Visite d'Emile Biasini à Soustons

18 août 1971
02m 47s
Réf. 00035

Notice

Résumé :

Emile Biasini, président de la Mission Interministérielle pour l'Aménagement de la Côte Aquitaine, est à Soustons pour présenter aux élus et à la population locale les projets d'aménagement relatifs aux communes de Vieux Boucau, Soustons, Moliets, Messanges, Seignosse, Hossegor et Capbreton.

Date de diffusion :
18 août 1971
Personnalité(s) :

Éclairage

En 1967, l'État fonde la Mission Interministérielle pour l'Aménagement de la Côte Aquitaine, la MIACA. Philippe Saint-Marc en est le président jusqu'en 1970 ; Émile Biasini lui succède et reste à la tête de l'organisme jusqu'en 1985. Cet administrateur né en 1922, diplômé de l'École Nationale de la France d'Outre-Mer, assure également d'autres missions dans le domaine de la culture et suit notamment les "grands travaux" du président François Mitterrand entre 1982 et 1993.

À Soustons, en 1971, il présente donc le schéma d'aménagement n° 9 intéressant 7 communes appelées à développer leur potentiel touristique : Moliets, Messanges, Vieux Boucau, Soustons, Seignosse, Soorts-Hossegor et Capbreton ; les communes littorales de l'actuel pays Maremne-Adour-Côte Sud (MACS) regroupant 23 communes à partir de 2002.

L'Océan, la forêt et les lacs sont, de fait, les trois atouts majeurs qui doivent être pleinement utilisés dans ce programme constituant un canevas symbolisé, sur les plans, par des flèches reliant la côte à la frange intérieure du territoire couverte par la forêt ; une forêt ancienne, déjà présente sur la carte de Nicolas de Fer (XVIIe siècle) et sur la carte de Belleyme (fin du XVIIIe siècle) offrant par ailleurs, l'une et l'autre, une image bien différente du trait de côte de celui que nous connaissons aujourd'hui : estuaires (bocaus) des courants et tracé anastomosé de l'ancien lit de l'Adour y dessinent un découpage complexe qui rendent compte de l'ampleur des travaux réalisés au début du XXe pour stabiliser le cordon dunaire aujourd'hui linéaire.

Mais, pour l'instant, les préoccupations des aménageurs tournent autour de la valorisation de ces quelque 30 km de littoral ourlé de plages de sable fin, déjà fréquentées par les premiers surfers. C'est ainsi que, du côté des Estagnots et du Tuquet [1], à Seignosse-Le-Penon, entre 1967 et 1969, un centre commercial, deux Villages Vacances Famille (VVF), un club de surf et un camping-caravaning modifient déjà l'environnement alors qu'en 1970 on livre un premier plan d'eau artificiel de 5500 m2, alimenté par la mer.

Quand, en 1971, on inaugure le second plan d'eau salée, on peut comprendre la réaction de ceux qui privilégient la préservation des sites naturels. La donne est déjà changée et les propos d'Émile Biasini semblent en décalage avec la réalité quand il évoque le dialogue, "la mise en forme dialectique" des problèmes d'urbanisme considéré comme "une matière vivante...le fait d'hommes qui vivent dans un pays, désireux de modeler le cadre de leur vie future". Mis devant le fait accompli, les "gens du pays" ont du mal à se faire comprendre.

L'intérêt public prime en effet généralement sur l'usage et l'économie touristique française est passée, des années 1950 aux années 1980, de la marge au cœur de la société postindustrielle. L'allongement du temps de congés payés conjuguée à l'élévation du niveau de vie durant les Trente Glorieuses conduisent effectivement la Ve République à développer une politique ambitieuse d'aménagement du territoire sous l'égide de la DATAR [2] et des deux missions interministérielles littorales créées pour le Languedoc-Roussillon et l'Aquitaine. C'est l'époque où le tourisme populaire connaît une vive impulsion, avec l'essor des villages familiaux, villages-vacances, campings et chaînes hôtelières organisés en réseaux.

Comme toute mutation majeure - le passage de l'ancien système agro-pastoral à la sylviculture, à partir de 1857, notamment [3] - les bouleversements engendrent, dans les Landes, des réactions émotionnelles. Ici, elles sont spontanées chez une partie de la population qui se sent "dépossédée" quand d'autres saisissent l'occasion qui leur est offerte de "vivre et travailler au pays" [4] et considèrent, avant tout, les avantages d'une telle évolution.

