Visite de Jérôme Monod à Béthune

janvier 1973
02m 12s
Réf. 00188

Notice

Résumé :

Visite officielle de Jérôme Monod, délégué à la DATAR, chez FIRESTONE à Béthune à l'occasion de l'annonce du doublement de l'activité. Jerôme Monod a annoncé l'extension d'autres activités avec 1 500 emplois nouveaux pour la partie ouest du bassin minier.

Date de diffusion :
10 janvier 1973
Date d'événement :
janvier 1973
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

La visite de Jérôme Monod chez Firestone témoigne des deux forces qui déterminèrent largement les débuts de la reconversion du bassin minier, la politique d'aménagement du territoire de l'État central tout d'abord, et le rôle des entreprises multinationales ensuite.

Jérôme Monod est à la tête de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale ou DATAR. Créée en avril 1963, c'est une administration légère mais puissante car elle est rattachée directement aux services du Premier ministre. Elle s'appuie sur deux relais locaux. D'une part, les OREAM (Organisation d'études et d'aménagement des aides métropolitaines) doivent définir, en coordination avec les élus locaux, des schémas directeurs de développement et d'aménagement. L'OREAM régionale finalise en 1968 un livre blanc. D'autre part, la DATAR s'appuie sur les commissaires à la reconversion industrielle qui dépendent d'elle, et qui sont en même temps liés au patronat local. Enfin, la DATAR met en œuvre les priorités définies au niveau national dans le cadre des comités interministériels d'aménagement du territoire. Le premier consacré exclusivement au Nord-Pas-de-Calais se tient en 1968 et définit les grandes lignes de la politique de reconversion. La puissance de l'État central tient à son rôle d'employeur, à travers les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais (HBNPC) et de nombreuses entreprises publiques bien représentées dans la région (SNCF, EDF-GDF, Renault), mais aussi à travers de nombreuses primes données aux entreprises souhaitant s'installer dans la région. L'enjeu est de taille : alors que les HBNPC employèrent jusqu'à 220 000 mineurs dans l'immédiat après-guerre, seuls 40 000 sont encore en poste à la date de l'émission.

L'histoire de Firestone est exemplaire pour la politique d'aménagement du territoire. La firme américaine décide à la fin de 1959 de s'installer sur un terrain mis en valeur par différents acteurs locaux. Béthune se trouve à l'ouest du bassin minier, dans la zone la plus anciennement touchée par le déclin charbonnier. Du fait de la configuration des veines charbonnières, l'exploitation coûtait plus cher dans cette partie du bassin. Par ailleurs, cette zone avait été exploitée massivement après 1914, car c'était la seule exploitable côté français après l'invasion allemande.

Pour Jérôme Monod, il s'agit clairement d'encourager l'embauche de "mineurs à convertir", c'est-à-dire de les former à d'autres métiers. La même ambition avait été affichée lors de l'arrivée de Renault à Douai mais, dans les faits, les mineurs ayant travaillé longtemps au fond sont peu recherchés. Généralement très peu scolarisés, ils sont par ailleurs beaucoup plus souvent affectés par des maladies professionnelles du fait de la pénibilité de leur métier. Monod évoque d'ailleurs le problème de la formation, qui a fait l'objet d'un effort particulier du gouvernement précédent avec la loi de 1971 créant le système de formation professionnelle contemporain.

Finalement, l'exemple de la manufacture américaine de pneumatique Firestone témoigne du rôle croissant joué par les entreprises multinationales et le processus de mondialisation, le même qui condamne l'exploitation du charbon dans le Nord-Pas-de-Calais, plus cher que le charbon importé. Les sociétés qui vendent dans plusieurs pays sont intéressées par la localisation stratégique du Nord-Pas-de-Calais, établie à quelques dizaines de kilomètres d'une zone extrêmement dense et riche, et unifiée sur le plan commercial. Grâce à la Communauté économique européenne (CEE), les droits de douane ont en effet disparu entre la France, les pays du Benelux, l'Allemagne de l'Ouest et l'Italie depuis juillet 1968. L'adhésion de trois nouveaux pays, dont la Grande-Bretagne en 1973, va étendre rapidement ce processus de désarmement douanier à ces derniers, rendant la position du Nord-Pas-de-Calais plus stratégique encore. Le calcul de Firestone en 1959 est le même que celui de Renault et Peugeot, qui s'installent une petite dizaine d'années plus tard, ou de celui de Toyota avec son usine de Valenciennes ouverte en 2001. Enfin, dans la région de Béthune, on peut également mentionner la multinationale américaine Mc Cain qui s'installe en 1974 pour profiter d'une autre matière première abondante dans la région, la pomme de terre.

Laurent Warlouzet

Transcription

(Musique)
Alain Perrier
Cette visite officielle chez Firestone France à Béthune donnait une certaine solennité à l’annonce d’un programme d’investissement. La firme va presque doubler la capacité de son usine de Béthune, 17 000 pneus sortiront quotidiennement des chaînes en 1974, la production actuelle est de 10 000 par jour.
(Musique)
Alain Perrier
Avec ses ateliers de tréfilerie de Lens qui emploieront prochainement 500 personnes, avec Béthune dont l’effectif atteindra 2000 employés fin 74, la firme possède une solide implantation dans la région du Nord.
(Musique)
Alain Perrier
Monsieur Jérôme Monod apportait d’autres nouvelles. Hier, il a annoncé l’extension d’autres entreprises régionales.
(Musique)
Jérôme Monod
C’est donc au total plus de 1500 emplois nouveaux que l’on peut aujourd’hui annoncer comme décidés en faveur de la partie ouest du bassin minier, sans compter les emplois induits qui résulteront de ces créations. Ces emplois devraient, à la fois par leur qualification que par le niveau des salaires correspondants, convenir pour une très large part à ceux que cherchent les mineurs à convertir. Je considère et je crois que nous considérons tous que ces nouvelles et importantes implantations industrielles peuvent apporter une contribution décisive à la solution des problèmes de cette partie du bassin minier. Et je compte sur la coopération de tous les intéressés, entreprises nouvelles, Houillères, organisations syndicales et mineurs pour que les mouvements de main d’œuvre, les problèmes de formation et tout ce qui tourne autour de ces problèmes de conversion s’organisent dans les meilleures conditions ; et qu’une part importante de ces emplois nouveaux soit comme dans votre entreprise, Monsieur le Président, occupée par des travailleurs qui doivent quitter la mine ou qui l’ont quittée.
(Musique)
Alain Perrier
De telles créations sont les bienvenues dans la zone minière. Il faut tout de même rappeler d’autres chiffres dans la colonne des diminutions cette fois. En 1971, la régression avait marqué une certaine pause, mais en 72, 6700 postes de travail ont été supprimés dans les Charbonnages.