Le musée du Patrimoine Religieux et des Croyances Populaires de Moustey

19 juin 1991
01m 58s
Réf. 00573

Notice

Résumé :

A Moustey, l'église Notre-Dame accueille une exposition consacrée aux traditions landaises et aux dévotions populaires telles que les sources guérisseuses ou encore le cycle de mai. Y sont également présentés des costumes et des objets de la vie quotidienne de la Haute Lande.

Date de diffusion :
19 juin 1991
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

C'est vrai. Les années 1950 et 1960 ne sont pas propices à la conservation des choses du passé. Traumatisée par le dernier conflit mondial, subjuguée par l'Amérique du plan Marshall, obnubilée par l'idée de croissance, l'Europe occidentale se tourne résolument vers le modernisme. Et, des grandes métropoles françaises où opèrent des architectes futuristes aux petits bourgs ruraux où l'on finit de découvrir le confort de "l'eau au robinet" tout en investissant dans le formica, tout dit que c'est la fin d'un monde ancien.

La télévision entre dans les foyers, divulguant et vulgarisant des mœurs nouvelles achevant l'acculturation au modèle national. La pratique des langues vernaculaires en pâtit d'autant plus que l'exode rural, fort dans ces années de croissance, arrache des générations entières au terroir ancestral. On abandonne les oripeaux d'un décor que l'on méprise désormais : "Du laisser-aller plutôt qu'une destruction".

Mais on ne peut anéantir en quelques années l'héritage de deux millénaires. Et les hommes qui conçoivent, dès 1966, sous l'égide de la DATAR [1], une politique de redynamisation économique sociale et culturelle des vastes ensembles territoriaux en déshérence le savent. Naît alors le programme de structuration du Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne qui servira d'écrin à l'écomusée de Marquèze.

Plus de 20 années ont passé et la structure s'enrichit, en cette année 1991, d'un troisième site culturel, complétant le parcours constitué par l'airial de Sabres et l'atelier de gemme de Luxey. Dans cette église désaffectée de Moustey où stagnent, depuis des années, du matériel de la DDE et du vieux mobilier poussiéreux, on va créer un musée qui rassemblera ce qui n'a pu trouver sa place ailleurs : l'âme du pays en quelque sorte.

L'idée sourd dans l'esprit de Gérard Rodriguez, chargé de mission au Parc, et de Jean-Pierre Lescarret et Jean-Jacques Fénié, spécialistes du patrimoine. Devant l'état de décrépitude de l'église, ils proposent un programme de valorisation approuvé par Henri Conan [2] et les collectivités territoriales chargées de financer les travaux.

Car Moustey (parrochia de Mosters, Vasatensis diocesis en 1274) n'est pas un lieu banal. Cette commune du nord de la Grande Lande, à la confluence des deux Leyre, relevant de l'ancienne enclave de l'évêché de Bazas, se trouve, en effet, à la tête d'un patrimoine religieux exceptionnel : deux églises romanes, jadis situées dans le même cimetière [3] auxquelles s'ajoute, depuis 1965, Saint-Pierre-ès-Liens de Biganon, datée du XIe siècle [4].

Cet héritage particulier s'explique par la construction, vraisemblablement un siècle après l'érection de l'église paroissiale Saint-Martin datant du XIIe siècle [5], d'un second lieu de culte, l'église Notre-Dame rattachée à un hôpital-léproserie destiné à l'accueil des pèlerins de Compostelle sur la via Turensis.

Le toponyme est médiéval et rappelle précisément un "moûtier", mais la titulature et la découverte d'un important trésor monétaire gallo-romain au lieu-dit Hourtoy assurent l'ancienneté de l'occupation du sol dans ce secteur.

Même si on a pu reprocher à cette présentation une certaine confusion entre le profane et le sacré, ce qu'elle apporte dans la connaissance du pays et de son identité n'est pas négligeable. On y comprend finalement pourquoi, dans un territoire christianisé sans doute tardivement, on prête aux eaux des vertus médicinales par le truchement de rites aux confins du paganisme et du christianisme. Les fontaines guérisseuses, honts guaridoras, medicinairas ou pregandaires, jouent toujours leur rôle pour remédier aux maux les plus courants [6].

Rendu inutile par la construction du Pavillon des Landes de Gascogne à Sabres, dont l'inauguration est prévue en 2008, le musée du Patrimoine religieux et des Croyances populaires de Moustey ferme ses portes en 2006.

Et la vieille église des pèlerins de retrouver un silence religieux...

[1] Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale.

[2] Directeur du PNR de 1986 à 1996.

[3] Qu'ei tant corrut, tant virat, jamai n'ei vist duas glèisas hens un segrat. "J'ai tant couru, tant voyagé, jamais je n'ai vu deux églises dans un cimetière". (Dom Biron, cité par l'abbé Baurein).

[4] Inscrite avec la fontaine Sainte-Ruffine aux monuments historiques par arrêté du 17 janvier 1997.

[5] Inscrite aux monuments historiques par arrêté du 18 juin 1973.

[6] MARLIAVE, Olivier (de), Sources et saints guérisseurs des Landes de Gascogne, L'Horizon chimérique, 1999.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

(Musique)
Journaliste
Une des deux églises de Moustey, celle de Notre-Dame aux fresques fraîchement découvertes, accueille une première exposition sur les traditions landaises et les dévotions populaires dont celles des sources guérisseuses ; avec un système astucieux de panneaux lumineux qui vous guidera vers les bonnes eaux comme celles de la Hont de Las Langas, reconstituée dans la nef de l’église. Et il y en a des dizaines de ces fontaines, susceptibles de vous faire passer un eczéma ou une fièvre.
(Musique)
Intervenant
C’est toujours l’objet de pratiques tout à fait vivaces, je dirais, et un peu toutes générations confondues. C’est ce qui fait dire qu’effectivement, c’est quelque chose qui perdure et qui est encore très fort dans ce pays.
(Musique)
Journaliste
Le traditionnel cycle saisonnier présenté ici subsiste, carnavals, ses mascarades et ses rites. Le cycle de mai, ce sont les Rogations, une des premières fêtes chrétiennes avec les offrandes des fruits de la terre auprès des croix de carrefours, et tout cela ne remonte qu’à quelques années ; comme l’utilisation de tous ces objets de la vie quotidienne de la Lande, et qui font figures de rescapés d’un lointain passé. Objets tous simples et pourtant devenus rares.
(Musique)
Intervenant
A une époque, on a considéré que c’étaient des objets ou des outils ou des vêtements un peu vulgaires, qui ne méritaient pas une conservation. Donc, on leur a réservé un sort un petit peu dur, et bien souvent, les meubles se sont retrouvés dans des granges à pourrir, voilà. C’est plutôt un laisser-aller, je dirais, qu’une destruction.
(Musique)
Journaliste
Les objets et les costumes présentés à Moustey ne sont pas toujours spectaculaires. La Haute Lande était une terre pauvre et cette robe de mariée d’un siècle d’âge constitue une pièce unique. Cette exposition sur les temps et les lieux sera suivie de deux autres expositions dont l’une, très attendue, sur la sorcellerie.
(Musique)