Filière bois : la crise

19 avril 2004
13m 57s
Réf. 00650

Notice

Résumé :

Débat sur le plateau sur les difficultés  rencontrées par  la filière du bois. Invités : Philippe Labadie, président du syndicat des exploitants forestiers et scieurs des landes ; Philippe Rochette, directeur de la scierie Rochette ; Gilles de Chassy, président du syndicat des sylviculteurs du Sud Ouest.

Type de média :
Date de diffusion :
19 avril 2004

Éclairage

Apparue au détour des années 1980, la notion de « filière bois » renvoie  – comme pour d’autres productions,  agricoles notamment – à l’idée d’activités amont (la sylviculture) et aval (la transformation de la matière première, soit dans les puissantes usines élaborant du papier kraft ou de la pâte fluff (1), soit dans les usines de sciage dont la production est variable, allant du bois de charpente aux produits plus fins destinés à la décoration ou aux finitions dans le bâtiment).

Dans les années 2000, la situation de la forêt des Landes de Gascogne – du Médoc à l’Adour et à la partie ouest du Lot-et-Garonne  – a beaucoup évolué depuis trente ou quarante ans, voire plus si l’on considère que les vastes pinhadars gascons sont largement la résultante, depuis le milieu du XIXe siècle, d’une volonté politique d’aménagement au service de l’industrie (2).

Dans ce débat organisé par F3Bordeaux en avril 2004, il est d’ailleurs fait allusion à la « gemme », autrement dit à la résine, longtemps exploitée dans la forêt de ces contrées gasconnes ; elle était à la fois une activité de main-d’œuvre (monde des gemmeurs des forêts domaniales littorales ou des métayers gemmeurs de l’intérieur, ouvriers des usines fabriquant colophanes et essences de térébenthine). Or, cet univers et ces activités ont pratiquement disparu depuis les années 1970, la forêt se voyant presque uniquement destinée à la production de bois d’industrie (matière première dite de « trituration » pour les papeteries et, de façon presque secondaire, bois alimentant les scieries). Corollaire de cette transformation, ce sont avant tout les gros acheteurs (en clair, les « papetiers ») qui font les prix et imposent leurs exigences aux sylviculteurs (3).

Entre temps, le monde a évolué. L’ouverture des frontières, dans le cadre de la construction européenne et plus largement dans le contexte de la mondialisation libérale à partir de la fin des années 1980, est devenue une réalité.

D’une part, le marché de la pâte à papier est véritablement mondial, pour trois raisons sans doute : a) la présence « traditionnelle » de grands et puissants industriels nord-américains ou scandinaves ; b) l’offre de bois venant de vastes pays à étendues forestières considérables (Russie, Brésil, Asie du sud-est, voire Afrique centrale) ; c) la demande croissante de certains pays émergents (Chine, Corée du Sud et autres puissances qui s’affirment pour des raisons diverses).

D’autre part, la demande en bois d’œuvre (bâtiment, fabrication de palettes, ameublement, décoration, panneaux en tous genres) connaît elle aussi une croissance certaine. La production de la forêt landaise, obérée par le passage de la tempête de la fin décembre 1999 (4), est donc concernée au premier chef.  Avec plusieurs défis à la clé.

D’abord, liés fatalement aux fluctuations du dollar américain et à la concurrence internationale, les prix de la pâte  papier influent sur le cours des bois. Mais il y a ensuite l’arrivée sur le marché français et aquitain en particulier des scieurs ou papetiers espagnols qui bousculent quelque peu la situation, profitant du « boom » immobilier (5) et jouant sur les classiques avantages comparatifs (6). Voilà qui amplifie ce qui est le troisième élément du défi, la capacité à répondre à ces menaces. En effet, papeteries et même scieries peuvent être considérées à certains égards comme des industries lourdes, exigeantes en capitaux pour l’achat notamment de machines coûteuses, longues souvent à amortir et nécessairement sophistiquées pour valoriser au maximum la matière première (7). On comprend dès lors qu’un mouvement de concentration se soit dangereusement amorcé dans l’univers des petits ou gros industriels du bois : moins d’établissements (avec moins de main-d’œuvre en raison de la technicité et de l’automatisation) et donc moins d’emplois induits dans le tissu économique des Landes de Gascogne. D’où les images que les reporters de F3 Bordeaux n’ont pas manqué de saisir : une manifestation de syndicalistes inquiets et en colère en train de déverser un camion de  « pignes » à Saint-Paul-lès-Dax, devant le siège historique du groupe Gascogne. 


