Les travaux de rénovation de la Maison syndicale des mineurs CGT à Lens

21 juillet 1994
01m 56s
Réf. 00127

Notice

Résumé :

La Maison des mineurs CGT à Lens, construite en 1911 et patrimoine du syndicalisme des mineurs dans le Pas-de-Calais est en cours de rénovation. Marcel Barrois, président de l'Union régionale des syndicats de mineurs CGT, interviewé devant le monument de Casimir Beugnet présente le projet de création d'un centre régional de la mémoire et du syndicalisme minier. Pierre Outteryck, historien, souligne la richesse des archives qui y sont conservées.

Date de diffusion :
21 juillet 1994
Source :

Éclairage

Unique en son genre, la Maison syndicale des mineurs du Pas-de-Calais, rue Casimir Beugnet à Lens, est un concentré de l'histoire des travailleurs du sous-sol.

Le projet éclot suite à la catastrophe de "Courrières" de 1906. Il prend forme au moyen d'une souscription lancée auprès des mineurs et de subventions publiques. 
Casimir Beugnet, trésorier du Syndicat des mineurs du Pas-de-Calais, collecte les fonds. La première pierre est posée l'année de son décès, en 1910 et l'inauguration a lieu en octobre 1911.
 Sise entre le centre ville et la fosse n° 2 de la Compagnie des Mines de Lens, la Maison arbore le style néo-classique prisé des républicains. Sa façade, en pierre blanche et briques, s'articule autour d'un porche dominé par un balcon pouvant servir de tribune aux orateurs et d'un fronton orné d'un bas-relief figurant trois mineurs au travail. Une cour rectangulaire avec un buste de Beugnet dessert les bureaux et le premier étage accueille une salle de réunion (1).

L'érection de cette fière bâtisse a une double fonction : montrer la puissance syndicale à une Compagnie dont les bureaux sont proches ; affirmer la force du “Vieux syndicat” de Basly et Lamendin face au “Jeune syndicat” de Benoît Broutchoux. Le lieu a d'ailleurs constamment été "l'enjeu de bien des batailles internes” (1).

La Grande Guerre lui cause de terribles dommages. Comme l'écrit alors le Grand écho du Nord : "La rue Casimir Beugnet et la Maison syndicale n'existent plus qu'à l'état de souvenirs". Elle est reconstruite en 1922-1923 au même endroit et selon le même plan, avec des agrandissements : siège du syndicat, elle abrite la rédaction et l'imprimerie de son journal, La Tribune des mineurs ; une maison la jouxtant a été achetée pour loger un permanent ; derrière la Maison est construite une salle d'une capacité de plus d'un millier de personnes. Des changements interviennent aussi à la Libération, avec l'installation de salles abritant un service juridique.

Mais la récession et l'étiolement du syndicalisme abîment la bâtisse, qui renaît comme lieu de mémoire. Des travaux sont en passe d'être engagés lorsqu'est diffusé ce reportage, à l'été 1994. Le président de l'Union régionale CGT des syndicats des mineurs, Marcel Barrois, y expose son projet culturel, appuyé sur une richesse archivistique rappelée par l'historien Pierre Outteryck. Sa réhabilitation réalisée, la Maison peut accueillir l'association "Mémoires et Cultures de la région minière", avant d'être classée en 1996 à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques.

La mue de ce symbole des combats ouvriers ne fait pas l'unanimité, sur fond de conflits politiques et syndicaux : "En 1998, la vieille querelle entre réformistes et "révolutionnaires", ici en l'occurrence deux groupes de communistes, a resurgi dans le Pas-de-Calais. La Maison des mineurs de Lens (...) a été investie, en janvier, par des "orthodoxes", majoritaires, de l'Union régionale des syndicats de mineurs. Huissiers, injures et brutalités sont venus à bout des occupants, dirigés par Marcel Barrois et Louis Bembenek, auxquels il est reproché d'utiliser les fonds syndicaux pour faire tourner des associations "fossoyeuses", notamment "Mémoires et Cultures", au lieu de mener des luttes dures pour la défense des veuves, de la Sécurité sociale et de la gratuité du logement" (2).

Aujourd'hui propriété de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, inscrite au classement de l'Unesco, la Maison, siège du Pays d'Art et d'Histoire, accueille des expositions et des archives. A l'enterrement de Marcel Barrois en juillet 2012, le député-maire de Lens Guy Delcourt, s'est plus à considérer que "sa grande victoire sera qu'elle devienne l'un des sièges de Mineurs du monde".

(1) Georges Sentis, “La Maison syndicale des mineurs du Pas-de-Calais à Lens”, Les Cahiers de l'Institut d'Histoire sociale Mines-Énergie, n° 29, octobre 2010, p. 62.

(2) Diana Cooper-Richet, Le peuple de la nuit. Mines et mineurs en France, XIXe-XXe siècles, Paris, Perrin, 2002, p. 329.

Stéphane Sirot

Transcription

Jean Hervé Guilcher
En 1911, c’est grâce à une souscription publique que le syndicat des mineurs construit à Lens son siège social. Aujourd’hui, c’est par le même moyen que la CGT entend rénover un bâtiment qui a gravement subi les outrages du temps. Seule différence, en 80 ans, on est passé de 50 000 adhérents sur le bassin minier à seulement 15 000 aujourd’hui. Il faut donc élargir la vocation du bâtiment.
Marcel Barrois
Le projet que nous avons élaboré, c’est d’une part de réhabiliter cette maison et de lui assurer une nouvelle perspective ; dans un projet de création d’un centre régional de la mémoire du syndicalisme minier et des traditions culturelles de cette région.
Jean Hervé Guilcher
Car cette bâtisse est le témoin de l’âge d’or du syndicalisme minier. Ces murs ont vu naître bon nombre des combats sociaux qui ont rythmé la vie du bassin minier au XXème siècle. Ici, on a imprimé les tracts et les journaux du syndicat. Ici dort la mémoire de toute une société et de toute une culture. Un patrimoine dont on mesure aujourd’hui la valeur. Grâce à la rénovation du site, le public pourra avoir accès à une vaste mine d’informations, jusqu’ici, inaccessibles.
Intervenant 2
Il y a des gisements d’archives chez les militants, chez les mineurs, chez les ouvriers. Dans toute cette population, il est bon que cette maison en soit le réceptacle.
Jean Hervé Guilcher
Les collectivités locales sont bien conscientes de l’intérêt actuel pour la mémoire du travail. On témoigne la constitution d’archives du travail à Roubaix. On témoigne ici l’engagement du Conseil général du Pas-de-Calais de financer un tiers des travaux. Le reste des 9 millions du projet viendra des adhérents, du public ou des collectivités. La CGT est sereine, l’argent, elle pense l’avoir. Les travaux pourraient donc commencer prochainement.
(Bruit)