Discours du Premier ministre Pierre Mauroy au CNPF à Douai

05 septembre 1981
01m 14s
Réf. 00191

Notice

Résumé :

Dans son discours au CNPF de Douai, le Premier ministre Pierre Mauroy a souhaité donner à la France une position mondiale pour un meilleur approvisionnement et lui donner plus de place dans le domaine mondial du charbon.

Date de diffusion :
05 septembre 1981
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Éclairage

Au moment où Pierre Mauroy développe le thème de la "revanche du charbon", en septembre 1981, la France connaît des mutations considérables depuis l'élection de François Mitterrand en mai 1981. Ce dernier est le premier dirigeant français socialiste depuis Guy Mollet, président du Conseil, en 1956-1957 (à l'époque, les présidents de la République jouaient un rôle mineur). Pierre Mauroy est son Premier ministre. Il dirige un gouvernement d'alliance entre socialistes et communistes, ces derniers revenant au pouvoir après en avoir été exclus en 1947. Le contexte politique est donc celui d'une brutale mutation.

Le gouvernement Mauroy mène en 1981-1982 une politique de réformes tous azimuts qui touchent les mœurs (abolition de la peine de mort, remboursement de l'interruption volontaire de grossesse par la sécurité sociale, dépénalisation de l'homosexualité), les conditions de travail (39h, cinquième semaine de congés payés, lois Auroux) et les structures économiques avec les nationalisations. Celles-ci sont massives car elles concernent quasiment toutes les grandes banques (y compris les banques d'affaires Paribas et Suez), ainsi que de très nombreuses entreprises industrielles (Rhône-Poulenc, Péchiney-Ugine-Kuhlmann, Saint-Gobain, CGE, Thomson-Brandt, Usinor, Sacilor, Matra, Dassault).

Les Houillères sont déjà une entreprise publique, depuis la nationalisation des mines du Nord et du Pas-de-Calais en 1944, et la création de Charbonnages de France (CdF) en 1946. Elles sont cependant touchées par toutes les réformes sociales ainsi que par la politique de nationalisations. Certains de ses clients sont restructurés comme les sidérurgistes Usinor et Sacilor, qui fusionnent. Les CdF sont également concernés par la politique de relance. En effet, l'ambition du gouvernement est de mener une politique de renforcement de la croissance pour lutter contre les conséquences délétères des chocs pétroliers de 1973 et de 1979. Inférieur à 3% jusqu'en 1974, le taux de chômage monte régulièrement pour atteindre 7% en 1981 et 8% en 1982. C'est le début du chômage de masse. Le gouvernement veut alors utiliser l'outil de la puissance publique, considérablement renforcé par les nationalisations, pour relancer l'activité. Les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais s'inscrivent pleinement dans cette politique de relance. La fin de l'exploitation minière est repoussée et de nouvelles prospections sont lancées. Un communiste, Georges Valbon, prend la tête des Charbonnages de France en février 1982.

Lorsqu'il s'exprime en septembre 1981, toutes ces réformes ne sont cependant pas encore en place. Le Premier ministre vient s'exprimer devant un parterre patronal à Douai afin de rassurer les chefs d'entreprises. Dans un autre extrait qui précède celui montré ici, il met l'accent sur sa volonté de concertation, et sur le dialogue nécessaire avec les partenaires sociaux. Sur le plan charbonnier, Pierre Mauroy met l'accent sur la conjoncture internationale, marquée par un renchérissement du coût de l'énergie. Le charbon devient alors plus intéressant, d'où la nécessité pour la France de sécuriser son approvisionnement pour des raisons stratégiques et économiques. Le Premier ministre n'évoque cependant pas les gisements charbonniers français, car la politique de relance reste en gestation [voir 192], mais insiste sur l'importation de houille, qui entraînera mécaniquement une création d'emplois pour traiter cette matière première. Ainsi, Pierre Mauroy montre la forte dépendance du pays envers des importations à moindres coûts de cette matière première. La tentative de relance de l'exploitation charbonnière française se développe quelques mois plus tard

Laurent Warlouzet

Transcription

Pierre Mauroy
La revanche du charbon, elle est inscrite dans les faits sur le plan mondial. Dès lors, il y a pour la France deux exigences. La première est de prendre dès maintenant les positions qui lui donneront la meilleure sécurité d’approvisionnement pour importer ce dont elle aura besoin ; par des accords d’Etat, comme par la présence de capitaux français dans les sociétés charbonnières à l’étranger. La seconde, c’est de prendre sa place dans le commerce mondial du charbon, ce charbon devra être transporté, conditionné, transformé ; ce qui va nécessiter des investissements importants dans des technologies que la France connaît bien. Des matériels de mine, des rails, des wagons, des minéraliers, des engins de manutention, des chaudières, des centrales. La revanche du charbon, c’est une réorientation de notre industrie et c’est un nouveau défi.