Portraits de militants CFTC

21 novembre 1990
02m 12s
Réf. 00125

Notice

Résumé :

Portrait de deux militants à l'occasion du congrès fédéral CFTC à Lille : Louis Bergamini, président d'honneur de la Fédération des mineurs CFTC et d'un jeune militant, Gérard Hiron sur les raisons de son engagement à la CFTC.

Date de diffusion :
21 novembre 1990
Source :

Éclairage

Par le portrait de deux militants de la CFTC, née en 1919 et qui s'installe à partir des années 1920 dans les mines du Nord-Pas-de-Calais, ce sujet revient sur les grands traits de ce syndicalisme très minoritaire.

Louis Bergamini, personnalité emblématique du monde du sous-sol engagé dans la centrale chrétienne, est au cœur du document. Né en 1929 en Italie, il arrive en France en août 1930 et passe son enfance à Montigny-en-Gohelle, puis à Billy-Montigny. C'est là qu'il intègre la mine, à la fosse 10. Il a le parcours classique des militants de cette obédience. Il adhère en 1943 à la Jeunesse ouvrière chrétienne, dont il devient responsable pour la région des mines du Nord-Pas-de-Calais ; puis de 1952 à 1956, il est permanent de cette organisation, chargé de suivre les régions minières de France. L'année 1956 voit son retour à la mine et son installation à Méricourt-sous-Lens, le village natal de Louis Delaby, président de la Fédération des mineurs CFTC. Après une rencontre avec lui, il accepte d'entrer le 1er février 1957 dans l'équipe des permanents du syndicat du Nord-Pas-de-Calais pour le secteur d'Hénin-Liétard. Il gravit les échelons, d'abord localement : il accède en 1962 au secrétariat général de son syndicat, après en avoir été vice-président. Puis arrivent les mandats nationaux. En 1970, il est élu secrétaire général de la Fédération des mineurs CFTC. Pendant une vingtaine d'années, il est de "tous les combats pour la représentation du syndicalisme d'inspiration chrétienne" (1).

Il siège par ailleurs au Conseil d'administration des Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais et des Charbonnages de France. Compte tenu du rôle de l'Europe dans la politique énergétique, il s'implique aussi sur ces questions et représente sa Fédération au Comité consultatif de la CECA entre 1974 et 1989.

Son rôle de premier plan dans le syndicalisme minier le fait accéder à des fonctions interprofessionnelles. Dirigeant de son Union départementale et de l'Union régionale CFTC du Nord-Pas-de-Calais, qu'il préside de 1967 à 1987, il est également élu vice-président confédéral. Il participe ès qualité au Commissariat général du Plan et siège, de 1984 à 1994, au Conseil économique et social.

Bergamini saisit ce portrait pour tenter de faire pièce aux reproches souvent adressés à son syndicat et insister sur ses différences. Le propos reprend des termes chers aux militants de sa génération : la solidarité, la justice, ou encore "le dialogue en plus", vanté par l'une des affiches. De fait, dès l'origine, la CFTC affirme privilégier la paix sociale et le compromis sur le conflit, tout en déclarant s'attacher à améliorer la vie des hommes au travail par une action strictement professionnelle, sans implication politique (2). Et c'est encore ce qui, en 1990, semble motiver l'adhésion du jeune militant.

Mais dans un bassin minier où les antagonismes sociaux sont forts, ces caractéristiques peuvent être autant de handicaps. Bergamini paraît conscient des critiques formulées par les concurrentes de la CFTC, en particulier la puissante CGT qui tance un syndicalisme confessionnel briseur de grèves, obéissant à la hiérarchie catholique et porté aux arrangements avec les patrons. Il est vrai que la CFTC a éclot dans les bassins miniers en "prenant appui sur les paroisses et les prêtres" (3) et s'est tenue à l'écart de la plupart des grandes grèves du sous-sol, hormis celle de 1963.

A cette date, la confédération est à la veille d'une scission qui fonde la CFDT et qui, ajoutée à la récession, accélère le déclin de son implantation.

(1) Bruno Béthouart, "Bergamini Louis (Bergamini Luigi, Arcadio, dit)", Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier mouvement social, Paris, Éditions de l'Atelier, t. 2, 2006, p. 77-78.

(2) Michel Launay, La CFTC. Origines et développement, 1919-1940, Paris, Publications de la Sorbonne, 1986.

(3) Diana Cooper-Richet, Le peuple de la nuit. Mines et mineurs en France, XIXe-XXe siècles, Paris, Perrin, 2002, p. 255.

Stéphane Sirot

Transcription

Christelle Massin
Louis Bergamini n’a pas beaucoup de temps à consacrer à son jardin. A 61 ans, ce retraité, descendu au fond de la mine dès l’âge de 14 ans, passe aujourd’hui toutes ses journées à militer pour la CFTC. Un militant de longue date, son adhésion remonte en effet à novembre 1943. Auparavant, il appartenait à la Jeunesse Ouvrière Chrétienne. La CFTC, pour lui, c’est l’engagement de toute une vie ; et malheur à celui qui ose la comparer à un syndicat patronal ou un syndicat de curés.
Louis Bergamini
Moi je suis d’origine minière. Je peux vous dire que s’il y avait quelqu’un un jour, qui m’avait dit ça, je crois qu’il serait rentré dans le lard. Parce que je ne suis pas du type à me laisser faire, je ne suis pas du type mou. Nous, nous voulons encore une fois respecter les personnes, respecter un certain nombre de valeurs, c’est-à-dire la solidarité, la justice.
Christelle Massin
Des valeurs on ne peut plus chrétiennes, pourtant avec ses 25 000 adhérents dans la région, la CFTC reste un syndicat minoritaire ; peut-être en raison du caractère modéré de ses propositions. En effet, la grève n’y est pas toujours très bien vue.
Louis Bergamini
Ce que nous, à la CFTC, nous n’admettons pas, c’est que, par exemple et c’est arrivé souvent, la CGT décide une grève. Et pour faire, j’allais dire, réussir sa grève, elle prétend imposer à tous les mineurs par un piquet de grève et quelquefois un piquet de grève dur ; cette grève qu’elle a décidée. Nous, nous disons, pas d’accord.
Christelle Massin
A la fin du siècle dernier, on exigeait des premiers adhérents qu’ils soient catholiques et de bonne réputation. Aujourd’hui, pour la nouvelle génération, ce ne sont pas les références chrétiennes qui comptent le plus.
Intervenant
J’ai choisi la CFTC pour le plus de dialogue. Et dans les autres syndicats, je trouve qu’il y a davantage d’orientations politiques. Donc, c’est pour ça que je n’ai pas choisi les autres syndicats.
Christelle Massin
Alors, syndicalisme chrétien ou formation modérée, si la CFTC occupe une place marginale, elle n’échappe pas pour autant à la crise qui frappe aujourd’hui le monde syndical.