La chasse à la palombe

12 novembre 1980
04m 52s
Réf. 00282

Notice

Résumé :

Depuis une palombière, un chasseur présente les différentes étapes de la chasse traditionnelle landaise à la palombe qui consiste, en manœuvrant différents appeaux, à attirer au sol les oiseaux de passage, pour ensuite les capturer vivants dans un filet.

Date de diffusion :
12 novembre 1980
Source :

Éclairage

La palombe, ou pigeon ramier, migre du nord de l'Europe vers l'Afrique, et fait des haltes au mois d'octobre pour se reposer et se nourrir dans les Landes de Gascogne.

Traditionnellement rencontrée dans les Landes [1], la palombière au filet est une structure au sol complexe, dissimulée en pleine forêt. Aux abords, des panneaux articulés signalent "attendez" ou "avancez", car les opérations de séduction sont longues et délicates, et le moindre bruit ou mouvement peut déranger. Pour voir sans être vu, une tour et une cabane camouflées.

La tactique consiste à attirer grâce à des appelants (appeaux) les vols de passage pour les faire poser dans les arbres, rejoindre progressivement le sol, pour enfin capturer au filet les oiseaux vivants. Le rôle des appeaux est de simuler des palombes en train de se poser ou de se nourrir.

Tout le travail repose sur un système de commandes par fil des appeaux aux yeux masqués par un casque (ils doivent rester calmes), attachés par les pattes sur des systèmes de leviers ou bascules, hissés par des filins et des poulies à l'altitude souhaitée. Il en existe plusieurs types selon l'activité à simuler : horizontal (raquette, palette ou balancier) ; vertical (pompe ); basculant (glaneur" ou papillon). Le guetteur actionne brièvement les fils, ce qui déséquilibre les appeaux et les incite à voleter, imitant l'oiseau qui se pose dans les arbres ou se nourrit. Le nombre des appelants varie suivant les palombières.

Ensuite, la "palombe de cabane", casquée, à l'intérieur de la cabane de sol, a pour mission de guider les oiseaux au sol en battant des ailes, telle une palombe qui "glande" sur un chêne.

Et pour les inviter à finalement rejoindre l'aire plane aménagée au sol où s'abattra le filet aux mailles souples (40 ou 55 m/m), sont lâchés des oiseaux aux ailes attachées, les "piocs" (poulets en gascon) dont le rôle est de picorer. Au moment choisi, le filet est abattu ; il emprisonne les palombes sans les blesser.

Dans cette forme de chasse, on prend les oiseaux vivants : c'est ainsi que certains d'entre eux deviennent des appelants pour les années suivantes. Si les palombes ne sont pas tentées par l'appât, elles repartent. Une éthique sous-tend cette pratique : l'oiseau garde toutes ses chances de repartir, on n'utilise pas "d'arme lourde" comme le fusil ; aucun oiseau n'est blessé ni perdu.

Les chasses dites "traditionnelles" sont des méthodes de capture ne nécessitant pas le fusil mais des engins qui sont décrits dans chacun des arrêtés ministériels qui précisent les conditions de capture. Un arrêté ministériel du 30 décembre 1988 en fixe le cadre général. Un autre arrêté du 3 août 2009 précise les règles de bonne conduite à tenir dans cette chasse aux filets horizontaux appelés pantes. Les tenants de cette tradition préconisent que soit interdite la vente du gibier.

[1] En 2006, on compte 2 987 palombières traditionnelles avec filets, recensées dans 256 communes sur 331 (source Fédération des chasseurs des Landes).

