Les lofts à Roubaix

15 octobre 2005
08m 03s
Réf. 00088

Notice

Résumé :
Enquête à Roubaix qui est devenue la capitale du loft dans le Nord. Peu a peu, les anciennes usines se transforment en lofts ou en restaurants branchés réservés à une clientèle triée sur le volet.
Type de média :
Date de diffusion :
15 octobre 2005
Lieux :

Éclairage

Les clameurs se sont tues. Roubaix, de ville aux mille cheminées, est devenue la capitale du loft dans le Nord. Le reportage date de 2005, en pleine période d’effervescence immobilière pour la transformation des usines en logements. Le modèle du loft nous vient des USA où, dès les années 1960, une classe aisée et bohème réinvestit le quartier de Soho à Manhattan et s’empare des plateaux d’usines pour les convertir en ateliers et logements. Le mouvement atteint l’Angleterre puis la France à la fin des années 1970. Le premier exemple dans la Métropole est la transformation de l’usine Le Blan à Moulins-Lille en 100 logements HLM et vastes espaces de service. Très médiatisée, cette opération déclenche un intérêt pour la reconversion du patrimoine industriel que l’on avait trop tendance à éliminer.

A Roubaix, des promoteurs avisés s’emparent du phénomène et se lancent dans le repérage des fabriques abandonnées pour donner une nouvelle vie aux bâtiments. Quelquefois même, le démarchage se fait auprès d’ateliers encore en activité mais où l’emplacement et la taille des locaux permettent d’envisager des projets et une rentabilité rapide. La municipalité voit d’un œil complaisant la création d'une mixité sociale "à l’envers" dans une ville stigmatisée par la crise et en voie de paupérisation. Jean-François Boudaillez, alors conseiller au patrimoine à la Mairie de Roubaix, nous précise qu’en huit ans, les prix de l’immobilier ont triplé en partie grâce à l’effet levier des lofts. A environ 120 000 euros pour 100 m², prix auquel il convient d’ajouter 600 euros le m² d’aménagement, le coût global reste très attractif. Une classe sociale jeune et créative qui se reconnaît dans la culture et le patrimoine, est aidée par des promoteurs et maîtres d’œuvre, architectes et designers, qui se sont fait une spécialité de la découpe des plateaux d’usine et de leur transformation. La ville aux mille cheminées devient la ville aux mille lofts. Patrimoine et innovation sont au rendez-vous de la transformation urbaine.

Deux ouvrages sont parus depuis cette émission, qui font le point sur la transformation du patrimoine industriel dans la métropole lilloise : Lofts et espaces ouverts dans la métropole lilloise de Geoffroy Deffrennes aux éditions Degeorge en 2011, nous fait entrer dans l’intimité des logements. Métamorphoses, la réutilisation du patrimoine de l’âge industriel dans la métropole lilloise, ouvrage collectif à l’initiative de l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole, est paru en 2013 aux éditions Le Passage. Il se réfère davantage aux mutations du paysage urbain à travers les nombreuses réhabilitations des lieux industriels.
Dominique Mons