Jean-Jacques Fénié


(1)Voir Empreintes landaises : « Aujourd’hui un avenir pour Tartas » (1994).

(2) Voir, entre autres,  les notices Gemmage, Pinhadar, Solférino, Scierie ou Sylviculture, dans le Dictionnaire des Landes, par B. et J.-J. Fénié, éditions Sud Ouest, 2009, 350 pages.

(3) Les propriétaires exploitants forestiers deviennent des « sylviculteurs » dans la mesure où les parcelles boisées sont ensemencées puis plantées « en lignes », au moyens de semences ou plants sélectionnés en pépinières, de façon  à rationaliser l’exploitation, hautement mécanisée, et à rentabiliser l’investissement, pour des raisons fiscales avant tout (loi Sérot de 1930, complétée par l’amendement Monichon de 1959, quoique abrogée par la loi n°98-1266 du 30 décembre 1998).

(4) Voir la notice Tempêtes dans le Dictionnaire des Landes, par B. et J.-J. Fénié, éditions Sud Ouest, 2009, 350 pages.

(5) Un phénomène qui a été certes spectaculaire à partir de 1999 mais qui a subi un amer et redoutable retournement après la crise financière de 2008, engendrant endettement excessif et chômage.

(6) Notamment le plus faible coût de la main d’œuvre (salaires, charges sociales).

(7) Il s’agit de tirer le maximum de sous-produits du bois, jusqu’à la récupération de la sciure (panneaux de particules), des écorces (substrat pour cultures, paillage protecteur), des cimes de pin et, surtout après la tempête de 2009, de l’utilisation des souches pour le « bois-énergie ».  Voir : http://fresques.ina.fr/landes/parcours/0003/les-landes-un-departement-avant-tout-forestier.html
Jean-Jacques Fénié

