Plateau Arnaud Daragnes et coupe des Landes de basket

21 mai 1994
06m 17s
Réf. 00642

Notice

Résumé :

Portrait de l'équipe de basket de Monségur et d'Olivier Léglize, son capitaine. Images de la finale de la coupe des Landes de basket qui se joue à Pomarez entre le club d'Hagetmau et l'A.S. Monségur.

Date de diffusion :
21 mai 1994
Thèmes :

Éclairage

Le basket est vraiment un des sports rois du sud des Landes et en particulier de la Chalosse. Comment expliquer cet ancrage depuis plus d'un demi-siècle dans ce petit territoire du Sud-Ouest ?

Ce sport arrive dans les années 1930 dans le département et la première équipe landaise est celle des « Écureuils de Luxey » créée en 1930 autour d'une société de football-association. Mais c'est au sud, en Chalosse, que le basket réussit sa véritable implantation. Dès 1932, trois petites communes créent leur club : les « Cadets de Chalosse » de Gaujacq (400habitants), la « Jeunesse sportive » de Laurède et l' « Union Sportive » de Larbey. Les instituteurs créent, en 1933, les « Dominos » de Doazit et l' « Olympique » de Souprosse. Le 26 mai de la même année, on peut lire dans le journal local, La Petite Gironde : « Depuis quelques jours, les gens de Souprosse peuvent pratiquer un sport assez méconnu dans la région, mais qui n'en est pas moins un sport complet, le mot n'est pas trop fort, tout en restant un amusement sain et agréable (...). Il faut espérer que les jeunes viendront encore plus nombreux le dimanche, car ce jeu, qui exclut toute brutalité, est à la portée de tous et demande surtout de l'adresse, de la vitesse et de l'agilité. »

Le souhait formulé par le journaliste se réalise et le basket s'étend aux communes proches de Mugron, Amou, Montfort, Pouillon : au total 21 sections sont enregistrées en 1934 et 59 en 1938, date de la création du Comité des Landes de basket qui, vu l'embellie, a décidé de faire scission avec le Comité de Côte d'Argent. Parmi les membres du bureau de ce jeune comité, les instituteurs sont bien représentés, mais on y trouve aussi les prêtres animateurs des patronages. Cette coopération se maintient jusqu'en 1960 puisqu'une dizaine d'instituteurs et six abbés vont s'y succéder. La construction de gymnases pour le basket entre 1975 et 1980 renforce l'implantation locale de ce sport en Chalosse, où la majorité des cantons construisent plus de cinq salles couvertes durant cette période, alors que les autres cantons se consacrent à l'édification ou à l'aménagement des terrains de grands jeux ou d'autres équipements de loisirs. Toute la société locale est marquée par le sport symbole de l'identité communautaire, et l'accession au contrôle de la commune passe souvent par l'identification au sport dominant. Les exemples sont multiples où les élus utilisent leur passé de joueur ou de dirigeant pour solliciter les suffrages lors des élections. On voit même des réseaux d'élus qui, de village en village, à travers la famille du basket, parviennent à "subsumer" les clivages politiques et idéologiques.

Monségur, petite ville de 300 habitants illustre parfaitement cette histoire et le rôle d'identification communautaire qu'y joue le basket dans ce milieu rural où les activités de la ferme se maintiennent. Les enfants pratiquent dès le plus jeune âge dans le préau des écoles, ils s'entrainent dans les paniers installés dans les fermes et s'inscrivent dans le club où ils se retrouvent plusieurs fois par semaines ; les rencontres inter-villes sont des occasions de renforcer l'appartenance locale et les finales de la coupe des Landes rassemblent la quasi-totalité de la population pour soutenir son équipe. Ainsi, la finale de 1994 qui oppose Monségur à l'équipe de Doazit dans la grande arène de Pomarez est un grand moment festif où se mêlent les chants, les musiques des bandas et les encouragements des supporters en présence des représentants de la société locale, élus, enseignants, prêtres et notables.

