Histoires de votre ville : Sore

03 juin 1980
03m 57s
Réf. 00603

Notice

Résumé :

Monographie du village de Sore, dans les landes, préparée par des élèves de cm2du village. Leur maîtresse et F. Hubert du service histoire écomusée de la grande lande, leur raconte l'histoire des différents monuments de la ville. L. Descoubes présente quelques cartes postales qu il a sur le village. Les enfants expliquent ensuite comment ils ont procédé pour constituer ce dossier sur Sore.

Type de média :
Date de diffusion :
03 juin 1980
Source :

Éclairage

L'année 1980 est classée « année du Patrimoine », ce qui engendre une profusion d'initiatives pour sensibiliser le grand public à la nécessité de conserver les traces du passé.

Cette notion de « patrimoine » (du latin patrimonium, « hérité du père ») émerge à la Révolution française qui en fait un instrument privilégié de la construction nationale. Dès la Constituante, le patrimoine historique et artistique suscite, de fait, une réflexion fondatrice à l'origine de la création, sous la Monarchie de Juillet, de l'Inspection générale des Monuments historiques, même s'il faut attendre la IIIe République pour qu'un cadre juridique protège les monuments (lois de 1887).

Cette acception, initialement restreinte à l'héritage bâti et aux œuvres d'art, évolue un peu plus tard, dans la première moitié du XXe siècle, quand on prend également en considération les sites naturels fréquentés par les classes privilégiées dès le milieu du XIXe, accessibles au tourisme de masse après les lois sur les congés payés de 1936.

Les dommages causés par le second conflit mondial accélèrent ensuite la prise de conscience de la valeur de ces legs quand, paradoxalement, les années de la Reconstruction, résolument tournées vers le modernisme, altèrent à la fois l'environnement urbain et laissent en déshérence le patrimoine rural, jugé mineur.

En ce sens, l'année 1980 amorce donc un tournant décisif en validant l'extension du champ d'action au patrimoine culturel (matériel et immatériel) et en créant une Mission du patrimoine ethnologique (1). On découvre alors la valeur d'un héritage de proximité, la beauté du petit patrimoine bâti (fontaines, lavoirs, chapelles, croix de carrefour...) mais aussi l'importance de l'histoire locale, partie prenante de la Grande Histoire.

Parallèlement, les marchands de cartes postales anciennes font florès ; chez les bouquinistes, la cote des ouvrages régionalistes ne cesse de croître et aux Archives départementales, les généalogistes affluent. Dans les Landes, on redécouvre Félix Arnaudin (2).

Tandis qu'à Paris le président Valéry Giscard d'Estaing remet les prix du concours des « Chefs-d'œuvre en péril », organisé par Antenne 2, le cours élémentaire de Sore, petit bourg ancré aux confins des Landes et de la Gironde, fait connaissance avec son environnement immédiat, sous la houlette de l'institutrice et de François Hubert, du service éducatif de l'écomusée de la Grande Lande de Sabres (3). Le travail de collectage ici réalisé préfigure donc, en somme, les classes culturelles (classes patrimoine, classes nature...) entérinées par la circulaire n° 89-279 du 8 septembre 1989.

Ainsi, les enfants découvrent que Sore (Sanctus Johannes de Sore, XIe-XIIe s.), au cœur de la « lande de Mauriac », joue un rôle important au Moyen Âge (4) : les Albret y possèdent un château au XIIIe siècle avant que le bourg ne devienne le centre d'une importante châtellenie. De ce château, situé sur la rive droite de la Leyre, au lieu-dit La Ville, ne subsistent que les vestiges d'une motte tandis que l'hôpital pour les pèlerins, construit à proximité, a totalement disparu (5).

La « porte des Anglais », toujours visible au lieu-dit Le Moulin, est le dernier témoignage d'un ensemble de fortifications comportant trois ouvertures (6). À ce legs original s'ajoutent, restaurées dans les années 2000, les peintures murales (XIIIe et XVe siècles) de l'église paroissiale qui n'a conservé de son architecture primitive qu'un chevet surélevé roman.

(1) Ce ministère s'intitule d'ailleurs « Ministère de la Culture, de l'Environnement et du Cadre de Vie ».

(2) Félix Arnaudin (1844-1921), né et mort à Labouheyre, dans les Landes, a consacré sa vie à la mémoire de son patrimoine local. Il est à l'origine du concept de Grande Lande. Cet ethnologue autodidacte a laissé une œuvre immense que le Parc naturel régional des Landes de Gascogne a publiée en 9 tomes, de 1994 à 2007. Grâce au fonds photographique qu'il a légué à la postérité, les Landais ont une bonne connaissance d'un patrimoine qui a été largement bouleversé au cours du XXe siècle.

