5 communes de Chalosse se mobilisent pour garder la tournée du facteur à Habas

15 décembre 1995
01m 45s
Réf. 00753

Notice

Résumé :

5 communes de Chalosse se mobilisent pour le maintien de la tournée du facteur, Marcel LAROTURE. Une restructuration de la distribution du courrier et la fermeture de postes ruraux, sont prévues par l'administration, ce qui suscite des mécontentements. En particulier chez les personnes âgées qui sont rassurées par la venue quotidienne du facteur. Reportage avec interview du facteur et de Jean Lalane, manifestant contre l'administration. Microtrottoir avec une personne âgée du village d'Habas.

Date de diffusion :
15 décembre 1995
Source :
FR3 (Collection: JT Aquitaine )
Personnalité(s) :

Éclairage

C'est dans le contexte sociopolitique très mouvementé de la fin de l'année 1995 (1) que se pose la question de la fermeture de bureaux de poste en Chalosse.

En effet, Jacques Chirac, élu Président de la République depuis le 17 mai, a nommé pour premier ministre Alain Juppé qui engage un programme chargé de réformes visant in fine à réduire les dépenses de l'État : au premier plan, allongement de la durée des cotisations pour la retraite et résorption des déficits de la sécurité sociale.

Face à la politique du premier ministre, une fronde s'élève ; du jamais vu depuis 1968 ! « Tous ensemble ! » est le slogan de grévistes qui s'opposent à des réformes qu'ils estiment injustes et propres à aggraver le sort des plus fragiles, en contradiction avec la campagne du candidat Chirac, fondée notamment sur la réduction de la "fracture sociale". S'attendant en effet à une "pluie de subventions" (2), les Français ne comprennent pas la politique d'austérité qui s'annonce en réalité, les reculades sur le plan social et surtout la réforme d'institutions établies.

La Poste, qui est avant tout un service public puisant ses origines, au début du XVIIe siècle, dans la création de la « poste aux lettres » dirigée par un surintendant général, pâtit des réformes de ce "plan Juppé" visant à appliquer au secteur public des règles en vigueur dans le privé. Cela passe par la concurrence, la rentabilité et la recherche du profit.

Or, que ce soit du temps des PTT (Postes, Télégraphes et Téléphones) ou, depuis janvier 1991, après la réforme séparant Poste et Télécoms en deux entreprises autonomes, la distribution du courrier est un service de première importance – certes – mais aussi un facteur de lien social, principalement en milieu rural où l'habitat est dispersé. Les projets de "restructuration" de cette distribution suscitent donc, à juste titre, la plus grande inquiétude dans ces campagnes marquées par un net vieillissement de la population et saignées par des décennies d'exode vers les villes ; des villes où l'on déplore depuis déjà bien longtemps le manque d'humanité.

Juste avant l'émergence du courrier électronique qui entraîne un effondrement de la distribution traditionnelle à la fin des années 1990 et cinq ans avant l'ouverture à la concurrence, on peut dire que La Poste est à son apogée dans ses fonctions ; Monsieur Laroture, facteur à Habas, a donc toutes les raisons de déplorer le surcroît de travail et les difficultés qu'il rencontre pour maintenir son rôle d'interface entre les anciens et le monde extérieur.

(1) Trat (Josette), "Retour sur l'automne chaud de 1995", Cahiers du Gedisst, n° 18, 1997.

(2) Revel (Jean-François), "La France est sur-Etatisée mais sous-gouvernée", dans Le Figaro, 15 février 1996.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Journaliste
Voilà plus de 15 ans que Marcel Laroture effectue la même tournée autour de Habas. 245 boîtes aux lettres sur les 65 kilomètres de son périple quotidien. Le passage de Marcel est souvent la seule visite de la journée pour les nombreuses personnes âgées vivant seules dans des maisons isolées.
Inconnue
Si vous ne veniez pas m’apporter toutes ces choses-là, je ne sais pas comment je ferais. Ce serait la maison de retraite, et je n’y tiens pas.
Journaliste
Toujours prêt à rendre le moindre service, Marcel regrette de devoir écourter des conversations souvent à peine engagées avec ses clients familiers.
Marcel Laroture
Il me semble que j’ai de moins en moins de temps, vu le volume de courrier qui s’amoncelle, enfin, on en a, je pense, de plus en plus. Et on a vraiment, c’est vrai, le moins de temps possible maintenant.
Journaliste
A l’image de Jean Lalane, les 3 000 habitants des cinq communes concernées par ce projet de restructuration de la distribution du courrier organisent leur résistance face à l’administration ; à qui l’on reproche son manque d’humanité pour des motifs de rentabilité.
Inconnue
Une fois, je me suis sentie mal, je n’avais pas de téléphone, il ne marchait pas. Et c’est lui qui a averti mes voisins. Alors, c’est vous dire à quel point pour des personnes âgées isolées pour qu’elles restent chez elles, le facteur est indispensable.
Intervenant
A terme, en créant la fermeture des postes rurales. Et Habas en particulier avait fait un effort important il y a 20 ans pour construire sa poste, qui devait à l’époque partir. On l’a construite de nos propres deniers. Et maintenant, ça nous ferait beaucoup de mal si elle partait ailleurs.
Journaliste
Ici demain matin, à l’inverse de ce qu’on a vu ces derniers jours en France, les usagers organisent une manif pour soutenir leurs cinq fonctionnaires de la Poste ; que l’on redoute de voir partir pour le chef-lieu du canton.