Le foie gras des Landes

18 décembre 1975
03m 57s
Réf. 00297

Notice

Résumé :

Reportage en trois temps consacré au foie gras : du marchandage des oies au marché au gras de Pomarez, à la préparation des foies gras entiers dans les ateliers de l'entreprise Lafitte, en terminant par la dégustation d'un foie gras accompagné d'une truffe dans le restaurant de Roger Lamazère.

Date de diffusion :
18 décembre 1975
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Le département des Landes est actuellement le premier producteur de foie gras de France, le pays restant leader au monde avec ses quelques 20 000 tonnes.

Dans les années 1970, le marché au gras restait un espace d'échanges à vocation économique avant tout, un des témoins de la tradition de la filière qui s'organisait alors. Les entreprises traditionnelles, comme celle de la famille Lafitte fondée en 1920 à Montaut par Léon Lafitte, évoluait vers des organisations plus industrielles tout en s'efforçant de maintenir une production qualitative. Chaque année, les productions landaises sont fières de concourir et de se voir récompensées par les prix décernés lors du Salon de l'Agriculture à Paris.

Le marché de Pomarez qui se tient alors dans les arènes met à l'honneur des oies alignées avec soin, prêts à faire l'objet de toutes les négociations. Les oies étaient en effet les volailles les plus répandues jusqu'aux dernières décennies qui ont mis le canard à l'honneur, pour des commodités d'élevage, de gavage et d'évolution des goûts.

Ces marchés au gras ont évolué au fil des années vers de véritables lieux de culture et de tourisme, au fur et à mesure que sont développées les modes de préparation "à la maison" et notamment les foies frais. Des formations, des démonstrations, des stages, des émissions de télévision se sont multipliés au fil des ans dans le but de maintenir l'exigence du produit et les moyens de reconnaître le meilleur. Comme pour les autres produits à forte valeur ajoutée culturelle, le foie gras "s'apprend", s'observe, se nomme, se touche, dispose de son vocabulaire, à la manière des vins.

Il est également du plus grand intérêt de connaître et reconnaître non seulement les caractéristiques d'un bon foie gras d'oie ou de canard sur un étal de marché mais également en conserve puisque la loi codifie de façon très stricte les dénominations. Les consommateurs avertis dont les particuliers trouvent aujourd'hui des informations essentielles sur toute la chaîne du gras et la traçabilité des produits, depuis le mode et le lieu d'élevage –comme la présence d'OGM - jusqu'aux composantes complémentaires. Il est notamment ici question de la truffe.

Roger Lamazere, appelé le cuisinier magicien car il était réellement prestidigitateur à l'origine avant de monter un restaurant célèbre à Paris, renseigne dans ce reportage l'exigence des alliances de produits et notamment le mariage prudent entre le foie gras et la truffe. Les tables les plus célèbres de France proposent toutes des variantes de ce produit emblématique des Landes, et c'est sans doute le foie gras qui témoigne de la préciosité de ce produit comme en atteste Michel Guérard dans L'Art et la Manière d'engraisser et de confire les oÿes et les canards [1], ouvrage alliant le patrimoine et le talent culinaire.

Progressivement, des labels de qualité et d'origine se sont mis en place en même temps que la structuration à tous les niveaux des professions liées au foie gras, dans les Landes notamment. Un organisme regroupe tous les professionnels intervenant dans la filière du gras, il s'agit du CIFOG (Comité Interprofessionnel de la Filière FOis Gras) qui veille à ce que la gastronomie des Landes maintienne les valeurs des traditions d'élevage, de transformation et de consommation.

Le foie gras est reconnu comme un des produits du patrimoine gastronomique français, les Landes en sont les premiers garants.

[1]GUERARD, Michel, L'Art et la Manière d'engraisser et de confire les oÿes et les canards, Pau : éditions Cairn, 1999.

Bibliographie générale :

- BARREAU Jacques, Les Hommes et leurs aliments. Esquisse d'une histoire écologique et ethnologique de l'alimentation humaine, Paris : Messidor/Temps Actuels, 1983, 381 p.

- COURTINE, Robert Jullien, La cuisine des terroirs. Traditions et recettes culinaires de nos provinces, Lyon : La Manufacture, 1994, 575 p.

- FLANDRIN, Jean-Louis et MONTANARI, Massimo (dir.), Histoire de l'alimentation, Paris : Fayard, 1996, 919 p.

- MONTAGNE, Prosper, Larousse Gastronomique, Paris : Larousse, 1938, 1088 p.

- TOUSSAINT-SAMAT, Maguelonne, Histoire naturelle et morale de la nourriture, Paris : Bordas, 1987, 592 p.

Bibliographie spécifique :

- CAZAMAYOU, Marie-Luce, Le foie gras. Histoire, élaboration, usage, diététique, recettes, adresses commentées, Tournay : La Renaissance du Livre, coll. "Saveurs Gourmandes de Art de Vivre", 1998 , 106 p.

- CLAUSTRES, Francine, La cuisine landaise, Bordeaux : éditions Sud-Ouest, 1996, 128 p.

