La gestion de l'argent du ménage par les femmes de mineur

11 décembre 1958
02m 43s
Réf. 00246

Notice

Résumé :

La paye du mineur est donnée par quinzaine en fonction du rendement et du poste. Un jeune galibot ne touche pas grand-chose. A l'image de la famille Flahaut, ce sont les femmes qui viennent chercher la paye et qui redistribuent ensuite l'argent de poche à chacun.

Type de média :
Date de diffusion :
11 décembre 1958

Éclairage

L'organisation du travail au fond du puits est fortement hiérarchisée, les mineurs sont payés à la tâche, par quinzaine et selon leur position hiérarchique. Le galibot gagne le moins, autour de 48 000 francs nets, le meilleur abatteur peut toucher jusqu'à 69 000 anciens francs et c'est le porion (chef d'équipe) qui évalue les rendements de chacun et fixe le montant de la paie. Le salaire est versé en espèces, directement à des guichets ouverts dans l'enceinte de la mine. Les femmes de mineurs, dont la fonction est de gérer le budget comme dans l'ensemble des ménages ouvriers, vont souvent chercher la paie pour éviter, comme c'est dit ici, que les maris ne soient tentés de la dépenser trop vite. Les jours de paie interrompent la monotonie de la vie du coron et, sans apporter l'aisance, ils y introduisent un vent de consommation. Le budget du mineur et de sa famille est étriqué. Les avantages en nature acquis depuis le statut de 1946, le logement et le charbon en particulier, ne compensent pas toujours la faiblesse du salaire du mineur. Le ménage de mineurs est obligé de compter, de "faire attention", de ne pas dépenser plus qu'il ne rentrera chaque quinzaine. La partie variable de la paie qui est imprévisible renforce cette précarité.

Dès qu'elle est mariée, la femme ne travaille plus. Elle connaît la mine comme l'indique ce reportage pour y avoir travaillé un temps et y avoir rencontré son futur époux, mais le mariage met un terme à toute activité professionnelle rémunérée. Occupée par sa nombreuse descendance, gestionnaire de l'argent du ménage, elle est aussi chargée des courses, de la préparation des repas, de la lessive et de l'entretien du foyer, ce qui suffit largement à remplir des journées. Ces journées sont rythmées par la mine, elles sont identiques chez toutes les femmes de mineurs et elles commencent tôt avec la première embauche.

Le jour de la paie, des magasins ambulants s'installent dans le coron et changent sa physionomie. Les boutiques peu fréquentées en dehors de cette période connaissent une affluence ponctuelle. Le boucher affûte son couteau, les balances s'activent. L'épouse, mère de famille, fait les courses et distribue l'argent de poche selon des codes rigoureux, le plus jeune des fils reçoit 500 francs et le mari mineur 1 500 francs. Si l'usage de cet argent est laissé libre, la mère précise bien qu'il n'y aura aucun complément et qu'il faudra tenir avec cette somme jusqu'à la prochaine paie. L'heure n'est pas à l'opulence.

L'obligation de payer les salaires par virement qui résulte des accords de Grenelle et des négociations de l'après mai 1968 s'imposera très lentement dans les mines attachées à cette organisation du paiement de la quinzaine.

Béatrice Touchelay

Transcription

Jacques Krier
Taille 185, 22ème nord. Maurice travaille en équipe avec [Cosmala] qui est délégué syndical. Chaque mineur est payé en fonction de la tâche accomplie. C’est le porion qui décide du salaire qui sera dû à chacun à la fin de la quinzaine.
(Bruit)
Intervenant
Et toi là, tu vas te faire tuer là. Faut-il que j’y mette mes mains ? Ecoute le maître.
Jacques Krier
Le 10 et le 25 de chaque mois sont jours de paie. Beaucoup de femmes de mineurs se rendent au siège 4 ces jours-là pour toucher les paies de la famille. Les femmes ne sont pas dépaysées à la mine car elles ont travaillé là autrefois comme trieuses. C’est là qu’Edouard Flahaut a rencontré Giselle pour la première fois.
(Bruit)
Jacques Krier
Les mineurs travaillent 48 heures par semaine. Le salaire moyen pour le Bassin du Nord et du Pas-de-Calais est 52 800 francs par mois. En déduisant les charges sociales, on arrive à 48 000 francs net. Mais c’est une moyenne générale, des galibots, comme Roger ou comme Maurice sont loin d’atteindre de telle somme. Par contre, un abatteur comme Delmotte peut gagner entre 56 000 et 69 000 francs par mois de salaire effectif net. Les jours de paie, des marchands ambulants installent leur tréteau à la sortie de la mine. Les mineurs qui se sont privés depuis plusieurs jours dans l’attente du salaire sont très tentés de dépenser leur argent ces jours-là. C’est peut-être pour cette raison que beaucoup de femmes vont chercher elles-mêmes la paie.
(Bruit)
Jacques Krier
La femme gère le budget du foyer, c’est sa fonction propre, c’est elle qui répartit à chacun son argent de poche. Pour sa quinzaine, Roger touche 500 francs, Henri 600, Maurice 1 000, leur père 1 500 francs.
(Bruit)
Giselle Flahaut
Tiens, pour ton dimanche , Henri.
(Bruit)
Giselle Flahaut
Une quinzaine papa, une quinzaine Maurice. Ah, ichi avec ça, faut encore aller 15 jours, il faut faire attention.
Jacques Krier
Et chacun utilise son argent de poche à sa façon.