Transcription

Sandrine Papin
Oui, mercredi, jeudi, vendredi se tiendra le 22ème salon européen de la sylviculture et de l’exploitation forestière à Mimizan, dans les Landes de Gascogne. L’occasion donc de revenir sur les difficultés que connaît la filière bois avec notamment des scieries qui ont été obligées de fermer leur porte ces derniers temps. Alors, pour mémoire, rappelons quelques chiffres, la forêt d’Aquitaine c’est 1 750 000 hectares, 25 % de la récolte nationale. Puis, à savoir que plus de la moitié ont été totalement détruits par la tempête de 1999. Voilà pour les infos pratiques, on va dire. Philippe Labadie, bonsoir !
Philippe Labadie
Bonsoir !
Sandrine Papin
Vous êtes le président du syndicat des exploitants forestiers et scieurs des Landes. Vous n’aimez pas qu’on parle de crise.
Philippe Labadie
Non, parce que crise serait expliquer en fait qu’on ne peut plus améliorer les choses. Non, aujourd’hui, au lieu de parler de crise….
Sandrine Papin
Mais l’état des lieux n’est pas forcément très gai et très rose.
Philippe Labadie
Oui, c’est sûr qu’on ne peut pas dire que ce soit l’euphorie quand même. Mais aujourd’hui, moi je préfère parler de mutation, parce qu’en fait, on est parti vers un avenir qui sera sûrement très différent de tout ce qu’on a connu par le passé. Ce n’est pas une crise habituelle comme on a pu en voir il y a encore 10 ans.
Sandrine Papin
Pour autant que vous les avez vus, et vous les voyez peut-être encore, ces scieries qui ferment leur porte, parce que c’est une réalité aujourd’hui. Est-ce qu’on a d’ailleurs un état des lieux précis sur cette situation ?
Philippe Labadie
Oui, depuis 10 ans, on a perdu à peu près 25 % des scieries. Dans le département des Landes par exemple, l’an dernier, on a perdu 11 scieries sur un total de 47, il en reste donc 36. Bon, pour autant, il y a quand même des causes des différentes. Notamment, il y a aussi un certain cas des successions qui ne sont pas assurées.
Sandrine Papin
Alors, on va le voir plus en détail tout au long de cette émission. Philippe Rochette est avec nous, bonsoir !
Philippe Rochette
Bonsoir !
Sandrine Papin
Vous êtes le directeur d’une scierie qui porte votre nom à Carcans, quatrième génération. L’entreprise est toujours là.
Philippe Rochette
Eh ben, probablement.
Sandrine Papin
Malgré les difficultés que l’on peut ou que vous pouvez connaître. Est-ce que c’est difficile aujourd’hui de résister, de rester debout ?
Philippe Rochette
Disons que le quotidien actuellement d’une scierie telle que la nôtre, c’est l’approvisionnement et la commercialisation. Bon, après la tempête de 99, après le flux de bois que nous avons eu, l’offre insuffisante nous montre qu’il est difficile de se sortir de ce piège.
Sandrine Papin
Est-ce que vous avez flirté, comme d’autres confrères que vous pouvez avoir, avec la Ligne Rouge ? C’est-à-dire à un moment donné vous dire, ça va être difficile ou pas ?
Philippe Rochette
Ah, ça va être difficile, flirter à la Ligne Rouge le plus tard possible. On essaie, on envisage d’autres marchés, d’autres portes de sortie avant d’envisager cette ligne rouge ou de la voir arriver.
Sandrine Papin
C’est ce qui peut expliquer que vous êtes encore là par rapport à d’autres qui n’ont peut-être pas su tenir ou anticiper les problèmes, Philippe Labadie peut-être.
Philippe Labadie
Ah, c’est un problème qui est quand même très complexe. Dans le cas de Monsieur Rochette, bon, il y a des situations géographiques qui expliquent que pendant un certain temps, des scieries ont pu bénéficier d’un approvisionnement quand même beaucoup moins coûteux. Dans les Landes, on a été victime de la tempête beaucoup plus vite que les autres ; simplement, parce qu’on a eu un approvisionnement qui était beaucoup plus élevé en terme de tarif que certaines zones limitrophes dans lesquelles il y avait encore pas mal de beaux chablis.
Sandrine Papin
