Hivernage des grues : argument touristique

20 décembre 2000
05m 56s
Réf. 00703

Notice

Résumé :

De novembre à mars, les grues cendrées s'arrêtent dans la région landaise, comme ici à Lencouacq, au sud de Captieux, au cours de leur migration. Ces grues peuvent se nourrir de grains de maïs qui restent dans les champs après les récoltes. La nuit, elles dorment sur le site de l'ancien camp militaire de Captieux. Depuis 5 ans, le parc naturel régional des Landes de Gascogne en collaboration avec les agriculteurs, les chasseurs et la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) a décidé de favoriser cet hivernage, pour en faire un argument touristique. Les propriétaires de maisons d'hôtes sont formés pour parler des grues.

Type de média :
Date de diffusion :
20 décembre 2000
Thèmes :

Éclairage

Les transformations du milieu et des activités économiques engendrent parfois de nouvelles formes de tourisme. C'est le cas dans le territoire du Parc naturel régional des Landes de Gascogne (1), plus particulièrement dans le secteur géographique de la Haute-Lande (2) où l'observation des grues cendrée (Grus grus) attire, pendant leur hivernage, simples curieux et fins observateurs des oiseaux, tous fascinés par ces grands volatiles migrateurs.

De même qu'en Champagne-Ardennes par exemple, plus particulièrement autour du lac du Der-Chantecocq (3), les grandes troupes de grues cendrées amènent nombre de fervents observateurs de la nature, le cœur des Landes de Gascogne, sur l'axe de passage de ces oiseaux migrateurs, voit en hiver la venue d'ornithologues ou de personnes désireuses de passer de longs moments derrière jumelles ou appareil photo au zoom performant.

Les grues cendrées, très grégaires, volent toujours en groupes. Attirant aussi l'attention par leurs cris caractéristiques, elles traversent l'Europe, de la Scandinavie à la péninsule ibérique. Durant leur périple, elles filent en diagonale à travers l'Hexagone, en effectuant des haltes en bordure des principales étendues d'eaux où elles peuvent trouver insectes, mollusques, vers, herbes ou graines.

Certes, dans la Grande Lande, les grues ont toujours été observées (4) mais trois éléments expliquent leur présence plus fréquente et plus longue en période hivernale.

D'une part, la grande agriculture productiviste, avec ses immenses parcelles d'exploitation et ses abondantes récoltes de maïs, offre un généreux garde-manger. D'autre part, les zones humides naturelles (terrain militaire de Captieux) ou artificielles (lacs artificiels de la réserve d'Arjuzanx sur l'ancienne mine de lignite) offrent aux oiseaux des zones de repli et de sécurité. Enfin, il y a depuis les deux dernières décennies une certaine tendance au réchauffement climatique pouvant fixer, même en hiver, les grues cendrées dans les vastes étendues de la Lande.

On comprend dès lors que le spectacle de ces mystérieux et sauvages oiseaux tournoyant en formations disposées en V dans les airs, cherchant les meilleures ascendances et lâchant leurs cris troublants puisse être une aubaine pour les hébergeurs de la région, notamment les propriétaires de gîtes ruraux. Le tourisme rural, tourisme doux respectueux de la nature, ne peut que travailler en liaison avec le Parc naturel régional qui, dans ses missions, se veut protecteur de l'environnement et soutien à tout ce qui peut être une activité économique ayant des retombées positives sur le territoire.

(1) Créé en 1970, le PNRLG, à cheval sur les Landes et la Gironde, comprend 51 communes à la date du 2 janvier 2014. Elles sont essentiellement forestières. À l'origine le point commun de ces communes était d'être situées dans le bassin hydrographique des vallées de la Leyre ; au fur et à mesure de son évolution le territoire a englobé d'autres communes qui restent néanmoins assez caractéristiques des paysages de la Lande forestière.