- CNAC (Centre National des Arts Culinaires), L'inventaire du patrimoine gastronomique, Aquitaine, Paris : Albin Michel, 1997, 322 p.

- DEMEN, Annie, Si les Landes m'étaient contées en 40 recettes, Recettes du terroir des Logis de France, Mont-de-Marsan, sd. (Disponible au restaurant des Lacs d'Halcoo à Hagetmau)

- GUERARD, Michel, L'Art et la Manière d'engraisser et de confire les oÿes et les canards, Pau : Cairn, 1999, [illustrations de Patrice CAMUS].

- La cuisinière de la campagne et de la ville ou nouvelle cuisine économique, 63ème édition, Paris : Librairie Audot, 1885, 701 p.

- MANCIET, Bernard, Le cuisinier landais, Bordeaux : éditions Confluences, 2001, 255 p. (comprenant le recueil du célèbre texte de la fin du 19ème)

- Dictionnaire consulté pour le gascon : Simin Palay, éditions du CNRS, 1974.

Malika Boudellal

Transcription

(Bruit)
Journaliste
Pomarez dans les Landes, au petit matin, un marché aux oies. Après le coup de sifflet, les acheteurs n’ont que quelques minutes pour choisir. C’est à qui sera le plus rapide et le plus malin. Ici, on marchande à l’ancienne, le reste n’est qu’un problème de doigté, il faut sentir le foie à travers la chair de l’oie. Un bon foie doit peser au moins 700 grammes et 900 grammes au plus. Au dessous de 700, il est trop maigre, et au dessus de 900, il est trop gras.
(Bruit)
Intervenant 1
Si vous prenez un bon foie, quand vous le touchez, il est onctueux et la consistance intérieure est douce et fine comme du beurre, alors que celui-là vraiment est granuleux.
Journaliste
Donc à la consommation, il ne sera pas aussi bon que l’autre.
Intervenant 1
Certainement pas.
Journaliste
Qu’est-ce qu’on va en faire de l’autre alors, de celui qui est mauvais ?
Intervenant 1
Celui-là, je l’expédie pour faire d’autres fabrications qui ne seront pas du foie naturel, du foie entier.
Journaliste
Ce sera quoi par exemple ?
Intervenant 1
C’est pour faire des mousses, des blocs, des farces, mais qui n’est vraiment pas bon pour faire un foie entier.
Journaliste
Pour vos fêtes de fin d’année, ne vous faites pas avoir. Le foie gras au naturel, truffé ou non, est un produit qui ne comporte pas de farce. Ensuite, il y a les produits qui ne comportent eux de la farce à base de chair de veau, de porc ou de volaille. Cette farce ne doit pas dépasser 25%, on les appelle des blocs, des lingots, des parfaits, des rouleaux, ou du suprême ainsi que de la terrine. Puis, ce sont les pâtés qui eux n’ont pas droit à l’appellation foie gras, mais à pâté de foie d’oie, à pâté de foie de canard ; viennent ensuite les purées, les mousses et les crèmes.
(Bruit)
Intervenant 2
Nous avons actuellement de la bonne qualité, il est possible qu’elle soit un petit peu en régression en rapport à la production trop importante actuellement dans la région.
Journaliste
Vous voulez dire qu’on les gave trop vite ?
Intervenant 2
Non, c’est que les producteurs veulent en faire un petit trop, ils en font beaucoup.
Journaliste
C'est-à-dire alors, ils font quoi ?
Intervenant 2
Ils font des quantités importantes, ils ne peuvent peut-être pas soigner leur marchandise comme ils feraient s’ils en avaient un petit peu moins.
Journaliste
Il y a aussi les foies gras qui ne sont pas mis en conserve et que les charcutiers ou restaurateurs traitent pour les vendre frais en particulier à cette époque de l’année. Là, chacun a sa méthode, et les prix cette année vont de 350 à 400 francs pour le foie d’oie, et 250 francs pour le foie de canard. Un point important, faut-il truffer le foie gras ?
(Musique)
Roger Lamazère
Je ne truffe jamais un foie gras, parce que le mariage... incorporer de la truffe à l’intérieur du foie, finalement, vous ne décelez plus le parfum de la truffe. Bon, je ne goutte pas une truffe que je trouve dans le foie gras. Alors, on essaie de s’imaginer qu’elle a donné un petit peu de goût à ce foie gras. C’est peut-être vrai mais on ne le décèle pas nettement. Si on veut voir ce qu’est un mariage de truffe et du foie gras, c’est là où un jour à la suite d’une expérience, j’ai préparé une truffe comme on la prépare sous la cendre chaude entière. Et je l’ai mise simplement sans pâte ni sauce sur l’assiette à côté d’une tranche de foie gras frais. Alors là, vous vous apercevez, que la truffe, puisqu’elle est séparée, on peut se permettre de la servir chaude. Elle exhale tout son parfum, l’intégralité de son parfum. Vous prenez une rondelle de truffe chaude, un morceau de foie gras que vous mettez dessus. Alors là, vous assistez vraiment au véritable mariage du foie gras et de la truffe, car vous sentez ce mélange qui est net sur le palais, ça n’a absolument rien avoir avec du foie gras truffé.