Le prophète de la course landaise

15 décembre 1995
12m 28s
Réf. 00606

Notice

Résumé :

Portrait d'Alain LABORDE, passionné de la course landaise. Laborde possède la plus grande collection privée du monde d'objets liés à la course landaise ainsi que la plus grande cinémathèque. Il entraîne les jeunes dans cette discipline.

Type de média :
Date de diffusion :
15 décembre 1995
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Alain Laborde, qui fait l'objet de ce reportage, est l'un des grands hommes qui ont marqué l'histoire de la course landaise dans la seconde moitié du XXe siècle. Sans être lui-même ni écarteur, ni sauteur, ni ganadero, sans faire partie des instances fédérales de la course, il s'est imposé comme l'un des meilleurs connaisseurs de ce sport, l'un de ses principaux promoteurs et l'un de ses plus incontournables historiens et conservateurs de la mémoire.

Installé depuis le début des années 1980 dans son bar-musée « Au culte de l'aficion », il collecte affiches et documents dont il tapisse son commerce du sol au plafond, et il photographie et filme même à partir de 1982 tous les événements tauromachiques auxquels il assiste, des courses de village aux grands concours et championnats. Son antre, dans laquelle se retrouvent régulièrement d'anciens écarteurs ou ganaderos comme de jeunes débutants, se trouve en pleine Chalosse, au cœur même du village de Pomarez, surnommé « La Mecque de la course landaise ». Mais sa passion dépasse largement les murs de son établissement, et s'affirme également à quelques encablures, dans ces arènes qui sont comme sa seconde maison. C'est là en effet qu'il n'hésite pas à faire bénéficier de sa connaissance profonde de l'art tauromachique landais tous les jeunes aspirants écarteurs ou sauteurs qui viennent grossir chaque année les rangs de l'Ecole taurine créée depuis 1976. Sur la piste de ces arènes mythiques, il conseille, motive, oriente ces futurs champions comme s'ils étaient ses propres enfants. Il inventa même à leur intention un kart destiné à leur entraînement.

Au début des années 2 000, lorsqu'Alain Laborde a fermé son établissement de Pomarez, il a fait don de l'intégralité de ses très riches archives vidéo à la société de production « Eurofilm ». Quant à ses trésors documentaires, il en a transféré une partie dans son actuelle demeure.

Il est l'auteur de deux ouvrages :

Au culte de l'aficion : Bar-Musée Taurin : c'était à Pomarez, de 1980 à 2004, Mont-de-Marsan, Olé Olé Productions, 2005

Les acteurs de la course landaise, Dax, Editions Passiflore, 2009 (avec la collaboration de Florence Defos du Rau, de Patricia Martinez et du photographe Cyrille Vidal)

