Cadre de vie du Pays minier : l'exemple de Condé-sur-l'Escaut, Fenain et Raismes

02 novembre 1977
03m 53s
Réf. 00095

Notice

Résumé :

L'écrivain André Stil dresse un portrait du Pays minier, là où il a passé son enfance : le carreau de la fosse Ledoux à Condé-sur-l'Escaut, la cité Agache de Fenain et la mare à Goriaux, un étang provoqué par un affaissement minier dans la forêt de Raismes et Wallers. Il évoque le rapport qu'à le mineur avec le ciel et l'air. Ainsi dans les cités minières, aime-t-il s'occuper de son jardin.

Type de média :
Date de diffusion :
02 novembre 1977
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Personnalité(s) :

Éclairage

Cet extrait d'un documentaire sur le "pays minier", mêlant des séquences présentant des paysages miniers à une séquence de sortie de la mine, illustre le discours quelque peu lyrique d'un enfant du pays (en l'occurrence d'un natif de Hergnies), l'écrivain André Stil, alors fraîchement élu à l'académie Goncourt. Il a été membre du Parti Communiste Français (PCF) et rédacteur en chef du quotidien l'Humanité. Il est donc particulièrement sensibilisé aux conditions de travail et de vie des mineurs et des ouvriers. L'idée-force du document est le dialogue sous-sol/surface, montrant que la mine locale, contrairement aux mines à ciel ouvert, n'est finalement visible que de façon indirecte dans le paysage (chevalements, terrils, étangs d'affaissement, cités ouvrières...).

Les premières images de l'écrivain sont filmées sur fond de la fosse Ledoux de Condé-sur-l'Escaut. Ce sont les puits n°1 et 2 de la Compagnie d'Anzin, mis en exploitation en 1905 et entièrement modernisés en 1951, concentrant la production de plusieurs fosses voisines et formant alors un des plus vastes carreaux du Bassin minier. Elle est caractérisée par ses deux chevalements jumeaux entourés de bâtiments divers et de bandes transporteuses. Encore en fonction à la date du reportage, cette fosse est fermée en 1988 et presque entièrement détruite en 1990-1991. Seul le chevalement n°1 est préservé, inscrit à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques en 1992 et inclus dans le périmètre classé patrimoine mondial par l'Unesco en 2012.

Le plan suivant, pris depuis le terril Agache de Fenain en direction de l'Ouest, montre, immédiatement au pied du terril, la cité pavillonnaire Agache (autrefois appelée cité du Maroc), datant de l'entre-deux-guerres ; appendices et jardins habituels y sont bien visibles. Aujourd'hui réhabilité, cette cité était liée à une fosse de la Compagnie d'Anzin dont l'exploitation a été arrêtée en 1976.

Le reportage change ensuite d'angle pour évoquer les conséquences de l'extraction minière, en particulier les affaissements responsables de la détérioration de nombreuse cités : une fissure dans un mur de brique est brièvement montrée. Cependant, curieusement, cet aspect négatif est vite dépassé pour évoquer la naissance d'étangs liée aux affaissements. Ces étangs sont présentés directement par André Stil de façon clairement positive et sont même comparés, certainement un peu abusivement, avec ceux des Vosges. Il s'agit ici de la Mare à Goriaux, sur les communes de Raismes et de Wallers, résultant du lent affaissement du sol au droit des anciennes galeries. Dans un secteur déjà bas et marécageux, l'étang se forme dès 1916 par coalescence de trois étangs naturels (Goriaux, Aubry et Bassy), dans l'environnement ici très boisé de la forêt domaniale de Raismes - Saint-Amand - Wallers. L'étang, atteignant aujourd'hui 112 hectares, fait partie du Parc Naturel Régional Scarpe-Escaut. Il est bordé dans sa partie sud par un terril allongé formant digue et né de la fosse d'Arenberg toute proche, dont les trois chevalements et le terril principal, conique cette fois, sont visibles en arrière-plan. Cette fosse de la Compagnie d'Anzin, ainsi que les nombreuses cités qui l'entourent et l'étang lui-même, sont remarquablement préservés et inclus dans le périmètre classé par l'Unesco.

Le reportage revient ensuite clairement sur le dialogue sous-sol/surface, illustré par la mise en parallèle d'une sortie de puits d'un groupe de mineurs et d'images de jardinage autour des cités de Condé-sur-l'Escaut et de Vieux-Condé.

Simon Edelblutte

Transcription

(Musique)
André Stil
Vivre en pays minier, c’est avoir le sens de la profondeur. On sait que dans d’autres pays, il y a des mines à ciel ouvert, le charbon à fleur de terre. Ici, chez nous, la mine, c’est la profondeur. Enfants, nous connaissions des puits fermés depuis le début du siècle déjà où nous allions jouer et nous donner le plaisir d’écouter le mystère de trou de trois ou quatre cents mètres, y jeter des cailloux que jamais nous ne pouvions entendre arriver au fond. On sait que les pères, les oncles, les voisins descendent, dévalent, comme on dit, chaque jour travailler au fond, c’est le mot, dans la nuit chaude et glacée du sous-sol. Dans les maisons parfois, un petit tremblement de terre fait sonner vitres et verres, l’écho d’un coup de mine souterrain. Çà et là, le sol se tasse, la terre descend, ou bien ce sont les choses qui descendent dans la terre. D’autres profondeurs encore, celles des étangs, parfois très beaux, qui ont été creusées par ces effondrements et ces affaissements miniers. Certains, l’été, feraient concurrence aux Vosges où miroite Remiremont. Il n’est pas toujours si vrai de parler de pays noir.
(Musique)
André Stil
Et le charbon a changé aussi le plat pays, il lui a donné des collines et ces creux vertigineux. Ce sentiment d’une profondeur qui nous a marqué dès l’enfance va bien avec le soupir de soulagement et le grand coup d’air pris par le mineur qui revient au jour. Et quel poète aurait trouvé plus belle image, le pain d’alouette, pour dire ce petit reste de son casse-croûte que le mineur rapportait et rapporte encore parfois comme une friandise à ses enfants. Rapprocher ce qui vient du noir d’en bas et l’oiseau qui monte le plus haut, le plus droit vers le soleil doux.
(Musique)
André Stil
Ainsi, le mineur doit à son travail des rapports très particuliers avec la terre et le ciel, la lumière et l’ombre. Les hommes de la mine aiment l’air, ils ne perdent pas une occasion de compenser par un coup de soleil une petite heure d’azur, voire une bonne averse le sourd étouffement des tailles souterraines.
(Musique)
André Stil
Si la douceur d’un soir le permet, on aime vivre dehors, faire la conversation de loin, de maison à maison. Les vieux ont par-ci par-là leur sénat où ils échangent en peu de mots souvenirs et jugements souverains.
(Musique)