Pontonx-sur-l'Adour, Landes : entreprise Sovol de plats cuisinés pour la navette franco russe

30 juin 1987
03m 07s
Réf. 00724

Notice

Résumé :

Une navette spatiale franco-russe devrait être lancée en 1988. Une entreprise agroalimentaire des Landes, Sovol, a reçu la visite de quatre ministres soviétiques. Ces derniers ont pu découvrir les produits alimentaires destinés à l'espace, et aux cosmonautes. Sovol, qui depuis deux ans a touché le marché agroalimentaire de haute de gamme, se spécialise dans la nourriture pour l'armée. La délégation soviétique a choisi cette entreprise pour son hygiène, sa modernité et la qualité de ses produits. Des tests pour vérifier la capacité de conservation sur une longue durée seront faits en URSS. Si ceux-ci sont validés, ces boites de conserves partiront pour l'espace. Reportage dans l'usine agroalimentaire Sovol, et interviews de Mr Macarov, vice ministre agro-alimentaire URSS, et Edmont Gayral, président de l'entreprise SOVOL.

Date de diffusion :
30 juin 1987
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Éclairage

Les Landes, du fait de leurs spécificités agricoles, ont une activité assez ancienne dans les industries agroalimentaires. Les transformations de l'agriculture depuis les années 1950, l'organisation de la production et des marchés, en particulier sous l'effet de la construction européenne (1) poussent certes parfois à se spécialiser en partie ou au contraire à se diversifier dans un créneau précis, mais aussi à faire un effort dans la recherche de la qualité.

On comprend ainsi la satisfaction de l'entreprise Sovol (2) à être retenue pour fournir aux équipages soviétiques (3) de succulents petits plats tout préparés. Le vice-ministre soviétique semble d'ailleurs se régaler en dégustant les produits qu'on lui fait découvrir lors de la visite de la délégation venue de Moscou en 1987.

Quand on connaît la réalité du contexte – a posteriori évidemment –, cela ne manque pas de sel. En effet, en ce milieu des années 1980, l'Union soviétique n'est pas au mieux. Nul ne sait qu'elle cessera d'être en décembre 1991 mais l'on est bel et bien dans la période de marche en avant résolue de Gorbatchev, tentant de "restructurer" le système chancelant avec sa politique de "Perestroïka" et déclarant ne voulant rien cacher de la réalité présente ou passée (politique de "Glasnost").

Et, justement, les difficultés d'approvisionnement agricole ont été récurrentes en URSS, surtout depuis les années 1960. La mystique de la planification, la politique de mise en valeur des "terres vierges", les tolérances du régime quant au "lopin individuel" pour les paysans des kolkhozes ou l'expérience assez vite abandonnée des "agrovilles" n'avaient guère permis de grandes performances productives et qualitatives. Ironie du sort, Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev, né en 1931 et devenu secrétaire général du comité central du parti communiste de l'Union soviétique en mars 1985, a fait une carrière plutôt classique d'apparatchik qui l'a conduit à se spécialiser dans les problèmes agricoles... Néanmoins, pour nourrir les cosmonautes, mieux vaut aller voir les productions landaises.

Le conseiller pour le commerce extérieur à l'ambassade de France à Moscou a-t-il été particulièrement convaincant ? Le "Milliardaire rouge", Jean-Baptiste Doumenc (né en 1919 et mort d'ailleurs en avril 1987) et sa société Interagra y ont-ils été pour quelque chose ? L'intendance militaire ou plutôt le commissariat de l'armée de terre, qui la remplace en 1984, s'est-elle montrée particulièrement active puisque la Sovol fournit des rations aux Armées ? Qui eût pu songer que les "riz-pain-sel" fissent connaître le succulent poulet chasseur ou le savoureux poulet-riz ratatouille élaborés dans les Landes dans les inconfortables cabines spatiales ?

(1) En 1973, dans la Communauté économique européenne, déjà constituée de six États, entrent le Danemark, l'Irlande et le Royaume-Uni ; la Grèce suit en 1981, puis c'est le tour de l'Espagne et du Portugal en 1986. D'autres viennent évidemment après dans le cadre de l'Union européenne...

(2) Apparue en 1967 à Pontonx-sur-l'Adour, la Sovol fait partie - en 2014 – du pôle "Les Fermiers landais" qui est une des composantes du regroupement des "Fermiers du Sud-Ouest" ; ce groupement coopératif volailler rassemble des spécialistes de la filière (éleveurs, abattoirs, laboratoires de conditionnement) dans le Gers, les Landes et le Périgord. Avec le "poulet jaune", la coopérative "Les Fermiers Landais" a été à l'origine de la filière Label Rouge dès le début des années 1960.