Transcription

Isabelle Rettig
Habiter un loft, voilà une solution très tendance qui séduit de plus en plus de citadins, et la capitale du loft dans le Nord, depuis 5 ans, eh bien, c’est Roubaix. Après avoir subi une grave crise industrielle, la ville aux 1000 cheminées retrouve peu à peu une population qui l’avait désertée. La Mairie parie même sur un renouveau culturel et Roubaix séduit les bobos, les bourgeois bohèmes. Peu à peu, les anciennes usines se transforment en lofts ou en restaurants branchés, réservés à une clientèle triée sur le volet. Setti Dali et Jean-Marie Barféty nous font découvrir ces nouveaux lieux à la mode.
(musique)
Hugues Meurisse
On va se promener un peu, hein, ok ! Est-ce que vous vous sentez bien à la Teinturerie, oui, ça vous plaît bien ?
Inconnu 1
Oui, ça nous plaît bien.
Hugues Meurisse
Oui, ok ! Pour faire des événements, on est d’accord, hein !
Inconnue
Oui, ben justement…
Inconnu 2
C’est plus que 70 personnes.
Hugues Meurisse
Nous, on est disposés, on va faire un effort, hein !
(musique)
Hugues Meurisse
Pour moi, c’est le plus beau lieu que je pouvais imaginer, parce qu’on est dans une ancienne usine, on a des gens qui viennent de partout, de Paris, de Londres. Là, on fait un anniversaire d’une fille qui travaille dans la mode à Paris, l’anniversaire se fait à la Teinturerie. Et les gens du Nord, de Lille, il n’y a pas de, on n’a pas d’endroit aussi décalé…
(musique)
(bruit)
Jean-Marc Vynckier
Nous sommes ici dans les anciennes salles de repassage de la société Rossel, qui était un bâtiment début du siècle, qui a été transformé donc en loft…
Setti Dali
Autrefois terres ouvrières, aujourd’hui temple de l’élégance et parfois du luxe, les usines sont devenues les muses des architectes designers, berceau d’une nouvelle forme d’habitat, les lofts.
Jean-Marc Vynckier
Tout ce qui a été rajouté, cloisons, ne vont pas jusqu’en haut, rien n’est fermé de façon à garder cette différence entre ce qui est nouveau et ce qui est ancien.
Setti Dali
Jean-Marc est un précurseur en la matière. Son premier loft, c’était il y a 22 ans. Comme un hommage à ces anciennes friches industrielles, il revisite les usines entre passé et présent.
Jean-Marc Vynckier
Ah, patron !
Philippe Lambaere
De neuf, ça va bien ?
Jean-Marc Vynckier
Donc, tout le monde est serré en plus !
Philippe Lambaere
Ah oui, mais j’ai tout là, tout, tout, tout, tout, tout ! Ça, c’est la tête du fondateur.
Jean-Marc Vynckier
Quelle année ?
Philippe Lambaere
1880, c’est la Teinturerie maintenant, avec ces cheminées qui existaient,
Jean-Marc Vynckier
Il était beau ce petit…
Philippe Lambaere
1947, là, on est chez toi.
Setti Dali
Mémoire du lieu, Philippe est l’ultime héritier de cette histoire industrielle. Derrière lui, cinq générations se sont succédées, il est le dernier témoin d’une délocalisation forcée. Promise aux bulldozers, l’usine est finalement rachetée par Jean-Marc. L’ancien patron, lui, redevient simple visiteur.
Philippe Lambaere
L’usine a été conservée, avec de grandes modifications puisque on est passé d’un outil production industrielle, entre guillemets, à un lieu d’habitation, mais le fond reste là, hein ! En arrivant en tout cas tous les matins par la porte de passage, c’est sûr qu’il y a quand même de vieux souvenirs. Et puis, dans le local ici, oui, j’ai des souvenirs, puisque j’ai travaillé à un poste de travail qui devait se situer là. Dans l’autre bâtiment là-bas, j’ai appris à presser.
(musique)
Franck Ottevaere
Donc là, vous voyez, le 1, quai du Sartel, c’est le premier programme roubaisien en loft.
(musique)
Franck Ottevaere
Ça, c’est l’ancienne friche Nollet qui a été requalifiée en douze plateaux.
(musique)
Franck Ottevaere
On va réaliser quarante plateaux dans cette ancienne corderie.
(musique)
Franck Ottevaere
Quand on va commercialiser, on va valider dans cet état là et on vendra dans cet état-là.
Setti Dali
Le recyclage d’usines, depuis quatre ans, Franck aussi surfe sur la vague du loft à Roubaix. Profession, agent immobilier, son business, repérer les fabriques abandonnées, partager le tout en lots. Un marché juteux, en 18 mois, Franck a vendu plus de 150 lofts, c’est 80 % de son activité immobilière. Dernière acquisition en date, cette filature encore en activité, car pour Franck, tout commence ici, l’art et la manière d’approcher les directeurs d’usines et surtout de négocier la cession.
Franck Ottevaere
Ces usines, souvent sont, appartiennent encore à des grandes familles du Nord, qui ont eu ça de leurs parents, de leurs grands-parents, de leurs arrières grands-parents, et donc, le sentiment, c’est toujours difficile à négocier.
Bernard Lepoutre
Ça fait mal quand même, il faut le dire, mais ça fait très plaisir. Tout ce bâtiment, ben, j’ai vécu dedans toute ma vie professionnelle, qui n’est pas terminée, attention. Mes parents aussi ont toujours vécu ici. Ça me fait quelque chose, ça me fait plaisir qu’il y ait une deuxième vie à ce bâtiment. Surtout que je crois que ça va être de très beaux lofts.
Franck Ottevaere
On va reprendre le plan de votre lot, vous avez le pilote qui est visualisé ici, juste à l’angle.
Benjamin Dhier
Oui, d’accord !
Setti Dali
Au milieu des vestiges portant encore les ultimes poussières de ce passé industriel, de jeunes propriétaires arpentent déjà le béton des usines. Un petit bout d’histoire long de 100 mètres carrés que Benjamin et Assia ont acheté pour 120000 €.
Benjamin Dhier
Ça apporte aussi un petit plus par rapport au neuf, donc ça permet de pouvoir façonner tout comme on le souhaite, vu que le plateau est nu à la base. Donc, choisir la disposition des pièces, leur taille, et aussi savoir que le bâtiment a une histoire et, mais qu’il y a déjà un siècle de vécu derrière.
Setti Dali
Pour aménager un plateau, il faudra compter plus de 600 € le mètre carré. Apanage des élites, le loft se démocratise auprès des classes moyennes.
Franck Ottevaere
Un exemple de système D dans le loft, 29 € le bureau.
Benjamin Dhier
Il a ciré en fait.
Franck Ottevaere
Oui, il a, il a verni.
Setti Dali
Autrefois ville aux 1000 cheminées, Roubaix ressuscite ses usines et captive une nouvelle population. Un véritable phénomène de mode, résultat, en huit ans, les prix de l’immobilier ont triplé.
Jean-François Boudailliez
Vous êtes en fait dans une ville, si vous voulez, extrêmement pauvre, la ville la pus pauvre de France, la ville où il y a le, où il y a le nombre de RMIstes le plus important en proportion. Bon, à partir du moment où on fait venir des classes solvables, vous recréez une mixité. C’est une mixité à l’envers, si vous voulez, la recréation d’une mixité à l’envers mais pourquoi pas ? Vous avez des communes où il faut absolument mettre des pauvres, à Roubaix, il faut absolument mettre, je vais dire, des riches ; enfin des riches, des solvables.
Jean-Marc Vynckier
Cette loft mania, aujourd’hui, où on vend des lofts à 100 mètres carrés pour des jeunes couples, effectivement, ou des gens, on en voit partout en ce moment, ça fleurit et surtout à Roubaix. 120 mètres, 100 mètres carrés où on va faire première acquisition, paraît-il que c’est social, ce n’est pas cher ; et on va habiter là-dedans et en fait, deux enfants, donc on va faire deux chambres et, ou trois chambres et puis, on va faire des cloisons et ça va revenir à un appartement dans un cadre industriel.
Setti Dali
Lofts HLM ou demeures de luxe, certaines usines peuvent aujourd’hui accueillir jusqu’à 70 lofts. Jadis victimes de la crise industrielle, c’est elles qui portent désormais l’espoir de faire renaître la ville.
(musique)