Alain Vanderveken, ancien mineur peintre naïf

07 octobre 1973
03m 14s
Réf. 00046

Notice

Résumé :

Découverte à Hersin-Coupigny, d'un peintre amateur, Monsieur Alain Vanderveken. Ancien mineur, son thème de prédilection est la mine. Il peint des paysages miniers ou encore les accidents quotidiens. Il a gardé un morceau de la dernière gaillette de la fosse 4 dans lequel il a réalisé une sculpture.

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Date de diffusion :
07 octobre 1973
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Éclairage

A la différence d'Augustin Lesage, "peintre-mineur-médium" figure de l'art contemporain, nombre de mineurs se sont adonnés à la peinture dans le plus complet anonymat. Monsieur Alain Vanderveken s'était fait connaître par ses pairs en participant régulièrement aux salons organisés par les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (HBNPC). Il avait été lauréat à l'exposition "La mine et ses peintres" organisée au musée d'art moderne de Paris en 1961.

Né à Carvin en 1914, sa famille est contrainte de quitter sa ville natale pendant le conflit de la Première Guerre mondiale pour s'installer à Hersin-Coupigny alors qu'il n'avait que 4 ans. Il a commencé à travaillé le 6 janvier 1928 à l'âge de 13,5 ans. Retraité, après 34 années passées au fond, touché par la silicose, il est resté un de ces "peintres du dimanche" dont les toiles et les sculptures, empruntant au genre naïf, recréent l'univers la mine et font ressurgir des paysages détruits par les guerres, les reconstructions et les réaménagements successifs. Dans le cas présent, le quotidien du travail à la mine et son environnement sont restitués : les accidents dus au grisou, les ordres donnés par les porions, les conditions d'abattage et d'extraction, la vie des corons.

Dans l'extrait, Alain Vanderveken, commente un de ces tableaux représentant un carreau de mine dont il ne reste aujourd'hui plus que la gare. Selon lui, un carreau de mine détruit est "un fantôme qui revient". Ce fantôme fait référence au souvenir de la mine, qui même détruite, reste bien présente dans les mémoires collectives. Cet ancien mineur aura dit-il ce souvenir "tout de temps de ma vie".

Agissant comme une sorte d'exutoire, cette activité de "loisir domestique" a souvent été encouragée par les HBNPC, avec la mise en place de clubs de peinture ou en mettant en scène les réalisations de ces anonymes à l'occasion de concours ou d'expositions. Œuvres amateurs qui s'inscrivent dans l'univers des représentations et de l'imaginaire miniers au même titre que la poésie, le roman, ou le cinéma, au-delà de cet "idéal-type" que constitue Germinal.

Olivier Chovaux

Transcription

Alain Vanderveken
J’ai jamais fait d’école, l’école c’était la mine, 13 ans et demi jusqu’à maintenant, jamais fait d’école. C’est venu tout seul comme ça, à force d'faire des dessins et toujours des dessins. Je suis né à Carvin et à l’âge de 4 ans on est venu rester ici, juste après la guerre de 18 quoi. Depuis ce temps-là, je reste ici et là j’ai commencé à travailler en 1928, 6 janvier, à l’âge de 13 ans et demi, et pendant 34 ans, j’ai travaillé là. Mais maintenant, tout est disparu ici, tout est abattu même ici, du côté de la gare ici, tout est détruit, il ne reste plus rien, plus que la gare. En somme, c’est un fantôme qui revient, hein! Tout ça c'est un souvenir que j'aurais tout le temps dans ma vie hein. Depuis 34 ans qu’on est là-dedans, attraper une maladie, la silicose, ça n’arrange pas les affaires, alors pour se distraire un petit peu, avec la peinture. Celui qui va repasser là, ça n’existe plus, alors ils verront... Plus tard, qu' il y avait une mine qui existait là. Oh, j’en fais quelques uns sujets, de surtout les lavabos, les mineurs de fond en cherchant le gaz, le porion faisant des instructions à ses ouvriers, pour la sécurité.
(Bruit)
Alain Vanderveken
D’abord, tous les jours, a m'on voyait son sang couler, caillou par-ci caillou par-là, sur la tête, les doigts. Nous, comme on a travaillé là-dedans, on sait ce que c’est.
(Silence)
Alain Vanderveken
Ça c’était un souvenir de la fosse 4, un morceau de charbon qui n’est pas parti au feu parce qu’on remontait du charbon en fraude pour… allez, parcequ'on n'en touche pas assez du charbon. Là j’ai gardé le dernier morceau de charbon de la fosse 4 et j’ai fait ça en grattant rien qu’avec une lame à rasoir. Autrement, faire découper ici avec la scie à métaux, en sciant un petit peu trois quatre coups comme ça, sauf que ça fait comme du goudron, alors la lame ne coupe plus. Alors t'es obligé de gratter tout avec une lame à rasoir, on dirait du brais mais c’est du charbon, oui. C’est le frottement qui a fait devenir la couleur comme ça. Je ne fais pas que des sujets sur la mine, ce sont des… machins, il faut éclairer avec du soleil, la mer, tout ça. Ça change un peu l'atmosphère. J’aime pas beaucoup faire des machins sur la mine parce que ça fait trop de souvenir hein! oh oui !