(3) La coopération spatiale franco-soviétique y est sans doute pour quelque chose. C'est le 30 juin 1966 que la France et l'URSS signent un accord de coopération pour l'exploration pacifique de l'espace. Dans le contexte géopolitique d'alors – la Guerre froide –c'est une initiative plutôt audacieuse sous l'impulsion du Général de Gaulle. La France, avec le CNES (Centre national d'études spatiales), devient le premier partenaire occidental de l'URSS dans ce domaine (exploration du système solaire notamment). La coopération Moscou-Paris s'est de la sorte élargie au domaine des vols habités. Ainsi, de 1982 à 2001, cinq spationautes français – notamment Jean-Louis Chrétien en 1982 et 1988 – sont intégrés aux équipages (soviétiques d'abord, puis russes après 1991) à bord du vaisseau Soyouz.

Jean-Jacques Fénié

Transcription

Jacques (de) Bort
Bonsoir, et en ouverture de ce journal, l’aventure spatiale, l’aventure spatiale avec une entreprise landaise agroalimentaire. En 1988, je vous le rappelle, sera lancée une navette spatiale franco-russe. Et au-delà de tout l’aspect technologique, études, il faut penser à l’intendance. Aussi, quatre personnalités soviétiques dont un vice-ministre, se sont rendues aujourd’hui dans les Landes, à Pontonx, près de Dax, à l’entreprise SOVOL pour voir comment sont conditionnés les produits alimentaires destinés à l’espace. Le reportage de Dominique Langard et Denise Deus.
Dominique Langard
Alors camarade, on se fait une petite bouffe ? C’est ce que pourra proposer l’an prochain, pour améliorer l’ordinaire spatial, le cosmonaute français à ses homologues soviétiques après une bonne journée d’apesanteur. Pourquoi du confit ou du poulet chasseur plutôt que les petites pastilles bleues ou rouges ? Tout simplement parce qu’en France, la gastronomie, ça compte. C’est donc pour des raisons psychologiques, tout autant que nutritives, que les soviétiques cherchent à satisfaire notre cosmonaute. Pendant une semaine, ils ont donc visité huit entreprises françaises, sélectionné quarante-deux produits avec un très, très gros bon point pour la SOVOL, à Pontonx-sur-l’Adour, dans les Landes. Qu’est-ce qui est important pour vous, c’est la diététique ou la gastronomie, le bon goût français ?
Macarov
Il faut d’abord que les produits soient d’excellente qualité. Il n’y a pas de clinique dans l’espace où nous pourrons soigner nos cosmonautes. L’objectif de ceux qui viennent ici pour sélectionner les produits est de trouver des produits de la meilleure qualité possible, parce que nous ne pouvons pas tolérer que des cosmonautes tombent malades dans l’espace.
Dominique Langard
Mais attention, si l’hygiène de l’entreprise, sa modernité, la qualité du travail et des produits ont retenu favorablement l’attention de la délégation soviétique, rien ne résistera aux tests impitoyables que subiront tous ces produits une fois en URSS. Mais s’ils résistent aux tests de longue durée en particulier, alors là, plus de problème. La SOVOL, qui fête ses 20ans cette année, s’est spécialisée dans la commercialisation de gastronomie locale en haut de gamme. Son chiffre d’affaires 7 milliards et demi de francs cette année. Avec un marché intéressant en plus des grandes surfaces : l’armée. Finies les rations aides, maintenant le deuxième classe pourra, à son menu de campagne, poulet riz ratatouille ou indienne de volaille.
Edmond Gayral
Donc, le fait que les cosmonautes et que les russes s’intéressent à nous est pour nous passionnant, parce que ça va nous permettre d’évoluer encore au-delà de ce que nous avions pu faire et permettre à cette entreprise d’éclater des objectifs qu’elle ne pouvait avoir. Tous produits qui peuvent être fabriqués pour nos consommateurs normaux ne peuvent être qu’améliorés, dans le sens où les Etats-Unis d’un côté et la Russie de l’autre, nous ont choisis pour être les meilleurs sur le plan sud-ouest départemental.
Dominique Langard
Pour l’avenir, français et soviétique, gourmets l’un comme l’autre, aimeraient bien, mais les tests décideront, envoyer là-haut dans les étoiles l’aliment qui contient tout ce qui est nécessaire à l’homme et que l’on fabrique en quantité dans les Landes, le foie gras. Alors, foie gras sur orbite, à mettre peut-être à un prochain menu.