François Bordes

Transcription

Présentateur
Ça, c’est ce qui s’est passé, ça se passe toujours pour beaucoup d’enfants qui naissent dans les Landes ; dans ces villages qui ne sont évidemment pas très loin de l’Espagne et des taureaux noirs que l’on torrer. Mais vous allez voir, notre équipe, Philippe Lespinaz, Jean-Marie Bertineau et Patrick Goilot savaient évidemment tout cela. Mais ils ont tout de même été très surpris de la rencontre qu’ils ont faite avec un entraîneur pas comme les autres, on l’appelle le Prophète de Pomarez, regardez !
Alain Laborde
La réussite de bons écarts, c’est un bon placement. Et le placement se fait en fonction du départ de la bête, ou lâcher en dedans, ou lâcher en dehors. Ça, il faudra vous en rappeler toute votre vie, allez ! C’est compris ? On y va, allez Denis. Quand tu fais une feinte, il faut que tu aies la bête là. Tu te présentes face à elle, et tu te la laisses venir. Au dernier moment, tu la provoques comme tu dis bonjour. Si c’est quelqu’un, on lui tend la main, tu lui tends la jambe, et tu passes vite, vas-y, vas-y ! Non, tu vois, je te dis pourquoi non. Parce que tu venais de mettre la jambe ici, c’est trop grave. Là, et tu passes vite, d’accord, allez !
Intervenant 2
Tu lèves le bras, tu lèves le bras.
Alain Laborde
Voilà, n’aie pas peur.
(Bruit)
Journaliste
C’est la rencontre avec une bande d’ados et un drôle d’entraîneur qui jouent au kart dans les arènes municipales. Un kart avec un moteur de tondeuse et des cornes de vache, comme si Mad Max passait par les Landes et y avait oublié son bolide.
Alain Laborde
On attaque à fond. Allez, on attaque, et on tourne vite là. Et on attend, tu as bien attendu. Et tout à l’heure, il va falloir attendre. Aujourd’hui, il faut que tu te fasses peur. Sur les 12 hectares que tu as à faire, il faut que tu en fasses 6 de bons, allez là ! Voilà, il faut montrer aujourd’hui, il n’y a pas de problème là. On ne peut pas tout réussir, mais il faut réussir un bon pourcentage.
Journaliste
Ancien agriculteur, Alain Laborde tient aujourd’hui un bar au milieu du village. Depuis quelques années, il s’est instauré en défenseur de la course landaise, et même entraîneur avec ses propres méthodes.
(Bruit)
Journaliste
Il n’arrête jamais Alain.
Alain Laborde
Et parce que quand vous avez loupé un écart en saut, ce n’est pas la fin, on se rattrape, on ne peut pas tout réussir. Dans le domaine de l’écart, si vous arrivez un jour à 50 % de réussite, ça sera terrible. Et vos prédécesseurs, ils ne sont jamais arrivés à 50 % de réussite. On ne compte pas en pourcentage. Vous faites 10 écarts, vous en faites 5 ou 6 et ça sera très bien. Le saut, c’est pareil, on ne peut pas réussir tous les sauts.
Journaliste
Au premier étage, la plus grande collection privée du monde sur la course landaise. Quatre pièces de sa maison que Laborde a transformées.
(Silence)
Intervenant 2
Ici, c’est surtout le poulet et le canard. Dans toutes les fermes, on va trouver des poulets, des canards et du foie gras, du foie gras souvent à table même.
(Bruit)
Intervenant 2
J’ai écarté pendant sept ans, c’était dans les années 70. Mais ce qui me console, c’est mon fils qui remet ça à ma place. Et j’ai eu la chance de garder mon premier boléro que j’ai fait quand j’avais débuté, et c’est lui qui l’a sur les épaules maintenant. Alors ça, ça me revient 20 ans en arrière. L’écart, le geste de la course landaise.
(Bruit)
Journaliste
Quand il rentre à la maison, Nicolas, le fils de Christian, s’entraîne contre un mur encore et encore. Sa mère dit qu’à force de faire le couillon avec son ballon dans la cour, il a fait partir tous le gravier.
(Bruit)
Alain Laborde
Il fait le contraire.
(Bruit)
(Musique)
Intervenant 3
Ça c’était le boléro de mon père ça, il a 20 ans. La première fois que je l’ai porté, c’était à Tarsac. Ah, j’étais hyper content. Mon père avant, il était comme ça, on dirait pas maintenant. Puis, ça coûtait cher quand même. Maintenant, pour un boléro de parade comme ça, il faut 5 ou 6 000 francs.
Journaliste
Qu’est-ce qui vous pousse comme ça à se mettre devant une vache ?
Intervenant 2
Je n’en sais rien, je ne sais pas.
Journaliste
Une passion.
Intervenant 2
Oui, il faut aimer les vaches, il faut aimer.
Journaliste
Vous avez peur quand vous vous mettez devant la vache ?
Intervenant 3
Ça dépend des vaches. Avant la course, il y a toujours la peur, mais c’est vrai que quand on fait le premier écart, on se libère. Si les vaches sont jolies et tout ça, ça va. Après, quand il y a les vaches plus sérieuses, on commence à avoir peur un peu.
Intervenante 1
On attend à la maison, on travaille pour essayer d’oublier.
Journaliste
Vous êtes fiers qu’il fasse ça, qu’il reprenne ?
Alain Laborde
Ah oui, sûr !
Intervenante 1
Très fièr même, il rigole en plus, quand il y a quelque chose qui ne va pas. Moi, ça ne me plaît pas.
Alain Laborde
Ah, je vais l'engueuler s’il fait mal, il n’y a pas de problème.
(Musique)
Journaliste
Parfois l’après-midi, Alain l’entraîneur ferme le bar et fabrique ses propres montages à partir de tout ce qu’il a filmé lui-même depuis des années. Il a la plus grande cinémathèque consacrée à la course landaise du monde forcément.
Alain Laborde
Des images, que je vais rajouter sur le film, et je fais le film qui a pour titre, pour que les traces ne se perdent jamais.
Journaliste
Qu’est-ce qui se passe dans la tête des parents ici quand même pour laisser leurs enfants qui ont 12 ans ou 13 ans tout seuls là en face d’une vache sauvage ?
Alain Laborde
Vous savez, les parents, de façon générale, sont contre au départ, du moins c’est ce qu’ils disent. Intérieurement, je ne suis pas si sûr que ça. Je pense que certains parents sont très fiers de voir des gosses écarter. Vous savez, quand on vit dans cette région, on ne peut pas faire autrement.
(Musique)
Journaliste
Dans une arène pas toujours pleine, on se met devant une vache, et on l’évite au dernier moment. Pas très dangereux diront les mauvais coucheurs. Attendez, attendez, bien sûr, la vache n’est pas un taureau, bien sûr, la course landaise n’est pas la corrida. Et sur le côté, un cordier tire sur la tête de l’animal au moment où il croise l’écarteur, mais quand même.
(Bruit)
Journaliste
On est fier en Chalosse, et quand on loupe, on recommence.
(Bruit)
Journaliste
Bravo Christophe, plus de peur que de mal. À toi Nicolas, ton père et ton entraîneur te regardent.
(Bruit)
Journaliste
Applaudissements, salut au public. Un jour sans doute, comme les grands qui passent plus tard, ils rempliront les arènes et porteront des surnoms, comme Deskazo, danse avec les vaches, on l’appelle, un champion.
(Bruit)
Journaliste
Et même peut-être, s’ils sont très forts, ils se retrouveront dans le musée de la course landaise, au premier étage de chez Alain Laborde. Dans les village de Chalosse, quand on demande ce qui pousse à narguer une vache, on répond, c’est comme ça, ou on ne peut pas faire autrement. À l’entrée du village, un panneau indique Pomarez, la Mecque de la course landaise. C’est bien commode pour finir. Alain Laborde est le prophète de la course landaise. On ne demande pas aux prophètes d’expliquer ce qu’ils font.
(Bruit)