Alors, c’est une période qui est difficile et qui touche beaucoup de sociétés, et qui ne touche pas d’ailleurs que les petites structures familiales, mais aussi les grands groupes. Exemple, Gascogne qui a décidé de se séparer de la moitié de ses effectifs, de son usine de Saint Symphorien en Gironde ; et qui pourrait éventuellement fermer son unité dans les Landes. Voyez le commentaire de Serge Guynier.
Journaliste
La branche bois du groupe Gascogne est en pleine restructuration. Entamé à l’automne dernier, le plan prévoit la suppression de 81 postes sur les 600 du groupe dans cette filière.
Roger Labarthe
On est venu déposer un camion de pignes, c’est un symbole fort au pays du rugby ; et juste pour dire à Gascogne que l’on tient à ce que le plan de sauvegarde de l’emploi arrive à son terme, et qu’il faut encore faire un effort ; qu’on ne veut qu’aucun salarié ne passe par la cage de chômage.
Journaliste
Une cage chômage que les dirigeants du groupe Gascogne ne pourront pas éviter à certains. Sur 81 suppressions de postes en France, seulement 64 dont 50 dans les Landes pourront bénéficier de mesure de reclassement.
Paul Desarmeaux
Je pense qu’on ne pourra pas éviter des licenciements secs. Bien entendu, on va essayer d’en limiter le nombre. Et aujourd’hui, on est incapable de savoir combien on aura. Mais je ne vois pas comment on pourrait atteindre zéro licenciement.
Journaliste
Avec plus de 3 millions d’euros de perte, la filière bois du groupe Gascogne pourrait faire les frais d’une activité en déclin. Cession pure et simple de la branche ou mise en place d’une douloureuse restructuration.
Paul Desarmeaux
Compte tenu de notre moyenne performance dans le bois, nous pensons que ce n’est pas là que nous devons nous concentrer ; mais plutôt sur la filière centrale du papier et de la transformation du papier, et plus généralement je dirais de l’emballage.
Journaliste
Un recentrage sur le cœur de métier dont les salariés de la filière bois pourraient faire les frais. Il faudra négocier au mieux ce passage très délicat pour l’avenir de la branche au sein du groupe.
Sandrine Papin
Philippe Labadie, on a vu, ça touche tout le monde, ça veut dire que même les plus gros, même les plus grands n’ont peut-être pas anticipé la situation..
Philippe Labadie
Oui, on pourrait résumer ça comme ça. Simplement, un petit commentaire quand même. Dans le dossier en question, il faut savoir que la branche bois ne représente que 16 % du chiffre d’affaires total.
Sandrine Papin
Vous voulez dire qu’ils s’en sortiront mieux que les autres.
Philippe Labadie
Ben, écoutez, c’est à eux de commenter. Je pense qu’ils ont effectivement plus d’arguments à défendre que nous. En ce qui nous concerne, l’ensemble des scieries, lorsque c’est notre activité principale qui est en jeu, c’est quasiment 100 % de notre chiffre d’affaires.
Sandrine Papin
Alors, on entendait Philippe Rochette dire, il y a un problème d’approvisionnement, est-ce qu’il y a aussi un problème de coût par exemple sur le bois qui peut être trop cher ou pas ? Question, qui veut répondre, Philippe Rochette peut-être.
Philippe Rochette
Disons qu’on retrouve les prix que nous avions en 98, 99. Malgré cela, nos prix de sciage ont baissé par rapport à 1998. Donc, on a un effet de marteau-enclume qui fait que c’est dur à sortir de ce phénomène. Je voudrais revenir sur les bois, l’approvisionnement du pin maritime actuellement dans les Landes. Il faut savoir que nous avons de nouveaux opérateurs qui sont arrivés dans les Landes, je veux parler des espagnols, qui sont quand même….
Sandrine Papin
Ça c’est la concurrence effectivement.
Philippe Rochette
Une concurrence.
Sandrine Papin
Mais alors, juste avant d’y revenir quand même, l’intervention de Gilles de Chassy, bonsoir !
Gilles (de) Chassy
Bonsoir !
Sandrine Papin
Merci d’avoir patienté jusque-là.
Gilles (de) Chassy
Oui, je vous en prie.
Sandrine Papin
Vous êtes le président du syndicat des sylviculteurs du sud-ouest. Quand vous entendez en tant que président des sylviculteurs, le bois est peut-être trop cher et ça peut peut-être aussi expliquer la situation, est-ce que vous êtes d’accord ou pas ?
Gilles (de) Chassy
