique spécifique. Parlé depuis plus de mille ans, il est menacé, comme toutes les autres langues de France, par l'imposition du français comme modèle unique sous la Troisième République.

L'école stigmatise l'enfant bilingue de naissance et la pratique de la langue vernaculaire recule un peu partout jusque dans les années 1950-1960 où le "modernisme" s'impose.

Mais, plus ou moins dans l'ombre, les "mainteneurs" de la langue ont su assurer la continuité. Au vieux mouvement du Félibrige né avec Frédéric Mistral, en Provence, à la fin du XIXe siècle, succède, en 1945, le jeune Institut d'Estudis Occitans (IEO) [5] et le centre de gravité du mouvement linguistique en faveur de la langue d'oc se déplace à Toulouse. Dès le début des années 1970, de nouvelles publications apparaissent ; la réappropriation de la langue n'est plus le seul fait d'un cénacle d'universitaires et, alors que les locuteurs naturels se font moins nombreux, un mouvement de renaissance redonne vie aux langues régionales ; l'enseignement se développe dans le secondaire et à l'Université, dans la continuité de la loi Deixonne qui date déjà de 1951 [6].

Un indéniable renouveau s'amorce dans les années 1970. À cet enseignement officiel viennent se greffer un peu partout stages et "veillées" qui se structurent bien vite en cours publics sous l'égide d'associations diverses. Des publications de qualité et une multitude de manifestations culturelles, soutenues ensuite par les conseils généraux et régionaux, portent désormais la langue qui constitue à nouveau un repère identitaire pour les nouvelles générations [7].

Dans les Landes, les cours dispensés par le Foyer rural de Sabres, dans les années 1990, tient lieu d'exemple puisque aujourd'hui on compte, dans le département, plus d'une vingtaine de groupes qui se rassemblent chaque semaine pour apprendre ou réapprendre le gascon. Car les autochtones ne sont pas les seuls à s'intéresser à la question ; nombreux sont les nouveaux arrivants qui le considèrent comme un moyen d'intégration et un outil de compréhension d'un environnement culturel qui n'est pas français.

Toute langue ayant son système graphique propre, le gascon s'écrit selon les règles dites de la "graphie normalisée" popularisée notamment par l'IEO après 1945. Cette orthographe, qui permet l'intercompréhension entre toutes les variantes de l'ensemble occitan couvrant 32 départements, s'inspire de la graphie médiévale, celle des milliers de textes d'archives qui datent du temps où le gascon était langue officielle de la Gascogne et du Pays basque. Pour cette raison, il est important de savoir à nouveau la lire et l'écrire. Ainsi, à côté des conviviales "veillées" à l'ancienne, sont proposés de véritables parcours pédagogiques, ponctués çà et là de concours littéraires et d'épreuves comme la désormais fameuse "dictée occitane" copiée sur le modèle inventé par Bernard Pivot...

[1] Un pays dans sa langue. Le gascon dans l'ensemble d'Oc. Actes du colloque de Sabres sous la présidence de Pierre Bec, 9-10 octobre 2004. Collection Travaux et colloques scientifiques, PNRLG n° 5, 2006, 180 pages.

[2] Les Serments de Strasbourg scellent, le 14 février 842, l'alliance entre Charles le Chauve et Louis le Germanique, petits-fils de Charlemagne, contre les ambitions de leur frère Lothaire. Ils aboutissent au Traité de Verdun, en 843, qui dessine la carte de l'Europe pour les siècles suivants. Ils sont rédigés dans une langue romane à peine séparée du latin et doublés d'un texte en tudesque, langue germanique représentant une forme évoluée du francique. Ils sont donc d'un intérêt majeur pour les linguistes puisqu'ils représentent le premier texte roman.

[3] César, dans La Guerre des Gaules fait bien observer : Gallos ab Aquitanis Garumna flumen...dividit, "La Garonne sépare les Gaulois des Aquitains."

[4] LARTIGUE Philippe, La Gascogne, langue et identité, Orthez : éd. Per Noste, 2011, 142 pages.

[5] L'Institut d'Estudis Occitans, association créée en 1945, a pour but le maintien et le développement de la langue occitane dans toutes ses variantes dialectales.

[6] La loi Deixonne relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux date du 11 janvier 1951. Elle fut la première loi française autorisant l'enseignement des langues régionales de France, le basque, le breton, le catalan et l'occitan dans un premier temps.

