Journée patrimoine : ballade sur les traces de François 1er dans les Landes

17 septembre 1994
02m 13s
Réf. 00730

Notice

Résumé :

Lors de la journée annuelle du Patrimoine, une ballade est organisée pour marcheurs et cyclistes, sur les pas de François 1er. François 1er, après s'être séparé de Eléonore de Habsbourg, s'est remarié dans le petit village de Villeneuve de Marsan avec Eléanore d'Autriche. La visite se fait sur les ruines du couvent des Clarisses, où a eu lieu le mariage ainsi que sur la maison forte des Tampouille, qui a fait office de suite pour la première nuit du mariage. Reportage avec interviews d'historiens et microtrottoirs de visiteurs.

Date de diffusion :
17 septembre 1994
Source :

Éclairage

Dix ans après que le ministre de la culture français, Jack Lang, eut instauré les "Journées portes ouvertes dans les monuments historiques", le troisième dimanche de septembre, on ne peut que constater la réussite de cette entreprise. Ici, au fin fond de l'Armagnac landais, au Frêche, randonneurs de tous âges ont rendez-vous avec l'Histoire et avec leur patrimoine. C'est dire la portée du message.

Aux confins de la commune de Villeneuve, loin des fastueux monuments urbains qui ouvrent leurs portes à la même heure et dans le même contexte culturel, les curieux qui sont venus ici vont pourtant bien découvrir un pan de l'histoire de France, au cœur de la Gascogne. Et le fait n'est pas banal : un mariage royal qui s'opère dans une chapelle rattachée à une maison noble sise dans une paroisse qui a pour emblème le frêne, symbole de solidité et de puissance et dont le bois servait à fabriquer les hampes de lances (1).

Les circonstances sont particulières, certes, mais le choix du couvent des clarisses de Beyries comme cadre de la cérémonie se justifie par le fait que l'on se trouve ici à quelques lieues de la route des "Petites Landes", privilégiée durant tout le Moyen Âge, et jusqu'au XVIIIe siècle, pour éviter le secteur alors répulsif des Grandes Landes (2). De plus, Beyries est une seigneurie ancienne, achetée en mai 1236, par Gaston, vicomte de Béarn et de Marsan, et Na Mathe, sa femme, à Guillaume Gausbert, fils de Na Gazen Beyries, pour la somme de 25 livres morlanes, en la présence de Pierre Espanth, archevêque d'Auch, Pierre Pocq, évêque d'Aire, et de Guiraut, comte de Fezensac et d'Armagnac, comme le stipule une pièce de parchemin rédigée en gascon, avec sceau de l'évêque d'Aire et sceau d'un abbé ou d'un prieur, qui est conservée aux Archives départementales sous la cote H 169/3 (3).

Si les historiens en herbe de la fin du XXe siècle peuvent avoir du mal à imaginer une cérémonie royale dans les vestiges de ce couvent, aujourd'hui en ruines, la fière bâtisse de Tampouy qui se dresse encore fièrement en surplomb du cours du Midou (4) leur offre, en revanche, la possibilité de rêver sur les quelques heures durant lesquelles l'Histoire de France a investi ces lieux, 77 ans seulement après la soumission de la Gascogne par les Français.

La maison forte qu'admirent les randonneurs, en cette belle journée d'automne, remonte à 1343, date à laquelle l'autorisation est donnée par Aliénor de Comminges, comtesse de Foix, vicomtesse de Béarn, tutrice de Gaston de Foix, à Guillaume Arnaud de la Barthe, seigneur de Gardères, de construire une maison forte sur les terres de Gardères et Tampouy (Le Frêche), en vicomté de Marsan.

L'acte est encore rédigé en gascon (5), qui est toujours la langue de l'administration locale, jusqu'à ce que le roi qui se marie en ce mois de juillet 1530 promulgue l'ordonnance dite de Villers-Cotterêts, évinçant latin et langues vernaculaires au profit du français dans les actes officiels du royaume (6).

(1) Le Frêche est une hypercorrection du gascon hrèishe, issu du latin fraxinum, "frêne".