Je ne veux surtout pas en faire un sujet de polémique, mais je vais quand même dire tout de suite que je ne suis pas d’accord. D’abord parce qu’effectivement, le bois a connu une baisse de prix, je dirais une chute de prix catastrophique à l’issue de la tempête. Et on a invoqué à ce moment-là les lois du marché qui étaient inéluctables, et que c’était comme ça ; il fallait accepter que ces bois, qui étaient par terre, baissaient de 50 à 70 %, puisque c’est à peu près dans ces proportions-là. Bien, même si ceci a été fait et imposé aux sylviculteurs, et aux milliers de sylviculteurs qui ont été sinistrés, on n’a pu que s’incliner. Ça a été fait sans beaucoup de concertations. Aujourd’hui, on est revenu à des prix, comme le disait tout à l’heure mon ami.
Sandrine Papin
Philippe Rochette.
Gilles (de) Chassy
Philippe Rochette, on est revenu à des prix qui étaient antérieurs à la tempête, c’est-à-dire aux alentours de 98, 99. Alors, ce que je veux dire là aussi, c’est qu’en fait, une politique de prix dans un marché qui est un marché mondial, qui est un marché ouvert, une politique de prix ne se décrète pas. Un prix ne se décrète pas. Par conséquent, c’est le marché là aussi qui jouera tout son rôle si les prix doivent baisser.
Sandrine Papin
Donc, ce que vous me dites finalement, c’est que même s’il y avait une baisse du prix du bois, cela ne serait pas forcément une solution ?
Gilles (de) Chassy
Alors, c’est la deuxième chose que je veux dire. Aujourd’hui, Philippe Labadie l’a dit, Monsieur Rochette aussi, on assiste à un problème qui est un problème structurel. Je veux dire, la difficulté des scieries, il ne m’appartient pas de donner ici des solutions, je ne suis pas industriel, même si je peux avoir quelques idées là-dessus ; que nous avons d’ailleurs largement échangé avec Philippe Labadie. Mais le prix n’est qu’une des composantes des problèmes globaux que connaît l’industrie du sciage, et à laquelle, nous nous associons à ces problèmes-là ; parce que le sciage, ce sont quand même nos débouchés, et les scieries, ce sont quand même nos débouchés. Mais une fois encore, on ne va pas se focaliser sur le prix, d’autant plus que le prix du bois, on le sait, on l’a prouvé très largement ; non seulement a suivi hélas la baisse régulière depuis 20 ans des sciages, c’est-à-dire des produits manufacturés. Les statistiques le montrent et les courbes le montrent. Mais en plus, le prix du bois est relativement marginal, sauf pour certaines fabrications, c’est vrai. Mais je peux prendre simplement un exemple pour illustrer quand même le fait, que dans un produit assez élaboré comme une moulure, le prix du bois représente finalement… ; la moulure après toute la cascade de marge, la cascade aussi évidemment due à tous les déchets ne représente que 2 à 3 % du prix. Le prix du bois ne représente que 2 à 3 % du prix de la moulure.
Sandrine Papin
Philippe Labadie.
Gilles (de) Chassy
Alors, c’est un cas exceptionnel, mais je ne parle pas aussi ici évidemment des charpentes et d’autres produits.
Sandrine Papin
Vous êtes d’accord avec ces petites composantes ?
Philippe Labadie
Je souhaiterais qu’on aborde d’autres thèmes que celui-là, parce qu’il ne s’agit pas entre Monsieur de Chassy et moi qu’on aborde une polémique. Simplement, dans le domaine du sciage, si on parle seulement de la scierie, une vérité simple, le prix de revient du bois rendu scierie représente 45 % du prix de revient du coût de sciage. À partir de là, on ne peut pas dire que le prix du bois est quelque chose de neutre. On ne peut pas dire que ça a un impact très important. La réalité, la difficulté elle est à plusieurs stades. Elle est forcément sur le prix de la matière à un moment donné, compte tenu de l’impact que ça a sur nos prix de revient. Mais elle est aussi beaucoup sur quelque chose qui est devenu très compliqué. C’est pour ça que je ne veux pas qu’on parle de crise, parce que ça n’existait pas dans les précédentes. C’est qu’on a un problème de débouché à l’heure actuelle.
Sandrine Papin