[7] L'Amassada, mot pan-occitan signifiant "assemblée", a été fondée en 2004 à l'initiative du Conseil régional d'Aquitaine. C'est un outil de concertation qui participe d'une politique volontariste de sauvegarde et de valorisation des deux autres langues d'Aquitaine, le basque et l'occitan, dans le respect de l'usage du français, langue de la République.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

(Musique)
Patrick Pannier
Adishatz, le bonsoir en gascon. Cette langue en voie de disparition car de moins en moins parlée dans nos contrées. En Haute Lande pourtant on insiste à un sursaut de quelques irréductibles amoureux de la langue de leurs parents ou grands-parents qui se battent pour sa survie. A Sabres où nous sommes, les veillées gasconnes d'antan se sont transformées en cours du soir où l’on vient de plus en plus nombreux pour réapprendre le patois.
Jean-Jacques Fénié
[Incompris]
Inconnus
[Incompris]
Patrick Pannier
Chaque mercredi, à la nuit tombante, ils sont de plus en plus nombreux à se rendre à ces cours de gascon. Certains découvrent la langue d’un pays où ils viennent de s’installer, mais pour la majorité, c’est un véritable retour aux sources.
Paulette Minosque
Et bien moi j’ai connu le gascon, j’ai mes parents qui ont toujours parlé le gascon, et bon je suis partie et il y a longtemps que j’en ai pas parlé mais que j’aime bien y revenir et enfin, ça me, ça me rajeunit. De parler, d’entendre parler gascon et de parler gascon.
Inconnus
[Incompris]
Patrick Pannier
Ici, les étudiants en gascon particulièrement assidus travaillent à partir d’un texte qui sera décortiqué mot par mot.
Inconnue
Faire la différence entre ce T E qui ne se traduit pas en français, c’est un gasconisme et le S E qui est un pronom réfléchi.
René Darnaudguilhem
Etant donné que c'est des cours de patois normalisé, on a, on va arriver à comprendre le catalan, la languedoc, le languedocien, le béarnais, le bazadais, c’est-à dire tous les patois occitans.
Patrick Pannier
Comme jadis, à l’occasion des veillées, chacun porte à boire ou à manger. Pour toute une génération en tout cas, ce retour à l’école est vécu comme une revanche sur le passé.
Inconnus
[Incompris]
Carmen Tastet
J’y suis née dedans, je suis, j’ai appris le gascon à ma naissance, je suis arrivée à l’école, je savais pas parler français. Je ne parlais que le gascon et évidemment je me faisais punir à cause de cela. C’était interdit à l’école de parler, de parler gascon.
(Musique)
Patrick Pannier
Mais en Haute Landes, parler le gascon n’est pas seulement réservé aux plus anciens. Pour ces jeunes Landais, en plus de quelques heures d’enseignement d’occitan au collège, la pratique de la langue, c’est le théâtre à travers des comptines gasconnes.
Marie
[Incompris]
Benoît
[Incompris] Moi j’aime bien le gascon,
Marie
Moi aussi.
Benoît
Mes grands-parents ils le parlent entre eux.
Marie
Moi aussi.
Benoît
J’ai toujours entendu et j’aime bien hein.
Patrick Pannier
Et vous avez envie de continuer à le parler ?
Benoît
Oui.
Marie
Oui.
Patrick Pannier
Chez vous ?
Benoît
Non peut-être pas mais…
Marie
Chez les grands-parents oui.
Benoît
Oui, chez mes parents peut-être pas.
(Musique)
Inconnus
[Incompris]
Patrick Pannier
Pour les accros de gascon qui veulent parler la langue en situation, les curieux ou même les touristes, le Parc régional des langues de Gascogne vous propose durant la saison estivale une visite quotidienne de l’écomusée de Marquèze durant laquelle le français est proscrit.
Françoise Vincent
Je pense qu’on a quand même une prise de conscience que on est la plupart détenteurs d’un certain patrimoine. Nous c’est ce qu’on fait dans le cadre du foyer rural, c’est ce que l’on peut faire aussi dans le cadre du parc régional. On peut tenter de conserver ce qui reste, de faire vivre cette langue.
Inconnus
[Incompris]
(Musique)
Jean-Jacques Fénié
Le trou, il s’est fait approximativement progressivement entre les années 1890-1900, au moment où l’école obligatoire s’est faite en français bien sûr. Et la, les années 50, 60. Et après, il y a eu une reprise de conscience. Néanmoins, il y a toujours eu des mainteneurs, les Félibres par exemple relayés ensuite par les occitanistes, et puis maintenant par une génération qui finalement très composite et il y a plusieurs écoles mais tout le monde travaille dans le même sens pour la promotion et la connaissance de cette langue.
(Musique)