La gestion des communes forestières dans les Landes

08 octobre 1981
04m 22s
Réf. 00754

Notice

Résumé :

Dans la Haute Lande, la gestion des communes forestières pose des problèmes. Ces communes retirent l'essentiel de leurs revenus des impôts sur la forêt quand elles ne possèdent pas suffisamment de bois elles mêmes. Reportage et interviews d'élus : le Maire de Callen, le Maire de Le Sen, le député des Landes.

Date de diffusion :
08 octobre 1981
Source :

Éclairage

La forêt française a longtemps été considérée comme un "bien commun" qui n’avait pas de maîtres mais des usagers. La notion de propriété a, de ce fait, beaucoup de mal à s’affirmer jusqu’au milieu du XIXe siècle.Dès 1346, des lois visent en effet à protéger une ressource économique considérable pour les rois et les seigneurs propriétaires forestiers puisque les guerres sont largement financées, depuis le Moyen Âge, par la vente de bois. Entre les XVe et XVIIe siècles, la forêt est ensuite très exploitée car elle constitue une source d’énergie essentielle pour le chauffage, les forges, les verreries et les tuileries ; sans oublier la construction navale. De ce fait, il ne reste, en 1850, que 7 à 8 millions d’hectares de forêt en France (1).À partir de 1827, de nouvelles mesures de protection limitent donc le défrichement et des actions de reboisement sont menées par l’État. De nombreuses forêts, jusqu’alors utilisées par les communautés rurales pour faire paître les animaux d’élevage ou prélever du bois de chauffage selon des "droits d’usage" (2) sont dorénavant confiées à l’Administration des Eaux et Forêts devenue en 1966 Office National des Forêts. Celle-ci met alors en œuvre des pratiques de gestion durable (3).En parallèle, les pressions sur les zones boisées diminuent avec l’arrivée de nouvelles sources de combustibles et l’exode rural. La forêt se reconstitue dès lors peu à peu et s’étend naturellement dans les secteurs où elle avait été éliminée, grâce à de nouveaux boisements. Le Second Empire marque le lancement de grands travaux, notamment le boisement des Landes de Gascogne et de la Sologne, dans une volonté d’assainissement et de rentabilisation de ces espaces défavorisés (4).Dans la seconde moitié du XXe siècle, entre 1946 et 1999, l’État, par le biais du fonds forestier national, accorde des aides aux particuliers et aux communes pour reboiser et lancer ou relancer la sylviculture.Dès lors, on comprend que, dans le département le plus boisé de France, où le pin maritime joue un rôle prépondérant dans l’économie, on soit attentif aux décisions prises en haut lieu en matière de gestion forestière. Car, en 1981, la situation n’est pas brillante dans la Grande Lande où le déclin démographique a vidé de sa substance un territoire qui ne s’est pas vraiment encore remis des dommages causés par les grands incendies des années 1940 (5). De fait, "l’argent manque" : les rentrées fiscales sont faibles du fait de la composition d’une population rurale vieillissante aux faibles revenus et les recettes engendrées par les communaux diminuent alors que l’activité de gemmage devient anecdotique.L’espoir des élus se porte donc, quelques mois seulement après l’élection du premier gouvernement socialiste de la Ve République, vers l’État et les retombées des mesures prises dans le courant du mois de juillet en faveur des agriculteurs dans le cadre des "110 propositions" proposées par Pierre Mauroy (6).

(1) À titre de comparaison, le massif forestier aquitain (Gironde, Landes et Lot-et-Garonne), couvre, à son apogée, 1 million d'hectares.

(2) Ces droits d'usage ancestraux perdurent d'ailleurs dans les forêts "usagères" de La Teste et de Biscarrosse.

(3) Chalvet (Martine), Une histoire de la forêt, Le Seuil, Paris, 2011.

