Revendications d'anciens mineurs marocains pour faire valoir leurs droits

24 mars 2005
02m 03s
Réf. 00279

Notice

Résumé :

Rencontre avec d'anciens mineurs marocains à l'occasion d'une réunion concernant la fin de vie des personnes immigrées. Une fois à la retraite ils ont du mal à faire valoir leurs droits. Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, explique qu'il serait nécessaire de mettre en place des conventions avec des pays étrangers pour que ces droits acquis en France puissent continués à être versés.

Date de diffusion :
24 mars 2005
Personnalité(s) :

Éclairage

L'immigration de récession que fut, dans les mines, l'immigration marocaine a été particulièrement discriminée. Il lui fallut ainsi attendre la longue grève de 1980 pour bénéficier du statut du mineur (1946). Toutefois cette victoire ne met pas fin à la lutte pour l'égalité des droits. Au contraire celle-ci se prolonge pendant et après la fermeture des puits. Dans le contexte de politiques migratoires que la crise rend plus restrictives, la tentation est forte, au sein des pouvoirs publics et des Houillères, d'encourager les anciens mineurs marocains au retour dans leur pays ou pour ce motif de les exclure des dispositifs de conversion mis en place pour les mineurs français. Une grève éclate à l'automne 1987 pour protester contre cette exclusion. Elle prend fin avec l'accord signé le 1er décembre. Il doit en principe permettre aux Marocains d'opter librement pour le retour ou la reconversion, en leur offrant l'accès à toute une série de dispositifs : s'ils restent, ils ont droit au congé charbonnier de fin de carrière (CCFC), à la retraite anticipée, à la prime de conversion et la possibilité que certains avantages en nature (charbon et logement gratuit) leurs soient rachetés sous forme de capital ; s'ils partent, on leur promet que la protection sociale minière (retraite, reconnaissance de la silicose, médecine gratuite) sera maintenue au Maroc.

Mais ces différentes dispositions sont peu ou mal appliquées. Du fait de leur faible ancienneté, très peu de mineurs marocains profitent réellement du congé charbonnier de fin de carrière. Leur faible capital scolaire les écarte des offres de formation proposées par les Houillères. Surtout l'éventualité de leur retour au Maroc fonctionne pour eux comme un piège. S'ils demeurent en France, cette éventualité fragilise leurs droits. Les modifications apportées en 1957 et 1988 au statut du mineur imposent en effet de facto une clause de territorialité : le fait que les mineurs marocains puissent repartir les empêche ainsi de bénéficier du rachat sous forme de capital des avantages en nature (notamment le logement), ce droit n'étant offert qu'aux mineurs assurés de rester en France après leur retraite. Quand ils choisissent effectivement le retour, cela s'avère tout aussi problématique. Outre les réticences manifestées par les enfants élevés en France, le maintien de la protection sociale en cas d'installation au Maroc se révèle très aléatoire. Devant cette incertitude, beaucoup d'anciens mineurs préfèrent rester en France au prix d'une précarité qui caractérise souvent les travailleurs immigrés âgés, mais se révèle ici encore plus accentuée.

Des mobilisations sont menées contre ces inégalités persistantes au cours des années 1990 et 2000. Dans l'ancien bassin du Nord, elles s'organisent sous l'égide de l'Association des mineurs marocains du Nord (AMMN), qui est reliée à l'Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF). L'AMMN bataille essentiellement sur le terrain du logement (droit au rachat de l'avantage ou maintien de la gratuité) même si elle se saisit aussi des autres formes de discrimination. Elle place le combat essentiellement sur le plan juridique et obtient à plusieurs reprises (en 2008, 2010, 2011) la condamnation de l'ANGDM (Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, créée en 2004 pour être la gardienne des droits des anciens mineurs, après la fin de l'exploitation minière) pour discrimination.

Marie Cegarra, La mémoire confisquée : les mineurs marocains dans le Nord de la France, Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1999.

Ali El Baz, "Le combat sans fin des mineurs marocains", Plein Droit, n°81, 2009, 2, p. 35-38.

Marion Fontaine

Transcription

Anne Mourgues
Des mesures vont être présentées ce soir à Arras pour faciliter la fin de vie des personnes immigrées. Il faut savoir qu’une fois à la retraite, elles ont souvent du mal à faire valoir leurs droits. Dans la région, 40 000 personnes connaissent ces difficultés. Thomas Adamski et Fabien Hembert se sont rendus dans une association d’anciens mineurs marocains.
Thomas Adamski
Majjad, Samat, Mohamed, ils sont 250 à venir régulièrement ici à l’association des anciens mineurs marocains. Dans les années 50, ces hommes ont quitté leurs familles et leur pays pour venir travailler dans les mines de la région. Aujourd’hui à la retraite, certains vivent dans des foyers délaissés par les services sociaux. D’autres ne peuvent pas repartir au pays, sans perdre tous leurs droits.
Majjad Ali-salem
Je suis parti au Maroc, je suis tombé malade là-bas, et je suis parti à la clinique. Alors donc, si je n’avais pas de l’argent, un petit peu, j’ai mis à côté de l’économie pour me soigner là-bas, qui c'est qui va me soigner ?
Thomas Adamski
Hamid est fils de mineur, son père a tout perdu quand il est rentré au Maroc. Il est alors revenu en France, où il a fallu repartir de zéro.
Hamid Daabcuz
Ne serait-ce que pour ouvrir un compte ici en France, on ne pouvait pas. Ne serait-ce que pour changer son permis qu’il avait au Maroc pour pouvoir se déplacer comme il veut ici, il ne pouvait pas.
Youssef
Une personne âgée française qui veut aller s’installer en Espagne par exemple, au sud de l’Espagne, elle garde tous ses droits minimums, vieillesse, retraite, etc. Et ça, c’est naturel ses droits. Aux soins, nous demandons que la même chose soit appliquée aux migrants qui ont passé ici 30 ans ou 40 ans de vie de labeur.
Thomas Adamski
Alerté par un rapport sur les difficultés de ces migrants début mars, le gouvernement a décidé de trouver des solutions. Les premières pistes seront annoncées ce soir à Arras.
Nelly Olin
S’ils ont travaillé en France, ils ont quand même des droits. Et il faudra regarder peut être avec le pays, leur pays d’origine dans lequel ils veulent retourner, si nous ne pouvons pas passer probablement des conventions. Mais en tout cas, s’ils ont travaillé ici, ils ont droit à la retraite.
Thomas Adamski
Longtemps oubliés par l’Etat, ces hommes près de 4 000 dans la région espèrent maintenant être véritablement reconnus en France ou dans leur pays.