Empreintes landaises - Latche : rencontre entre François Mitterrand et Helmut Schmidt

Éclairage

Le reportage présente une rencontre franco-allemande à Latche dans la résidence secondaire de François Mitterrand, le 7 octobre 1981. Le chef de l'Etat français, François Mitterrand, n'est alors élu que depuis cinq mois et veut profiter de ce séjour pour ressouder les amitiés franco-allemandes, tandis que le Chancelier allemand, Helmut Schmidt connaît des difficultés politiques outre-Rhin. Il devra dans l'année affronter des élections législatives qui s'annoncent peu favorables pour lui. La position du chef de l'Etat français est aussi délicate, la rencontre se déroule quelques jours après la dévaluation du franc. La politique de relance par la consommation menée par le gouvernement de Pierre Mauroy génère des difficultés et impose une dévaluation monétaire critiquée avec virulence par la droite, mais menée avec l'accord des partenaires européens et notamment l‘Allemagne.

Le lieu de la rencontre paraît relativement insolite compte tenu des questions importantes du moment qui vont y être débattues : questions du Moyen-orient autour des affaires israélo-égyptiennes, développement de la crise économique, blocage de la construction européenne, notamment autour de la Politique agricole commune et des questions budgétaires. Le Royaume-Uni de Madame Thatcher bloque en effet le processus de la construction européenne, menaçant même de pratiquer une politique de la chaise vide. Paris et Bonn cherchent alors à conserver le leadership européen et à maintenir un front uni face à la Dame de fer. François Mitterrand en invitant Helmut Schmidt dans sa résidence privée veut raffermir les liens, dans la continuité de la politique qu'avait mené son prédécesseur Valéry Giscard d'Estaing.

Le chancelier découvre d'ailleurs avec un regard relativement surpris les lieux. La résidence de François Mitterrand prend ici une dimension symbolique, celle du lieu où l'on reçoit les personnalités les plus importantes du monde. Les images présentent un décorum très cultivé par la famille Mitterrand : le chien du Président de la République précède le cortège des personnalités (on y voit les épouses des deux hommes, mais aussi Pierre Bérégovoy, Charles Hernu etc.) qui marchent sur un chemin rural qui conduit vers la résidence, on y voit un âne, des lapins et poules en liberté, des hangars construits en tôles ondulées. Les deux leaders se détachent du cortège suivis par une interprète, le trio, filmé de face, puis de dos, s'éloigne vers la villa que l'on devinera à l'horizon.

La symbolique de la ferme landaise est ici forte. François Mitterrand s'impose dans les relations internationales par sa volonté d'accueillir ses hôtes prestigieux dans un espace original privé, modeste, authentique, selon lui propice à la discussion et à la mise en œuvre de décisions importantes. François Mitterrand est extrêmement attaché à ce lieu où il venait régulièrement méditer et savait aussi s'en servir pour se placer, face à ses interlocuteurs, en position de force dans la négociation. On est loin du décorum prestigieux des négociations internationales.

Laurent Jalabert

Transcription

Christine Ockrent

La politique économique française, depuis la dévaluation du week-end dernier, les affaires communautaires, avant le prochain sommet européen, et la sécurité de l’Europe, tel est le menu, copieux, du tête à tête, que dans la grande tradition de l’axe Paris-Bonn, le chef de l’Etat français et le chancelier allemand, Helmut Schmidt, commencent, en ce moment même, dans la propriété du Président Mitterrand, dans les Landes. Michel Meyer, vous êtes sur place, à Latche.

Michel Meyer

18 heures, Latche, une petite promenade franco-allemande qui permettra de déboucher sur un tête à tête, sur des entretiens qui permettront de recaler cette fameuse entente franco-allemande dont on parle depuis 10, 15, 20 ans. Et qui permettra de recaler, de réajuster les positions françaises et allemandes. Cela, avant des échéances capitales, d’ici la fin de l’année. Dialogue Nord-Sud tout d’abord. Nécessité de dénominateur commun entre Français et Allemands, et cela, par rapport aux Etats-Unis, qui prennent, à cet égard, une attitude assez extrémiste. Relance de l’Europe communautaire, relance politique avec le problème du budget communautaire et des Allemands qui souhaitent, et sans imiter les Anglais, diminuer leur contribution financière, ce qui pose un problème assez délicat. Dossier économique également, et cela, quelques jours après une réévaluation du deutschemark et une dévaluation du franc, qui a redistribué, en quelque sorte, les billes économiques en Europe, à un moment où, véritablement, les politiques économiques, françaises et allemandes, ont des priorités différentes. Car elles tiennent compte des situations économiques et politiques différentes, de part et d’autre du Rhin. En définitive, une rencontre qui doit permettre une certaine stabilité, solidarité des Européens dans un monde de plus en plus dangereux car menacé par une crise économique qui s’accentue. Et, également, des instabilités provoquées par des secousses comme, par exemple, hier, l’assassinat du Président Sadate, un thème qui figura, naturellement, en priorité dans les entretiens de ce soir et de demain.