(2)http://landesenvrac.blogspot.fr/2010/01/eleonore-et-francois.html

(3) http://aquitaine.culture.gouv.fr/image/391c4dacfafae9e80e1f00bda7d06b86

In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti ,Amen. Conegude cause sie als presents e als abieders qui aquestes presents letres beyran ne audiran, que Guilhem Gausbert, fil de Na Gasen Beyries, no forsads, ni costrets, ni decebudz, ni enganads, mas per sa bona e plene e agradere volentad, e per son seruir e per sa gran necessitad, beno e quita per tots temps per si medis e per tots sos successoos nads e a neyse, tot lo dret e la senoria que aue ne auer deue... el casted de Beyries ni en las pertinenses del dit casted, so es asaber en homes et en femnas et en terres et en erbes et en futs et en fulies et en tots fruits mesches e sabuadges et en aigues et en tots autres dretatges pertinens al dit casted de Beyries e a sas pertiensas bonaments e franquements senes tot dret e ses ...tot servici que no si retengo a si medis ni a sos successoos presents ni abiedees, a l'ondrad baron e senior Gaston, per la graci deu besconte de Bearn e de Marsan...

(4) Le toponyme Tampouy procède du gascon médiéval tampa, "versant abrupt, ravin".

(5) Notum sit que la mot noble e poderouse Done, Madame N'Alienors de Comenge, comtesse de Foix, viscontesse de Bearn e de Marsan, tutris testamentary, deu mot noble et poderous seignour Mossen En gaston, comte et viscomte deu contat et viscomtat dessusdit, et lo medix Mossen En Gaston, comte et visconte dessusdit, de bolentat autrey et authoritat de ladite Madone A lianors, may et tutris dessusdite...seguien que dichoun donnen et autreyen ab la tenour dequest publicq instrument, a Guilhem Arnaud de Labarthe, seignour de Garderes, donzel aqui present...recebent licenty, pouder et authoritat de far ostau ou salle en la terre de Garderes et de Tampoy en ladite viscontat de Marsan, en lo bailiadge deu Frexo.

(6) http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006070939

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Présentatrice
Une journée du patrimoine également marquée par une balade très originale dans les Landes. Un voyage sur les traces de François Ier qui épousa Eléonore d’Autriche dans un tout petit village près de Villeneuve-de-Marsan, c’était au XVIème siècle. Page d’histoire royale, Annie Delmont, Yannick Lemiesle.
Annie Delmont
Ils sont partis tôt ce matin. Une centaine environ de marcheurs et une vingtaine de cyclistes. En ce samedi de septembre, ils ont rendez-vous avec François Ier. Car beaucoup l’ignorent, François Ier s’est remarié dans les Landes avec la sœur de Charles Quint, Eléonore d’Autriche. C’était le 7 juillet 1530, et c’est ici, au Frêche, dans ce qu’il reste d’un couvent des Clarisses qu’ils ont été unis. Aucun doute sur ce point, encore que la mémoire locale ne situe pas l’événement au même endroit.
Inconnu 1
Ils se sont mariés à la Chapelle de Saint-Laurent de Bellis. Ça m’a toujours gratté à la tête, ça. Saint-Laurent de Bellis, Saint-Laurent de Bellis. Je suis du quartier Saint-Laurent mais où était l’église ?
Fritz
Il semble qu’il ait voulu donner surtout un caractère très discret à cet événement car il venait effectivement d’être lourdement humilié par son adversaire Charles Quint ; et que d’autre part, bon, cette lutte contre Charles Quint, c’est finalement le symbole de la lutte des deux grands hommes politiques de l’Europe à cette époque.
Annie Delmont
Humilié par Charles Quint qui lui impose ce mariage, l’anecdote est-elle bien retenue ?
Inconnu 2
Que le roi d’Espagne ne voulait uniquement libérer ses frères que s’il se mariait avec sa soeur.
Annie Delmont
Autre monument témoin de cette page d’histoire, la maison forte de Tampouy où logeront la nuit du mariage la suite de François Ier et d’Eléonore.
Jonquères (d’) Oriola
Au fond, François Ier, qui avait voulu que son mariage dans ce département reste secret, finalement, de ce point de vue-là, n’a pas réussi puisque 500 ans plus tard, on en reparle à l’occasion d’une journée nationale du patrimoine. Cette journée pourra servir un petit peu de détonateur et d’une prise de conscience de la part de la population générale et aussi de la part des responsables, et bien, de l’intérêt qu’il peut y avoir à sauvegarder ces témoignages de notre histoire.