Catastrophe de Liévin : les événements

27 décembre 1974
03m 13s
Réf. 00149

Notice

Résumé :

Résumé des événements de la journée suite à l'explosion intervenue à la fosse 3 dite Saint-Amé du siège 19 de Lens à Liévin. Témoignage d'un mineur et d'un responsable de la fosse : "il s'agirait d'un coup de poussière ; il est difficile de s'avancer." Témoignage d'un mineur qui était sur place et a participé aux secours. Déclaration de Monsieur Légeois des HBNPC : "cette explosion a concerné le quartier "Six sillons" (...) l'ensemble du personnel qui y travaillait soit une quarantaine de personnes en est victime".

Date de diffusion :
27 décembre 1974
Source :

Éclairage

Le 27 décembre 1974, à 6h30 du matin, un bruit sourd retentit au fond d'une galerie de la fosse 3 dite Saint-Amé du Siège 19 du groupe de Lens-Liévin à Liévin (Pas-de-Calais). Très vite, les autorités, les mineurs et leurs familles prennent conscience de la gravité potentielle de l'événement : pour tout le monde et avant même que la chose soit confirmée, il s'agirait d'un "coup de poussière", c'est-à-dire l'inflammation du poussier (poussières de charbon en suspension) à la suite d'un coup de grisou, certes limité, mais qui joue le rôle de détonateur. Et immédiatement, la terrible catastrophe dite "de Courrières " de mars 1906 qui avait entraîné le décès de 1 099 mineurs revient en mémoire de tous les présents.

Le carreau de la mine se trouve bientôt envahi par les proches en quête d'une quelconque information. On cherche en premier lieu à savoir à quel endroit exactement s'est produite la catastrophe : c'est un quartier de Six sillons qui a été touché, situé à 50 mètres en aval du niveau - 70, dans le secteur de la taille 31 qui allait être mise en exploitation. On en déduit vite le nombre de mineurs de fond potentiellement concernés, estimé à une quarantaine, dont le pronostic vital est engagé : au fond, l'explosion dégage une chaleur intense et consume tout l'oxygène disponible. Dans l'immédiat, il est cependant impossible de descendre porter secours aux éventuels survivants, en raison de la teneur en gaz encore présente dans l'atmosphère confinée de la mine (ce qu'un témoin résume d'un rapide "ça pue là-bas").

Les mineurs employés sur les tailles voisines sont bien vite mobilisés pour les secours mais leur aide demeure limitée. Ils n'en sont pas moins assaillis par les épouses et les proches des mineurs absents : on donne un nom, on demande des détails, on espère encore que le père, le mari, le fils en a réchappé. Il leur faut aussi sacrifier aux exigences de la télévision qui réclame leur témoignage, même s'ils n'ont pas grand-chose de précis à dire.

Vient ensuite le temps des explications techniques : l'ingénieur, pressé par la forêt de micros, confirme qu'il s'agit d'un coup de poussière et que le bilan (42 morts) est bien lourd. Il s'agit, dit-il, d'un "accident" ou plutôt d'une "catastrophe". Déjà à Liévin à la fosse 3 il y avait eu 9 morts en 1945, puis 10 dans un coup de grisou en 1957, et encore 21 à la fosse 7 en 1965. Mais là il s'agit bien de la plus importante depuis "Courrières".

L'arrivée en voiture du juge Pascal, de permanence ce jour là à Béthune et donc chargé d'instruire l'affaire, annonce les suites judiciaires.

Le montage du reportage enfin amplifie la dimension tragique de l'événement : débutant par le passage d'une civière recouverte, rythmé par l'angoisse des présents dans le vent et les bruits de tôle, il se termine par l'annonce d'un décès et le silence d'une lampisterie.