(2) "Initialement, la "Haut Lana" correspond, selon Félix Arnaudin, aux confins des communes de Lencouacq et Retjons, jusqu'aux limites des communes de Callen, Captieux, Lucmau et Luxey. C'est en fait une sorte de zone de partage des eaux où les altitudes atteignent 120 à130 mètres. De ce "château d'eau", certes plat et marécageux (en gros le terrain militaire de Captieux), naissent l'Estrigon, les deux Gouaneyre et la Petite Leyre. Les pasteurs d'antan avaient conscience d'être là dans un pays "haut", tout relatif ." [Extrait du Dictionnaire des Landes, par B. Boyrie-Fénié et J.-J. Fénié, Éditions Sud Ouest, 2009).

(3) Aménagé dans les années 1960-1970 à la limite des départements de la Marne et de la Haute-Marne, cet immense réservoir a pour vocation de protéger Paris des inondations dues à la Marne dont il renforce cependant le débit en période d'étiage.

(4) Dans le tome VIII des Œuvres complètes de Félix Arnaudin (co-édition Parc naturel régional des Landes de Gascogne/Éditions Confluences, 2003), quatre pages (375-379) y sont consacrées, avec une fine illustration du dessinateur et photographe animalier Pierre Petit qui apparaît d'ailleurs dans le reportage de France 3.