(4) Sargos (Jacques), Histoire de la forêt Landaise, L'Horizon chimérique, Bordeaux, 1997

(5) http://wwwv1.agora21.org/ari/doc2005/rapport-Jullien-Lemarie.pdf(6) http://www.lours.org/default.asp?pid=307

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Présentateur
Nous ne quittons pas les Landes et nous abordons le problème de la forêt, plus particulièrement celui des communes forestières. La gestion de ces communes pose des problèmes dans la mesure où, comme c’est le cas dans la Haute Lande ; elle tire parfois l’essentiel de leur revenu des impôts sur la forêt quand elles ne possèdent pas suffisamment de bois elles-mêmes. Sur ce sujet, Philippe Blouit a interrogé Roger Rouchaleou qui est le maire de Callen, Claude Lafitte qui est le maire du Sen ; et Roger Duroux le député des Landes qui est chargé d’un rapport par le premier ministre, un rapport bien sûr sur l’état de la forêt française.
Roger Rouchaleou
La commune de Callen, c’est une commune à vocation forestière uniquement. Toutes les petites exploitations agricoles qui existaient sont quasiment anéanties depuis la guerre et n’ont pas repris.
Journaliste
Il y a combien d’habitants ?
Roger Rouchaleou
Il y a 129 habitants au dernier recensement.
Journaliste
Pour une superficie ?
Roger Rouchaleou
De 8 600 hectares.
Journaliste
Donc, c’est la forêt qui fait vivre la commune.
Roger Rouchaleou
C’est la forêt.
Journaliste
Des 8 660 hectares en effet que compte la commune, près de 7 000 sont consacrées à la faune. La commune elle-même est propriétaire de 459 hectares et l’on gemme encore sur son territoire, car elle emploie pour ce faire un métayer.
Roger Duroux
La forêt landaise a une très bonne réputation, c’est incontestablement l’un des massifs qui, dans son ensemble, est le mieux géré. Il n’est pas sûr que toutes ses parties le soient bien. Et en particulier, les séquelles des incendies des années 40 qui ont touché près de 450 000 hectares, à l’heure actuelle, nous laissent une partie bien gérée, parce qu’elle a bien démarré ; une partie qui a souffert et c’est de l’ordre de 150 000 hectares d’ensemencement en pins maritimes originaires du Portugal, qu’il a fallu détruire ; parce qu’ils n’étaient pas dans une situation de pouvoir se développer sous notre climat, et qu’il a donc fallu reconstituer, qui ont été parfois pas mal reconstitués. Bref, il y a dans ces 450 000 hectares incendiés dans les années 40 une partie importante qui, à l’heure actuelle, est moyennement productive ou plus ou moins gravement sous-productive.
Journaliste
Ce dernier cas, c’est hélas celui comme tant d’autres de Callen.
Roger Rouchaleou
Il y a un manque à gagner, parce qu’il ne faut pas oublier qu’il y a les 3/4 de la commune qui bénéficient de l’exemption trentenaire. Et de ce fait, c’est un manque à gagner pour la commune.
Journaliste
Le Sen, en 1977, était pourtant encore dans une situation plus grave. Il n’y avait plus sur ses 5 000 hectares que 92 habitants.
Claude Lafitte
La commune avait, si vous voulez, commencé à disparaître. L’école avait fermé ses portes, l’agence postale avait été supprimée. Il restait trois jeunes agriculteurs dans le village. Et c’est à partir de là que nous avons décidé de créer des exploitations agricoles. Mais ce que nous avons voulu faire, c’est surtout des exploitations familiales.
Journaliste
Cela a été possible dans le cadre du schéma d’aménagement de la Haute-Lande avec le financement de la compagnie d’aménagement régional d’Aquitaine. Et aujourd’hui, le Sen a 127 habitants. Des transformations de ce type doivent être possibles dans d’autres communes de cette Haute-Lande.
Roger Duroux
Elles ne le savent pas toutes.
Journaliste
Mais pour faire, comme on dit, bouillir la marmite, l’argent manque la plupart du temps. Les exemptions privent les communes d’une part importante de leurs ressources, tandis que leurs frais s’accroissent.
Claude Lafitte
La commune du Sen a investi 110 millions de centimes en trois ans sur les routes de notre village. Alors vous voyez, pour un petit budget de 30 millions de centimes, il y a un petit peu ce que ça peut coûter.
Roger Rouchaleou
Que l’Etat il s'honore, mais qu’il le compense.
Journaliste
Le fera-t-il ? La réponse appartient aujourd’hui au gouvernement qui devrait tenir compte de l’opinion de celui qui a été chargé par le premier ministre du rapport sur la forêt.
Roger Duroux
On peut dire que parmi les communes forestières françaises, les communes forestières landaises sont parmi celles qui ont le plus mérité de la forêt.