Dans les heures qui vont suivent, le ministre de l'Industrie, Monsieur D'Ornano, se rend sur les lieux et annonce qu'une enquête sera diligentée. De son côté, Monsieur Cuvelette chef de production du siège 19, commence à mettre en doute le simple coup de poussière, le chantier étant à l'arrêt depuis quatre jours, seul un coup de grisou a pu enflammer le poussier. La thèse de la fatalité si longtemps invoquée dans les accidents et les catastrophes minières va vite être contestée. Le 28 décembre, Achille Blondeau, secrétaire général de la fédération CGT du sous-sol annonce un arrêt de travail en hommage aux victimes (il sera suivi dans toutes les Houillères de France) tout en souhaitant la prise de mesures pour que les conditions d'hygiène et de sécurité soient respectées (sous entendu même pour les fosses qui vont connaître une fermeture prochaine) ; au lendemain des funérailles, la CGT, et FO se porteront partie civile.

Le 31 décembre, lors de la cérémonie officielle des funérailles des victimes, le Premier ministre Jacques Chirac promet aux mineurs que "toute la lumière sera faite sur cette catastrophe, toutes les conséquences en seront tirées".

Assez rapidement, des faits de négligence vont apparaître dans l'enquête qui mettra en cause l'absence de contrôle de grisoumétrie. Le coup de grisou sera confirmé par les expertises. La bataille juridique qui durera jusqu'en 1981 se soldera par la condamnation, pour la première fois, d'une entreprise publique.

Matthieu de Oliveira

Transcription

(Silence)
Inconnu 1
Si, ça doit être un coup de poussière.
Journaliste
Qu’est-ce que c’est, un coup de poussière ?
Inconnu 1
Bah, c’est l’inflammation avec le gaz et puis…, une grande teneur de gaz, alors les poussières s’enflamment, hein.
Liegeois
On nous a indiqué pour le moment probablement un coup de poussière.
Journaliste
Est-ce qu’on en connaît les causes ?
Liegeois
Non, il est prématuré de s’avancer dans ce domaine, étant donné que personne ne les connaît actuellement.
Inconnue 1
Et Godard Pierre ?
Inconnu 3
Je ne connais pas tout le monde.
Journaliste
Vous étiez dans le quartier de Six Sillons à ce moment-là ?
Inconnu 3
Non.
Journaliste
C’est-à-dire juste à côté ?
Inconnu 3
A peu près, oui.
Journaliste
Et vous avez entendu l’explosion ?
Inconnu 3
On a entendu un bruit.
Journaliste
Et à ce moment-là, qu’est-ce que vous avez fait ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Inconnu 3
Après, il y avait un coup de poussière et c’est tout.
Journaliste
Vous avez participé au secours ?
Inconnu 3
Ah bien sûr, on a remonté ce qu’on a pu.
Journaliste
A votre avis, ça peut être dû à quoi, cette explosion ?
Inconnu 4
Poussières et coup de grisou.
Journaliste
Et ça a ravagé un grand secteur ?
Inconnu 4
Oh oui, on en a remonté 11 il y en a encore d'autres au fond.
Journaliste
Ils sont encore au fond et on ne peut pas les retirer ?
Inconnu 4
Si, on peut, si.
Journaliste
Lorsque ça sera aéré ?
Inconnu 4
Oui.
Journaliste
C’est encore dangereux ?
Inconnu 4
Oh oui, c’est vrai, ça pu encore.
Journaliste
Ça sent quoi, le gaz ?
Inconnu 4
La fumée, le gaz oui.
Journaliste
Il y a encore des dangers d’explosion ?
Inconnu 4
Non, non.
Journaliste
Vous avez participé au secours ?
Inconnu 5
Oui, j’ai sauvé trois bonhommes.
Liégeois
Cette explosion a affecté un quartier de Six Sillons occupant en temps habituel, 40 ouvriers. Les autres quartiers de la fosse, vous savez qu’un siège est divisé en un certain nombre de secteurs, ne sont absolument pas touchés.
(Bruit)
Liégeois
Il faut considérer que l’ensemble du personnel qui travaillait dans le quartier qui était de l’ordre d’une quarantaine environ ou 38 ; je n’ai pas le chiffre exact, est victime de cet accident, catastrophe.
(Bruit)