Jean-Jacques Fénié

Transcription

Christophe Dabitch
Bonsoir, vous les entendez, les grues cendrées passent au-dessus de la région depuis quelques semaines et une part d’entre elles s’y arrête ; car deux des trois sites d’hivernage français se trouvent dans le Parc Naturel des Landes de Gascogne. C’est là que nous nous sommes rendus, au sud de Captieux, où l’on profite de leur passage pour encourager un tourisme vert.
bruit
(bruit)
Pierre Petit
Là, elles viennent évidemment manger, manger surtout du maïs, les grains qu’ont laissé les machines après la récolte. Donc, elles viennent manger dans la journée et à la nuit tombée, quand le soleil se couche, elles repartent vers le camp militaire pour passer la nuit ; où elles sont tranquilles, où elles ont de l’eau à profusion. Et puis, le lendemain matin, au lever du soleil, elles font le chemin, si l’on peut dire, en sens inverse, et viennent manger, ici sur le maïs, pendant toute la journée. C’est ainsi que ça se passe pendant tout l’hiver.
bruit
(bruit)
Pierre Petit
La grue est un oiseau très, très sauvage, très farouche.
Christophe Dabitch
Pierre Petit observe les grues cendrées à travers l’Europe depuis plus de 30 ans, et un de ses coins préférés se trouve ici, entre le camp militaire du Poteau et les champs de maïs aux alentours de Lencouacq. Environ 10000 grues hivernent chaque année sur cette zone de novembre à mars, elles se nourrissent et préparent leur migration vers le nord.
bruit
(bruit)
Inconnu
On doit rencontrer des collègues espagnols qui travaillent…
Christophe Dabitch
Depuis cinq ans, le Parc Naturel des Landes de Gascogne a entrepris une sensibilisation sur ce phénomène naturel. En collaboration avec les agriculteurs, les chasseurs et la Ligue de Protection des Oiseaux, le parc a décidé de favoriser cet hivernage, et maintenant, d’en faire un argument touristique.
Sophie (De) Montbron
... des maïs à l’époque où les grues arrivent.
Béatrice Renaud
Donc, ce sont surtout des propriétaires de gîtes, de chambres d’hôte, de petits hôtels qui sont concernés à partir du moment où ils sont ouverts hors saison. Donc, on est sur un phénomène hors saison. C’est intéressant justement de pouvoir attirer un public qui va choisir de séjourner chez nous pour observer des oiseaux, c’est quand même nature. Ça, ça peut générer une activité économique. On peut valoriser l’accueil également en place, parce que hors saison, il vient des touristes dans notre région, ils n’ont pas forcément des choses à se mettre sous la dent, beaucoup de choses sont fermées. Il y a une surprise, une réelle surprise à découvrir ce spectacle de migration.
Sophie (De) Montbron
Toutes les fermes landaises sont orientées à l’est,
Christophe Dabitch
Si l’intérêt des hébergeurs est, bien sûr, de trouver des nouveaux clients en basse saison, ils doivent, en échange, s’intéresser réellement aux grues cendrées, comme les agriculteurs qui s’engagent à retarder leur labour pour y laisser les restes des moissons.
Sophie (De) Montbron
C’est vrai qu’on en voyait beaucoup qui volaient au-dessus de nos têtes, on connaissait leur lieu d’hivernage, c’est vrai qu’on n’y allait jamais. Et à l’occasion d’une réunion de formation, nous avons découvert ces oiseaux-là, on en a vu des milliers et des milliers et c’est vrai que c’est passionnant ; et qu’on va essayer, effectivement, d’apporter tout ça à nos hôtes pour en discuter et échanger des idées à ce niveau-là.
bruit
(bruit)
Sophie (De) Montbron
On les distingue nettement, il y a une bonne vingtaine hein !
bruit
(bruit)
Claude Feigne
Eh ben là, ils sont très, très loin. Ce n’est jamais gagné avec les oiseaux et la nature en général. On n’a pas un bouton sur lequel on appuie pour que les oiseaux viennent se mettre juste devant nous. En tout cas ils sont très, très loin, mais en attendant un petit peu, elles peuvent se repositionner devant puisqu’il y a beaucoup de nourriture dans les champs à disposition des oiseaux. Donc, au cours de la journée comme ça, elles peuvent se déplacer et venir un peu ce soir ou cet après-midi, on va voir 5000, juste devant, c’est très, très variable.
Christophe Dabitch
Alors ?
Sophie (De) Montbron
Oui, elles reviennent, oui.
Christophe Dabitch
Elles sont comment ?
Sophie (De) Montbron
Regardez, majestueuses !
Christophe Dabitch
Comme à Arjuzanx, l’autre lieu d’hivernage des Landes, le projet de valorisation du passage des grues est forcément prudent. On attend ici des ornithologues, des amoureux de la nature auxquels sont proposés des parcours et des lieux d’observation.
Jean-Pierre Sendrame
C’est vrai que c’est fugace, ce n’est pas un projet de développement touristique traditionnel. C’est quelque chose qui permet, d’une part en hiver, d’avoir des hébergeurs qui peuvent être encore ouverts et puis recevoir, pour partager un repas ; puis en même temps, après avoir passé une journée au frais parce que c’est le matin de bonne heure ou le soir. Donc c’est quand même un autre type de comportement touristique. Mais ce n’est pas là-dessus qu’on va faire effectivement les chiffres d’affaires à l’année, c’est plus un travail avec aussi un réseau de personnes ; et c’est mailler le territoire avec des gens qui sont conscients que le patrimoine, il n’est pas forcément dans sa chambre uniquement, il est aussi dans la nature quoi !
Inconnu 2
Ce qui est très rigolo, c’est qu’elles cherchent les courants ascendants, comme les vautours.
Inconnu 3
Il y a des moments, oui.
Inconnu 2
Alors elles remontent, elles remontent d’un étage et puis après….
bruit
(bruit)
Pierre Petit
Donc, la consigne générale, ne jamais, jamais, jamais essayer d’approcher les grues cendrées, se contenter d’observation depuis le chemin avec des jumelles, des lunettes et les laisser tranquilles au maximum. La grue cendrée, pour moi, c’est le symbole de la nature, la nature sauvage, de la nature sans contrainte. Ce sont des oiseaux très spectaculaires qui migrent en grandes troupes. Et c’est vrai que on a beau être un petit peu blasé, vous avez 30 années, je dirais, d’observation de l’espèce, on est toujours très ému lorsqu’on voit des troupes importantes qui arrivent comme par milliers, par milliers, et c’est extraordinaire.
Christophe Dabitch
Vous l’avez compris, il ne s’agit pas de faire ici un parc d’attraction, comme on en connaît ailleurs, il faut de la patience et de la discrétion pour observer les grues cendrées, mais cela vaut le détour. Bonsoir, dans un instant la suite du 19 heures.