Les Tricots Duger à Linselles

17 mars 2009
03m 24s
Réf. 00025

Notice

Résumé :
Portrait d'une des dernières entreprises françaises à tricoter ses pulls en France. Situés à Linselles près de Lille, les Tricots Duger fabriquent des pulls depuis plus d'un demi siècle. Cette bonneterie, c’est l'histoire d'une famille, les Dupé, devenus fabricants de pulls en 1954 avec une première machine à tricoter automatisée. Aujourd'hui, ils sont huit à travailler ensemble.
Date de diffusion :
17 mars 2009
Thèmes :
Lieux :

Éclairage

L’entreprise Duger voit le jour en 1954, à un moment d’apogée, mais aussi de bascule, pour l’industrie textile dans la région Nord-Pas-de-Calais. En cinquante ans, le nombre d’emplois dans ce secteur passe en effet de 170 000 à 12 000 postes. Pas étonnant que la petite entreprise de bonneterie et tricots, fondée à Linselles par Maurice Dupé, se vive aujourd’hui comme une survivante.

L’entreprise est à la fois familiale et régionale. Familiale, car plusieurs générations s’y sont succédées et ce sont bien les membres de la famille Dupé qui y occupent, aujourd’hui encore, les postes clés, à l’image de la carte d’identité économique de l’entreprise qui indique : Pierre-Yves Dupé, gérant et directeur financier ; Jean Dupé, gérant ; Didier Dupé, directeur marketing ; Jean-François Dupé, responsable achats et informatique ; Sylviane Dupé, responsable RH et commercial. Régionale, car ayant fait le choix de rompre il y a une vingtaine d’années avec la grande distribution pour laquelle elle était sous-traitante, l’entreprise Duger a ouvert, depuis, ses propres boutiques dans le Nord : elles sont au nombre de cinq, dont la dernière ouverte dans le Vieux-Lille en 2015. La maison Duger, c’est actuellement 120 salariés et 1200 m²  dédiés à la production annuelle, 100% française, de 150 000 pulls.

Dans les années 1950, la création de Duger intervient dans un contexte hautement favorable : Linselles, commune de 5 500 habitants à l’époque (aujourd’hui, 8 000) est située à 12 km de Lille et à 6 km Tourcoing. Depuis le XIXe siècle, sous l’influence des industriels de Lille, Roubaix, Tourcoing, le village est devenu petite ville textile. Ainsi, vers 1860, est par exemple créée une petite filature de lin appelée Hennion & Cie, bientôt associée à la famille lilloise Descamps ; l’activité cessera plus de cent ans plus tard, en 1967, pour laisser place à Peaudouce, fabricant de couches pour bébés. Vers 1870, ce sont les établissements Boutemy frères qui construisent des filatures de lins, d'étoupes, de chanvre et de ramie. Vers 1900, les établissements Masurel & Cie s’implantent et créent un tissage de coton, qui sera ensuite rattaché à l’entreprise Boussac-Saint Frères, avant de fermer en 1987. Dans les années 1960, plus de la moitié des actifs recensés à Linselles travaillent dans le textile dont les trois quarts sur la commune.

En dépit de son inexorable déclin, l’industrie textile reste une composante de l’industrie régionale (12 000 emplois) : en 2013, le Nord-Pas-de-Calais est la troisième région textile française (derrière l’Ile de France et Rhône Alpes) ; huit salariés sur dix travaillent dans la fabrication ; plus de la moitié de ces emplois sont localisés sur la métropole lilloise, et plus particulièrement, près de 40% d’entre eux sont situés au nord de celle-ci, dans la zone dite de la "vallée de la Lys", l’un des trois pôles historiques du textile métropolitain (avec Lille et Roubaix-Tourcoing) où se trouve justement Linselles.

Le vecteur de croissance que les experts ont identifié pour l’avenir du secteur est celui des textiles dits "techniques", produits innovants, complexes et sophistiqués, dont le développement est structuré autour du pôle de compétitivité Up-Tex basé à Marcq-en-Barœul. Là encore, avec ses marques et ses gammes de tricots traditionnels pur laine, Duger contraste dans le nouveau paysage. Depuis sa décision de sortir de sa position de sous-traitant pour la grande distribution, et bien que placés sur un créneau proche de l’entreprise Phildar (enseigne historique de la famille Mulliez), la stratégie de l’entreprise linselloise n’a semble-t-il que peu varié : plutôt que d’accepter une réduction sans fin de ses prix, et donc de ses coûts et de la qualité de ses produits sous la pression constante de la mondialisation, elle a fait le choix de miser sur son savoir-faire familial "pour ne pas disparaître".


sources :

Horizon Eco, La filière textile-habillement en Nord-Pas de Calais, n°127, 2013. 