Est-ce que finalement, la filière a su anticiper ? Est-ce qu’elle a su peut-être diversifier ses activités ? Est-ce qu’il n’est pas là le souci principal et primordial ?
Philippe Labadie
Il y a deux éléments, le premier aussi, il y a un contexte mondial quand même, où on a le dollar qui est très bas. Et ça, il faut le dire, ça a favorisé très fortement les importations qui arrivent vraiment de partout à l’heure actuelle au niveau du bois.
Sandrine Papin
Amérique du Sud ?
Philippe Labadie
Amérique du Sud, oui, Brésil, Chili, les pays de l’Est un petit peu. Ça, c’est sûr qu’ensuite, des provenances africaines également qui sont souvent douteuses, mais qui arrivent quand même. Donc ça, ça fait un élément qui a favorisé l’arrivage des bois. Maintenant, de l’autre côté, au niveau de notre offre, il est sûr qu’on a beaucoup de choses à dire.
Sandrine Papin
Allez-y, justement.
Philippe Labadie
Mais simplement un point qui me tient beaucoup à cœur. Il serait grand temps quand même, parce qu’on a rencontré beaucoup d’élus et de monde ces derniers mois. Il serait quand même grand temps que dans notre région Aquitaine, on se décide enfin à utiliser le pin des Landes. Et on dirait que c’est quelque chose de grave que de vouloir mettre du pin des Landes. Alors que si l’on va dans d’autres régions forestières de France, on va avoir une essence particulière qui sera présente partout.
Sandrine Papin
Gilles de Chassy, vous êtes d’accord avec ce que dit Philippe Labadie ? On n’exploite peut-être pas assez ou suffisamment ?
Gilles (de) Chassy
Je suis pleinement d’accord. Je pense que nous avons quelque chose à construire ensemble. Il est temps de s’y mettre. Et ce que nous devons construire, c’est d’abord une image du pin des Landes. Elle a été trop décriée, dans notre propre pays, elle a été trop décriée. C’est un pin, le pin des Landes est un bois noble et qui a la même noblesse, et les mêmes caractéristiques que d’autres essences.
Sandrine Papin
Donc, on n’a pas su le vendre ou le… ?
Gilles (de) Chassy
On n’a pas su suffisamment le vendre. Alors, on est passé, n’oublions pas d’une époque où c’était la collecte de gemmes à une époque où c’est le bois. Le bois était totalement marginal à cette époque-là. C’était la gemme qui était importante, la résine, n’est-ce pas ? Maintenant, c’est l’industrie du bois. Et il faut absolument vendre cette image d’un produit noble, et d’un produit qui est utilisé y compris et surtout dans notre propre région par les collectivités en particulier par exemple. N’est-ce pas, quand il y a des projets de construction d’une école, d’un établissement public, d’une terrasse ; qu’on utilise le pin qui peut parfaitement être traité, et subir les mêmes intempéries qu’un bois exotique. Mais seulement, on a une espèce de culte du bois exotique dans notre région. Alors déjà, nous balayons devant notre porte.
Philippe Labadie
Nous avons des exemples très précis là-dessus. Sur des collectivités qui, à l’heure actuelle, ont soumis des dossiers d’investissement à des bureaux d’ingénierie. Et ces bureaux d’ingénierie dans les essences qui peuvent être appliquées en extérieur ; donc qui est une application vraiment, qui correspond tout à fait au pin des Landes, lorsqu’il est traité autoclave. Et bien, ces bureaux d’études préconisent des essences qui viennent véritablement d’ailleurs, dont on ne sait absolument rien au départ. Et on ne nomme même pas notre essence locale. Il y a quand même des fondamentaux qu’il faudrait revoir immédiatement.
Sandrine Papin
Ce serait l’une des premières étapes pour….
Philippe Labadie
Ce serait une action.
Philippe Rochette
Il faut essayer de trouver de nouveaux produits, et les nouveaux produits existent.
Sandrine Papin
C’est le mot de la fin, Philippe Rochette.
Philippe Rochette
Comme disait Philippe Labadie, le bois autoclave, les aménagements extérieurs, c’est peut-être un devenir pour….
Sandrine Papin
Et une des solutions en tout cas à envisager.
Gilles (de) Chassy
Il faut entreprendre une attitude offensive.
Sandrine Papin
Merci !