(3) François Hubert est aujourd'hui, en 2013, conservateur en chef et directeur du musée d'Aquitaine, à Bordeaux.

(4) La paroisse primitive s'est établie sur un promontoire dominant la vallée de la Petite Leyre. Si l'on en croit le toponyme, qui émane sans doute du cognomen aquitain Sorus, ses origines sont antiques.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Journaliste
Les enfants sont les premiers concernés par le patrimoine. C’est en partant de ce postulat et dans le cadre des travaux d’éveil que la directrice de l’école de Sore a voulu faire comprendre à ces élèves l’histoire de l’évolution de leur ville ; en les transportant sur les lieux où subsistent des vestiges.
Intervenante 1
Le point de départ de ce concours pouvait être cette porte qui date du XIXème siècle.
François Hubert
C’est-à-dire que la ville avait été complètement saccagée, pillée et brûlée par les huguenots à l’époque des Guerres de religion. Donc, il ne restait plus après que trois portes de la ville. Les deux autres ont complètement disparu maintenant. Et celle-ci est le seul vestige si vous voulez de cette époque.
Intervenante 1
Qu’est-ce que c’est que cette ruine-là ?
Inconnue 1
C’est une ancienne chapelle, qui s’appelle Saint-Rémy.
Intervenante 1
Oui, et elle était construite à l’extérieur de l’ancienne ville.
Inconnues
Oui !
Intervenante 1
Et il y avait aussi un hôpital à cet endroit, savez-vous pourquoi ?
Inconnues
Oui !
François Hubert
Parce qu’ici, si vous voulez, arrivaient les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Alors, les gens, les pèlerins, si vous voulez, qui allaient à Saint-Jacques, avant d’entrer dans la ville, s’arrêtaient à l’extérieur de la ville dans cet hôpital pour être soignés. Donc, ils avaient aussi leur chapelle. Ensuite, ils avaient seulement le droit d’entrer dans la ville, c’est-à-dire au moment où ils étaient propres et où ils n’apportaient plus de maladies si vous voulez, après avoir été soignés. C’est pour ça que juste au pied de la chapelle là, vous voyez les grands fossés, qui limitent si vous voulez l’entrée de la ville. Donc là, il y avait une porte ici.
Journaliste
On peut donc remonter dans le temps grâce à ces vestiges. Mais pour participer au concours d’Antenne 2, il faut aussi des documents.
L. Descoubes
Personnellement, j’ai des documents qui me viennent de ma famille, j’ai des documents que j’ai recueillis, que j’ai trouvés par-ci par-là en fouinant d’un côté et d’autre. Normalement, j’ai pu remonter depuis la venue de l’invasion des Normands à Sore.
Journaliste
Qu’est-ce que vous avez comme autre document ?
L. Descoubes
De vieilles cartes.
Journaliste
À partir des cartes postales que vous avez depuis 1900, on arrive à voir les changements.
L. Descoubes
Il est certain qu’il y a eu des évolutions, la ville elle-même, le village lui-même a changé. C’est un village qui est très propre, bien entretenu en général, qui a bénéficié de tout le progrès. Alors, la grande évolution, le grand changement est venu vers 1950.
Journaliste
Évolution que l’on peut constater grâce aux cartes postales, l’église par exemple. Seul témoin de ce qu’elle était hier, la carte postale.
L. Descoubes
Mis à part tout ce dont a parlé Monsieur Descoubes et les archives, pour l’histoire récente, on peut utiliser soit les photographies de famille, ou alors les cartes postales ; parce qu’énormément de photographes locaux avaient travaillé sur la région. Ou alors, il y a aussi les enquêtes orales qu’on peut mener assez facilement auprès des personnes âgées.
Journaliste
Et pour bien s’imprégner de l’histoire de leur ville, ce sont les élèves du CM2 qui ont effectué ces enquêtes.
Inconnue 2
On est allé demander des renseignements chez de vieilles personnes qui ont vécu dans le Sore.
Journaliste
Oui, et alors, qu’est-ce que tu as recueilli comme document ?
Inconnue 2
Ben, des cartes postales, mais c’était un peu…, on n’avait pas beaucoup quand même. Alors, il y avait des vieilles pièces.
Inconnue 3
Moi, je suis allée chez mon voisin, et il m’a donné quelques objets que je pourrais apporter. Donc, un dictionnaire de 1907 et un vieux jeu de loto de 1900.
Inconnu 1
On m’a donné un questionnaire, je l’ai donné à des grands-parents pour voir s’ils avaient des histoires, des blagues, des danses, des chansons.
Journaliste
À Sore, on a bien compris l’esprit de ce concours ; faire participer tous les gens qui ont quelque chose à dire ou qui sont les garants d’une parcelle de ce patrimoine, afin de présenter ce concours en commun.