L'usine Massey de Marquette

06 avril 1955
02m
Réf. 00017

Notice

Résumé :
Extrait d'un documentaire réalisé en 1955 sur l'usine Massey Ferguson de Marquette-lez-Lille qui employait alors des milliers d'ouvriers. Elle était née pour répondre aux besoins accrus des agriculteurs et fabriquait des machines agricoles.
Type de média :
Date de diffusion :
06 avril 1955
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Thèmes :

Éclairage

L’usine Massey Ferguson de Marquette-lez-Lille aura constitué, durant toutes les Trente Glorieuses, et jusqu’à sa fermeture définitive en 1984, un véritable bastion du syndicalisme ouvrier et des luttes sociales dans l’agglomération lilloise. Dans les années 1950, à ses plus belles heures, l’entreprise industrielle, qui produit des moissonneuses-batteuses, des ramasseuses-presses, des cabines et autres pièces pour tracteurs, compte plus de 3 000 salariés. Le site est immense, avec une chaîne de production complète : fonderie, moulage des pièces, montage. "Un bagne !", lâche un ancien salarié, "les ouvriers ont d’abord été payés à la pièce. Ensuite, la règle a changé : il fallait usiner un nombre fixe de pièces par jour pour avoir sa paie". La solidarité et les luttes collectives tentent de contrebalancer des conditions de travail difficiles : les mêmes gestes, dans le bruit, l’odeur, la lumière électrique.

Dans les années 1960, la mécanisation des agriculteurs progresse et le machinisme agricole commence à entrer en crise de surproduction. Partout dans le monde, les usines Massey Ferguson subissent d’importantes réductions d’effectifs, celle de Marquette va ainsi perdre cinq cents emplois. Autour, le contexte économique local n’est pas meilleur : entre 1954 et 1975, 11% de l’emploi salarié industriel régional disparaît. Les luttes ouvrières semblent impuissantes à endiguer la crise. Pourtant la CGT s’organise, sa stratégie de syndicalisation "de masse" lui permet de passer de 400 à 1 300 adhérents dans l’usine, entre 1962 et 1965. En Mai 1968, les salariés suivent le mouvement de grève générale. Un syndicaliste se rappelle des "deux magnifiques drapeaux rouges qui sont hissés. C'est un moment historique". On vote l'occupation de l'usine pour plusieurs semaines.

Mais l’entreprise continue à supprimer des emplois et à fermer des sites, celui d’Eschwege (Allemagne) en 1971, et de Kilmarnock (Ecosse) en 1980. Ils préfigurent le sort de l’usine de Marquette. En 1979, ce sont encore 240 licenciements qui sont décidés ; en 1982, des ateliers et la fonderie sont fermés ; en 1983, 595 licenciements sont annoncés, et en 1984, la fermeture définitive est actée… Les Massey Ferguson ralentiront le départ du Tour de France (finalement décalé à Wambrechies) ; 900 personnes, dont des familles entières, se rendront à Paris pour le comité d'entreprise ; l'intersyndicale occupera l'usine ; les moissonneuses et tracteurs défileront ; le directeur sera séquestré ; les syndicalistes, enchaînés à l’escalier d’honneur de la mairie de Lille ; ils interrompront le conseil municipal, feront irruption dans le bureau de Pierre Mauroy. En vain.

Des entrepôts ont, aujourd’hui, remplacé les ateliers. Et, pour combler l’immense vide laissé par l’entreprise, d’anciens salariés, syndicalistes, acteurs des luttes, se sont engagés dans un important travail de mémoire. Dans le cadre de l’association Mémoire ouvrière du machinisme agricole, Auguste Parent, Comminois entré à Massey Ferguson en 1955, a écrit l’histoire de l’usine. Son travail se fonde sur un important fonds de documents (couvrant la période 1946-1998), déposé au Centre des Archives du monde travail. Un film, tourné par Gilles Balbastre et Jérôme de Missolz, La saga des Massey Ferguson, et diffusé sur Arte en 1997, vient compléter ce récit, en racontant le destin de quatre ex-ouvriers, et militants, de l’usine. En 1994, dix ans après la fermeture, au moins deux cent cinquante anciens salariés étaient présents pour assister à une exposition, un colloque, et pour participer à un défilé avec banderoles devant l’ancien site Massey Ferguson. En 2014, trente ans après, ils étaient encore une quarantaine dans la salle des fêtes de Marquette pour entretenir la mémoire de leurs luttes passées.

L’entreprise canadienne Massey-Harris s’était implantée à Marquette-Lez-Lille en 1926. Elle entendait résister ainsi à une entreprise américaine concurrente, et le site présentait d’indéniables avantages du fait de la présence de chemins de fer, et de la proximité de l'agglomération urbaine de Lille et des pays de l'Europe du Nord. En 1953, Massey-Harris s’était regroupée avec la société britannique Harry Ferguson pour devenir Massey Ferguson. En 1981, le trust était devenu une société du groupe Varity, avant d’entrer dans le groupe américain AGCO en 1994. Aujourd’hui troisième constructeur mondial de tracteurs (110 000 par an), sa principale usine continue de se situer en France, à Beauvais dans l’Oise.

 
Sources :

- Versement d’archives du Syndicat CGT des métaux de Marquette aux Archives du Monde du Travail, Roubaix, 1995.

- Sur l’histoire de Massey-Ferguson : http://www.machinisme-agricole.wikibis.com/massey_ferguson.php
Massey-Ferguson, souvenirs à la chaîne : https://fr.news.yahoo.com/massey-ferguson-souvenirs-%C3%A0-cha%C3%AEne-160626957.html
 
A voir :  La saga des Massey-Ferguson , documentaire de Gilles Balbastre et Jérôme de Missolz, 1997.
Fabien Eloire

Transcription

(bruit)
Journaliste
Voici une usine. Elle est née pour répondre aux besoins accrus des agriculteurs en machines agricoles. Elle ne fabrique que des machines agricoles, depuis le râteau-faneur jusqu’à la moissonneuse-batteuse. Elle représente un capital immobilisé de l’ordre de plusieurs milliards.
(musique)
Journaliste
Elle emploie plusieurs milliers d’ouvriers et d’employés, dont le sort dépend de la vente du matériel fabriqué. Vu de l’extérieur, son fonctionnement est très simple. Il y entre de la matière première sous la forme de centaine de tôles, d’aciers, de fontes et de fers. Et il en sort des produits finis au rythme correspondant à celui de la demande. Une moissonneuse-batteuse pour Monsieur Durand à Magny-en-Vexin, la voilà. Il suffit de l’emballer, de la fixer sur le wagon qui l’emportera presque jusqu’à la porte de celui qui l’a commandée.
(musique)
Journaliste
Les tracteurs, les voici, livrés comme de simples colis postaux. Les voici encore, rangés comme des jouets dans la cour de l’usine, prêts à apporter la prospérité ou les déboires à ceux qui les attendent, suivant qu’ils seront bien ou mal utilisés. Et voici ce matériel enfin partant vers sa destinée, aux quatre coins de France, vers des fermes petites ou grandes, vers des terres fortes ou sablonneuses, vers leur futur propriétaire.
(musique)