Hubert Cahuzac

Transcription

Patrick Bourrat
Chaque année, au début de l’automne, des millions d’oiseaux migrateurs quittent les froides régions de l’Europe du Nord, de l’Angleterre à la Russie, pour descendre vers les pays chauds, en Afrique. Parmi ces oiseaux, les palombes. Pigeons ramiers migrateurs qui avant de franchir les cols des Pyrénées, passent au-dessus du Sud-Ouest de la France, impatiemment attendus par les chasseurs. Et notamment dans la région des Landes à 40 kilomètres de Bordeaux, où cette chasse traditionnelle est pratiquée depuis le début du siècle. Mais dans ce sous-bois de chênes et de pins, vous n’entendrez jamais un seul coup de fusil. On n’y chasse qu’au filet. Les hommes des villages alentours ont attendu octobre pour prendre leurs congés et épier jour après jour ce gibier si difficiles à attraper.
(Bruit)
Patrick Bourrat
Alors monsieur [Lartigue], quelles sont les trois opérations pour la chasse à la palombe ?
Monsieur Lartigue
Et bien, la première opération, c’est le guetteur qui en premier lieu, doit faire poser des palombes sur les arbres quand il les aperçoit. Et pour ce faire, il a des commandes, qui lui arrivent près de lui et il actionne ces commandes pour que la palombe qui passe aperçoive ses consoeurs qui sont sur les chênes.
Patrick Bourrat
Ce que vous appelez les appeaux ?
Monsieur Lartigue
Ce qu’on appelle les appeaux.
(Bruit)
Monsieur Lartigue
Voilà.
Patrick Bourrat
Alors, comment ça fonctionne cette mécanique ?
Monsieur Lartigue
Et bien, ce fil est relié avec cette équerre, lorsque depuis le poste de guet on tire sur la petite ficelle, la palombe est déséquilibrée. Et voilà ce qu’elle fait. Alors quand elle est dans cette situation, elle imite exactement la palombe qui veut attraper un gland sur un chêne. Bon. Alors, ensuite, la deuxième opération, c’est, il faut que ces palombes s’approchent près du sol pour se faire prendre.
Patrick Bourrat
Si elles sont posées sur les arbres.
Monsieur Lartigue
Si elles sont posées sur les arbres. Hélas, ça n'arrive pas très souvent hein. Bon alors elles s’approchent et pour les faire approcher, nous nous servons de la palombe de cabane. Nous choisissons une palombe qui est sage, il faut qu’elle soit sage et qui fasse un certain bruit. Tenez, voyez ?
(Bruit)
Monsieur Lartigue
Vous avez trois palombes, trois palombes qui arrivent là. Deux, trois palombes qui arrivent, tiens, elles vont se poser là-bas. Tiens, vous les voyez là les palombes là ? Vous pouvez les prendre là-bas. Vous les voyez là, regardez-les arriver là, vous avez ce qu’il faut là. Oh la la, c’est joli là. J'ai bougé les appeaux.
Patrick Bourrat
Vous avez donc attiré les palombes ?
Monsieur Lartigue
Automatiquement, j’ai attiré les palombes oui. Elles ont, ça fait l’impression qu’elles glanent sur un chêne, automatiquement les palombes qui arrivent se posent. Et bien, nous avons réussi à faire approcher les palombes près du sol. Elles sont sur les dernières branches mais que vont-elles faire, elles ne voient absolument rien, ce n’est pas ce petit carré de terre là défraîchi qui va les attirer. Alors nous prenons les piocs, ce que nous appelons les piocs, c'est-à-dire des palombes corsetées qui voient contrairement aux appeaux, que nous avons sur les arbres, elles y voient, elles ont simplement les ailes attachées. Alors nous les lâchons, d’abord, d’abord il faut tirer la trappe et nous les lâchons pour qu’elles aillent manger sur le sol. Evidemment les palombes qui sont autour s'en apercevront et ma foi, si elles sont décidées, si elles ont faim, elles descendent. Sinon… Le chasseur n’est pas toujours satisfait, n’est jamais satisfait. Je vais vous dire pourquoi. Il se pose 20 palombes par exemple. Nous les attirons au sol et alors il en descend 4, 5, 6 hein. Elles veulent faire ou pas trop faire, on ferme. On a 5 ou 6. Mais le chasseur dit, si j’avais attendu, j’en aurais eu 10 ou 15. Alors c’est pour ça que le chasseur à la palombe n’est pas souvent satisfait. Il y en a qui chasse au fusil mais nous, nous n’aimons pas. Nous voulons laisser toute la chance aux palombes. Si on peut être plus fort qu’elles, on les fait descendre. Mais si elles sont plus fortes que nous, elles s’en vont. On n’aime pas voir des palombes pleines de sang. Voilà.
(Bruit)