ARCHAMBAULT F . et coll. Dir. (2003) L'aventure des « grands » hommes, études sur l'histoire du basket-ball, Limoges, PULIM

AUGUSTIN J.P. (2003) Le basket en Chalosse, l'exemple d'une territorialisation sportive, in ARCHAMBAULT F. et coll. Dir. (2003) L'aventure des « grands » hommes, études sur l'histoire du basket-ball, Limoges, PULIM

DESSIS J. (1977) Un demi-siècle de basket landais, Comité des Landes de basket

Jean-Pierre Augustin

Transcription

Présentateur
En finale, le basket en France, on le sait, a connu un boom extraordinaire depuis les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. Depuis, le basket de rue se développe dans les banlieues, on le sait. Et dans le même temps, le basket des champs connaît un engouement considérable notamment dans les Landes. Voyez ce reportage de Patrick Pannier et de Francis Lambert.
Journaliste
Monségur, aux confins de la Chalosse et du Tursan, au sud-est du département des Landes, à peine 300 habitants. Sous le préau et sur le bitume de la cour d’école, filles et garçons se disputent le ballon avec le même engouement. Plus qu’un jeu, le basket est ici considéré comme une matière scolaire à part entière. Ici, l’idole n’est pas un géant noir américain. Qui c’est votre joueur préféré ?
Inconnu 1
Oliver Léglize.
Journaliste
Et c’est qui ?
Inconnu 1
C’est un joueur de Monségur.
Inconnu 2
Le capitaine de Monségur.
Journaliste
Depuis une dizaine de saisons, Olivier Léglize est considéré comme le meilleur joueur landais. Et ses prouesses sont connues et redoutées dans les salles de basket de la France entière. C’est tout gamin sans doute, sous le regard bienveillant de ses parents, qu’Olivier Léglize a pris goût pour ce sport d’adresse dans la cour même de la ferme familiale. Très tôt, il se montre à l’évidence surdoué.
Olivier Léglize
Vers l’âge de 7-8 ans, c’est vrai que c’était un peu à la mode à l’époque d’avoir un panier dans toutes les fermes. Bon, c’est vrai que j’avais un ballon de basket, mais je n’avais pas de panier. Alors, j’avais demandé à mon père qu’il me fabrique un panier. Avec l’aide de l’abbé ici, on avait fabriqué un panier qu’on a scellé au mur. Donc, c'est tout naturellement que le soir en rentrant de l’école, j’allais jouer sur mon panier de basket.
Journaliste
Olivier Léglize est resté fidèle à son club d’origine. Pourtant avec une moyenne de 40 points marqués par match, il a refusé à plusieurs reprises les offres sonnantes et trébuchantes des clubs français professionnels.
Olivier Léglize
C’est vrai qu’à un certain moment, j’ai eu des choix décisifs à faire. Je les ai faits personnellement avec ma famille. Mais je crois qu’aujourd’hui, je ne regrette rien, parce que ce que je vis avec Monségur, je crois que je ne l’aurais jamais vécu ailleurs. C’est le plaisir de jouer pour un petit club. Comme vous savez, un village ne dépasse pas 300 habitants, je crois qu’un joueur de Nationale 3, c’est peut-être à un niveau très élevé ; mais on bat quand même des villes qui ont 50 ou 100 000 habitants. Je crois que pour nous, c’est quand même quelque chose de très intéressant, et au fond de soi-même, c’est un certain bonheur.
(Bruit)
Journaliste
Après avoir joué les premiers rôles dans son Championnat de Nationale 3, l’association sportive de Monségur va disputer en cette veille de l’ascension, la finale de la Coupe des Landes. Tout le village s’est mis au vert et blanc, car ce soir, il va falloir batailler dur face au voisin Hagetmau Doazit, le club du chef-lieu. À Monségur, comme partout en Chalosse, la population vit essentiellement de l’agriculture, et c’est sans doute là la clef du succès rencontrée par le basket.