Ces deux points de vue sont développés dans les argumentaires contradictoires des maires de la côte, généralement favorables à cette valorisation, mais largement controversés par des personnalités locales comme maître Xavier Defos du Rau ou le juriste et essayiste bordelais Jacques Ellul, soucieux de respecter les préconisations et l'éthique de la SEPANSO [5].

[1] Le gascon estanhòt est une forme diminutive de estanh, "étang"( latin stagnum) et tuquet une forme diminutive de tuc, "dune, monticule", mot d'origine prélatine. Quand la toponymie décrit exactement le paysage...

[2] Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale. Cet organisme prépare, impulse et coordonne les politiques d'aménagement tout en accompagnant les mutations économiques et en privilégiant une approche offensive de la compétitivité.

[3] De nombreux incidents marquent cette douloureuse transition. Des bergers mettent le feu aux premiers pinhadars ; d'autres se suicident.

[4] Expression valorisée par les paysans du Larzac qui luttent, au début des années 1970, contre l'installation d'un camp militaire. Leur slogan revendique le choix de vivre au pays : Volèm viure al país, en occitan-languedocien.

[5] Société pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Journaliste
C’est à Soustons que Monsieur Emile Biasini, Président de la Mission interministérielle d’aménagement de la côte Aquitaine, a présenté aux chefs des délégués des sept communes concernées l’unité principale d’aménagement n°9 du schéma d’aménagement de la côte Aquitaine. Il s’agit de Vieux Boucaux, Soustons, Moliets, Messanges, Seignosse, Hossegor et Capbreton. Où en est le développement technique du dossier, que représente cette concertation avec les municipalités concernées, c’est le sens des déclarations qui nous ont été faites par Monsieur Biasini.
Emile Biasini
Les équipes d’architectes ont été chargées de proposer un schéma d’aménagement pour chaque unité. Elles ont eu six mois, un peu moins de six mois pour faire cela. Elles ont toutes tenu leurs délais, et depuis le 15 juin je détiens les neuf propositions. Ces neuf propositions doivent être maintenant examinées de façon contradictoire, non seulement au niveau de la mission: C’est avec les services techniques de la mission, mais au niveau de la concertation locale. Je veux savoir ce que les représentants locaux pensent de ces schémas. Aujourd’hui, il s’agit d’une étape importante parce que, d’incitation des élus locaux à exprimer leur avis, d’incitation à la participation et au dialogue. Car ce qui est le plus neuf dans ce que nous faisons, je crois, c’est la mise en forme dialectique des problèmes d’urbanisme. Jusqu’à présent l’urbanisme a trop souvent été le fait d’hommes de l’art isolés dans leur technique et dans leur capacité et gérant intellectuellement un capital à venir. Ce que nous voulons c’est que cet urbanisme soit le fait, soit une matière vivante, et le fait d’hommes qui vivent dans un pays, et le fait d’hommes désireux de modeler le cadre de leur vie future.
Journaliste
Monsieur le président, vous avez sollicité l’opinion du public qui vient visiter l’exposition ici à Soustons. Que vous apportent jusqu’à présent les réactions et les réflexions du public ?
Emile Biasini
Rien ! Rien, rien, rien et c’est dramatique ! Alors là je le dis très clairement, quand je lis le cahier des expressions d’avis, c’est lamentable! Les gens grognent, expriment des jugements impulsifs… mais d’une sottise générale accablante. Là, je le dis vraiment et je multiplierai les informations quand même parce que je le veux. Mais je veux dire que, sérieusement, je voudrais que les gens qui prennent la peine d’écrire, prennent la peine avant d’écrire de réfléchir et non pas de donner un avis qui est un avis de café, de bistro en buvant l’apéritif. C’est lamentable ! Alors vraiment si les gens ont envie de participer, qu’ils participent au niveau de la discussion, dire avec des arguments et une intention digne de la qualité du travail qu’ils voient et non pas digne du café du commerce et du bistrot du coin. Vraiment, là je suis très déçu mais j’ai toujours de l’espoir.