Monsieur Justes

09 février 1955
23m 56s
Réf. 00601

Notice

Résumé :

Ce film suit la journée de travail des habitants d'une exploitation familiale de 8 hectares dans les Landes, la famille Justes. 

Type de média :
Date de diffusion :
09 février 1955
Personnalité(s) :

Éclairage

Ces images dignes de R.Depardon sont prises à l'époque où la présence de trois générations sous le même toit était courante dans les Landes. La grand-mère à qui sont dévolues les tâches domestiques, la cuisine essentiellement, les parents et les enfants. Dans les années 1950 la cohabitation était encore la règle en Chalosse. Vingt ans plus tard, elle devient l'exception.

Dix ans après la Libération, trois éléments de modernisation voient le jour dans l'agriculture de notre « pays la Chalosse et le sud-Adour»: le tracteur, la voiture et l'incubateur.

Le plan Marshall dès 1946 nous fit bénéficier des premiers Ferguson de 25 à 30 CV. La deuxième génération, dix ans plus tard, celle des 45 CV, fut acquise individuellement ou en CUMA (1). En 1955, la moitié des petites exploitations familiales ne disposent encore que de la traction animale, bœufs ou vaches Blondes des Pyrénées ou Bazadaises.

La voiture utilitaire fait partie intégrante de l'exploitation, utilisée exclusivement pour les besoins de celle-ci :achats de fournitures et livraisons. Il n'est pas encore question de vacances ! Seulement quelques promenades dominicales et le marché hebdomadaire. Mais dans une France qui compte un million de voitures particulières, l'auto chez les petits agriculteurs chalossais reste en 1955 l'exception. La bicyclette est le seul moyen de locomotion pour la majorité des paysans et de la population.

L'incubateur pour la production de poussins d'un jour est le signe d'un grand pas en avant vers le « progrès » car il suppose la présence de reproducteurs poules et coqs. C'est le début, dans la région de Saint Sever d'un grand mouvement qui conduira dix ans plus tard à l'obtention du premier label français : « le poulet jaune des Landes », devenu plus tard Label Rouge. La livraison de poussins d'un jour chez des fermiers va éliminer petit à petit des fermes chalossaises, l'élevage fermier de quelques poules pour la production d'œufs et de poulets.

La famille Justes fait ici figure de pionnier dans le tournant du modernisme connoté « progrès » et va gagner l'agriculture landaise dans les années 60 et 70. Avec, comme conséquence logique un grand exode rural.

Restent que les conditions de travail sont dures : travail physique et longues journées supportées grâce à l'espoir d'améliorer ces conditions. Polyculture, polyélevage, autoconsommation importante limitent les achats extérieurs. Le garçon qui part à l'école à bicyclette n'ira pas au collège rural qui viendra au chef lieu de canton quelques années plus tard avec la scolarité obligatoire à 16 ans. Les chiffres indiqués marquent aussi un progrès même si la comptabilité sommaire sur un cahier écolier est le premier signe vers une gestion qui sera proposée plus tard par les Centres de gestion de la profession.

La famille Justes est propriétaire de ses terres; plus à l'ouest dans la Haute Chalosse où le métayage vient de prendre fin avec le Statut de fermage et du métayage de 1946, les exploitations plus petites, sont encore marquées en 1955 par le poids de ce mode de faire valoir archaïque.

Maurice Gassie

Transcription

(Musique)
Journaliste
Une seule commune, la famille est réunie un soir de septembre, le père Monsieur Juste, Madame Juste, la mère, la grand-mère paternelle, Jacques, le commis, André le fils, 11 ans. Une propriété de huit hectares, dont six des terres cultivables les font vivre. Ils constituent les éléments de base de ce que l’on appelle une exploitation familiale. Dans la grande armoire, André vient de découvrir une vieille photographie de Monsieur et Madame Juste au moment de leur mariage, il y a 20 ans de cela. 20 années au cours desquelles ils ont transformé une ferme délabrée qu’ils venaient de reprendre, en une exploitation qui marche et les fait vivre. Mais vivre comment, bien, mal ? Je vous laisse le soin d’y répondre et de découvrir vous-mêmes les failles ou les raisons de la réussite. Pour ma part, je n’ai plus rien à vous dire. Les acteurs sont en place, vous allez partager une journée de la vie de la famille Juste.
(Musique)
Journaliste
L’action commence, il est 6 heures du matin.
(Musique)
Journaliste
Sept heures viennent de sonner, la journée se termine, et le rideau pourrait tomber là. Mais il nous faut maintenant changer de style et parler chiffres, car ce sont les chiffres qui, en définitive, vont sanctionner cette activité que vous venez de suivre. Les 14 heures de travail par jour que fournit chaque membre d’exploitation familiale aboutissent finalement à un bilan qui se résume sèchement de cette façon pour 1953. En dehors des bâtiments qu’il a construits lui-même et qu’on ne peut chiffrer, l’élevage a produit, recettes 240 000 francs, dépenses 50 000, reste 190 000. Achat tracteur et divers, 1 200 000. Vente d’un ancien matériel 700 000, manque 310 000. Élevage de la volaille, recettes nettes 700 000, reste 390 000. Achat d’engrais, 100 000, reste 290 000. Maïs, utilisé sur place pour la nourriture du bétail et des volailles.
(Musique)
Journaliste
Il n’entre pas en ligne de compte.
(Silence)
Journaliste
Blé, un hectare a produit cette année 40 quintaux grâce à la variété Etoile de Choisy. 40 quintaux utilisaient sur place pour l’alimentation humaine et animale de la ferme.
(Musique)
Journaliste
Les pommes de terre cultivées dans les vignes, autoconsommées. Les fruits divers, recettes 180 000, total disponible, 470 000. Vin, recettes 25 000, disponible 495 000. Au cours de l’année, il aura fallu dépenser 70 000 francs pour les salaires du commis, 162 000 francs pour la nourriture, 134 000 pour les vêtements, 60 000 pour l’essence, reste zéro. Ainsi, le bilan est équilibré, et tant pis pour Madame Juste, qui un an encore attendra l’eau sous pression qu’elle espérait obtenir cette année. Une année encore, elle transportera 75 seaux d’eau par jour. Et voilà, ceci se passait dans les Landes, à Audignon très exactement. Cinq personnes sont réunies à nouveau dans la salle commune, un soir de septembre, cinq personnes qui vivent sur huit hectares, dont six de terre cultivable. Cinq personnes qui font des projets d’avenir.
(Musique)