Jean Caplane
C’est une région traditionnelle de production de foie gras qui s’est considérablement développée. Les jeunes sont restés sur les exploitations agricoles. Et ce qui donne une fraîcheur à ce milieu rural et une présence de jeunesse qui s’est adonnée au basket. La petitesse des communes étant tout à fait conforme à la petitesse de l’équipe de basket, c’est-à-dire cinq éléments. Le basket a progressé considérablement en Chalosse, parce que les jeunes agriculteurs sont restés dans la production de foie gras. C’est pour ça que j’ai l’habitude de dire que la Chalosse, c’est le basket, le foie gras, et bien sûr, la course landaise.
Journaliste
Tout naturellement, une finale landaise se dispute chaque année dans une arène. Nous sommes ici à Pomarez, surnommé la Mecque de la Tauromachie, où 4 000 fanatiques ont envahi les gradins. Dans une véritable ambiance de coupe d’Europe, la finale de la Coupe des Landes, c’est la grand-messe annuelle d’un basket à la mode landaise.
(Musique)
Patrick Beesley
C’est un grand moment de fête dans les Landes, puisque vous voyez que les arènes sont archipleines. C’est un rendez-vous qui clôture la saison sportive. Et puis, je crois qu’au travers de cette compétition, c’est une façon de montrer l’aspect un petit peu particulier du basket landais, c’est-à-dire basé sur la fête et sur le plaisir de jouer. C’est l’unique compétition qui permet de mettre en exergue les petits villages. Et on en a la preuve ce soir, ces deux équipes qui, pendant l’année, n’ont pas été sur les devants de la scène, qui se retrouvent en finale. Donc, c’est la chance pour n’importe quelle petite équipe de se retrouver ce jour-là devant le feu de l’actualité.
Journaliste
Contrairement à certaines idées reçues, les Landes comptent davantage de licenciés en basket qu’en rugby. Avec près de 10 000 pratiquants, c’est aussi le département français où il y a le plus de basketteurs par rapport à la population. Une terre de basket qui a charmé Jean Luent, ancien entraîneur d’Orthez et de l’équipe de France, aux commandes de l’AS Monségur déjà depuis cinq saisons.
(Bruit)
Jean Luent
Je comprends qu’ils soient rentrés dans la société actuelle, puisque l’argent, c’est quand même le phénomène essentiel maintenant. Mais il me semble qu’il faut revaloriser un peu le sport amateur. Et c’est pour ça que je suis à ce niveau. Puis, je suis tombé dans un village où du maire à toute la municipalité, aux instituteurs, aux curés, tout le monde parle le même langage, on parle éducation.
Journaliste
Ce soir-là, Olivier Léglize avait bobo au mollet, et n’avait pas son rendement habituel. Et quand le capitaine de Monségur boîte, c’est l’équipe entière qui trébuche. Résultat grâce à ces étrangers et une meilleure adresse, Hagetmau Doazit a logiquement remporté la coupe 94. À Monségur, le trophée de la consolation.
Olivier Léglize
C’est déjà une belle récompense d’être arrivé en finale. Je crois que de jouer devant autant de spectateurs, c’est inimaginable, c’est bien pour nous. On ressent un immense plaisir même si on a perdu.
Journaliste
Dommage pour la blessure.
Olivier Léglize
Oui, j’avais les crampes en début de la seconde mi-temps. Je crois que c’est un peu le résultat du travail de la semaine dernière où j’ai passé pratiquement huit jours sur le tracteur sans discontinuer. Mais je crois que je le paie actuellement. Mais je suis heureux comme ça, et c’est vrai que j’ai retrouvé mes vaches et mes canards, et ça ne sera pas plus mal.
Journaliste
Malgré la défaite, les supporters méritaient bien le salut de celui qu’ils ont surnommé, au vu de son immense talent, l’Américain de Monségur.