Francis Dudzinski, "SCA : de la filature de la Vignette à l'usine de couches retour vers une longue histoire de tous ceux qui ont participé à la création de la marque Peaudouce", L'Eco du Nord, 2007.
Fabien Eloire

Transcription

Présentateur
Ils font figure de village d’Astérix, au cœur de l’hécatombe qui frappe la filière textile. A Linselles, les tricots Duger résistent face à l’invasion asiatique, mais pour combien de temps encore ? Voici le portrait d’une des dernières entreprises françaises à tricoter ses pulls en France. Elles ne sont plus que six. Florence Mabille et Frédéric Hénaut y ont découvert un véritable esprit de famille.
Journaliste
Les tricots Duger, ce sont les clientes qui en parlent le mieux.
Inconnue 1
On est bien, c’est confortable, c’est facile à laver, c’est…, il y a tous les avantages.
Inconnue 2
Ça dure des années les tricots Duger. Voilà, j’ai tout dit.
Journaliste
Depuis plus d’un demi-siècle, cette bonneterie familiale située à Linselles près de Lille fabrique des pulls près de 150 000 par an soit 10 % de la production française. Ici, seules les bobines viennent d’Italie et d’Espagne, tout le reste se fait sur place jusqu’au stylisme ou le bon sens fait loi.
Axelle Cattoires-Dupé
On essaie d’être le plus proche possible de ce que Madame tout le monde voudrait avoir. Il y a longtemps que vous n’avez pas fait de vert, bon ben, la prochaine fois, on essaiera de mettre du vert. Et puis vous ne faites plus des articles avec du coton, vous ne faites plus des articles avec de la laine. On essaie d’être à l’écoute et de suivre la demande tout en essayant d’être le plus logique par rapport à ce qu’on peut percevoir dans la mode.
Journaliste
Les tricots Duger ou l’histoire d’une famille les Dupé devenue fabricants de pulls en 1954 avec cette première machine à tricoter automatisée par le fondateur Maurice Dupé.
Pierre-Yves Dupé
C’est une machine qui est une machine à main, qui a été conçue pour mon oncle donc qui était malade, par mon père qui a motorisé la machine avec des pièces de bric et de broc. Il était en fait, mécanicien auto et il savait se débrouiller pour faire ce que son frère voulait exactement au niveau du tricotage.
Journaliste
Aujourd’hui, ils sont huit Dupé, frères, sœurs, belle-sœur, fils à travailler ensemble. Depuis 20 ans, l’entreprise ne sous-traite plus pour la grande distribution, mais commercialise dans ses enseignes sous sa propre marque. Le métier n’est pas simple, la concurrence chinoise toujours plus vive. Pas de quoi décourager les 120 salariés eux aussi parfois issus d'une même famille.
Marie-Christine Decottigny
J’ai ma sœur qui est là-bas, Monique, j’ai trois nièces, deux sœurs aussi. Donc, il y a Dorothée et Marie-France qui sont sœurs, j’ai une autre nièce qui est Audrey qui est la fille de Monique là-bas.
Monique Delachapelle
On n’espère pas hein, on croise les doigts, on fait tout pour. En espérant que ça tienne encore. On n'est plus nombreux quand même hein, dans le nord.
Journaliste
Pas de service commercial, des frais logistiques réduits au minimum, des pulls de qualité vendus à des prix honnêtes, les tricots Duger font figure de dernier des Mohicans. La France ne compte plus que six entreprises à tricoter des pulls. L’avenir, son PDG très polyvalent le voit avec un pessimisme serein.
Pierre-Yves Dupé
Quand on a arrêté avec la grande distribution, on pouvait déjà se retrouver au tapis. Tous les autres ont disparu il y a 20 ans. On a tenu 20 ans de plus que les autres, mais on aura fait tout ce qu’on pouvait parce qu’on a reçu une mission qui est de nos parents. On a appris ce métier-là, on est tous dans ce métier-là. Et puis il faut aller jusqu’au bout. On est responsable de gens, de personnes dans notre atelier, des familles même, vous avez vu par vous-même. On est responsable des gens, il faut les accompagner le plus longtemps possible.