Bilan du plan de fermeture des Houillères

12 mars 1991
03m 03s
Réf. 00202

Notice

Résumé :

Bilan à base d'archives du plan de récession et de reconversion des Houillères du Bassin du Nord-Pas-de-Calais. La reconversion des mineurs marocains est ensuite évoquée dans un reportage en Savoie où ils travaillent sur le futur site des Jeux Olympiques d'Albertville.

Type de média :
Date de diffusion :
12 mars 1991
Source :
FR3 (Collection: Témoins )

Éclairage

Quatre mois après la fermeture de la dernière mine du bassin du Nord-Pas-de-Calais, à Oignies en décembre 1990, un premier bilan du devenir des anciens mineurs est tenté.

La régression charbonnière est une politique ancienne. Les plans Jeanneney de 1960 et Bettencourt de 1968 manifestent très clairement la volonté de l'État central de fermer les mines de la région à un horizon de moyen de terme. La date de 1983 est alors souvent évoquée comme terme de l'exploitation. Le maximum de production d'après-guerre de 29 millions de tonnes, atteint à la fin des années cinquante, est divisé par trois en 1974, avec 9 millions de tonnes. Les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais voient en parallèle leurs effectifs chuter de 220 000 en 1947 à 62 000 en 1972. Finalement, c'est en 1990 que cesse l'exploitation commencée avec la découverte du charbon à Fresnes-sur-Escaut, dans le Nord, en 1720. L'activité continue en Lorraine et à Gardanne car les veines sont plus faciles à exploiter, la productivité est donc meilleure et le coût de revient moins discriminant que dans le bassin septentrional.

Dès lors, la problématique de la reconversion des mineurs est ancienne. Dès 1959, certaines zones de l'ouest du bassin minier, les premières concernées par les fermetures de puits, touchent des aides. A partir des années soixante est mise en place une double politique fondée sur la reconversion économique, par l'encouragement aux développements d'activités économiques alternatives, et sur la reconversion sociale. Malgré la chute impressionnante des effectifs, aucun mineur n'est licencié comme nous le rappelle cette émission. Pour les plus anciens, la retraite anticipée est possible à 50 ans, voire 45 ans en comptant le congé charbonnier de fin de carrière (CCFC). Les statistiques présentées dans cette émission nous montrent que ces mesures concernent une grande majorité des mineurs. Pour les autres, des formations professionnelles sont proposées pour rejoindre d'autres métiers. Des partenariats sont noués avec d'autres entreprises publiques comme EDF. Ce dernier exemple est développé à travers le cas d'un ancien mineur qui travaille dans la centrale nucléaire de Paluel, en Haute-Normandie. C'est le passage symbolique "du noir au blanc" car, pour son nouvel emploi d'agent chargé de la sécurité nucléaire, la tenue blanche remplace l'habit taché de poussière noire du mineur. Son témoignage permet en particulier d'évoquer l'insécurité liée à la reconversion professionnelle : un risque est pris car il s'agit de quitter un emploi protecteur mais aussi une région, avec ses réseaux familiaux et amicaux.

Le cas de la reconversion des mineurs marocains est également évoqué à travers le cas d'employés reconvertis dans le bâtiment en Savoie. Ils travaillent en effet sur le futur site des Jeux Olympiques d'Albertville, qui ont lieu en 1992. L'entreprise "Léon Grosse" qui les emploie est une entreprise régionale fondée en 1881. Le changement est donc là aussi professionnel et géographique.

Les Marocains ont commencé à être embauchés en masse à partir des années 1960 par Charbonnages de France. Comme la fermeture des mines du Nord-Pas-de-Calais était envisagée vingt ans plus tard, les recrutements de Français ont largement diminué, afin de les remplacer par des Marocains embauchés avec des contrats de deux à trois ans, renouvelés éventuellement une fois. Une noria est ainsi instaurée jusqu'à la loi de 1977 qui circonscrit drastiquement l'embauche d'étrangers à cause de la montée du chômage (il franchit cette année-là la barre du million de chômeurs). Les mineurs marocains déjà présents restent alors sans se faire remplacer. Grâce à une mobilisation syndicale, puis à une négociation avec le gouvernement marocain, ils se voient conférer en 1980 le statut du mineur. Cela explique qu'ils bénéficient des mesures de reconversion sociale amples prévues par les Charbonnages.

Tous les anciens mineurs ne sont cependant pas partis en dehors de la région. Une grande partie de la reconversion a eu lieu sur place, à travers le développement de nouvelles activités comme l'automobile (avec notamment l'usine Renault de Douai, la chimie, la logistique (avec la plate-forme Delta 3 de Dourges établie sur un ancien site minier), la distribution ou le tourisme. La reconversion économique est une entreprise de longue haleine, entamée dès la fin des années 1950 et qui porte ses fruits progressivement.

Laurent Warlouzet

Transcription

Pierre Jung
Le plan social, le plan social c’est l’aboutissement, c’est le terme final de cette lente décroissance du nombre d’emplois dans les Houillères. Simplement, quelques dates et quelques chiffres, 1947 - 220 000 emplois, 1960 - 122 000, 1970 - 67 000, 1980 - 26 000 et 31 octobre 1990 - 4 800 ; en comptant les départs en retraite et en préretraite et ceux qui ont bénéficié d’une mutation au sein de cette entreprise. D’autres entreprises, le point en chiffre et en image.
Journaliste
18 400 mineurs ont bénéficié d’une mesure d’aide sociale afin d’éviter tout licenciement. Pour les Houillères, ce bilan est largement positif. En réalité, il recouvre une dizaine de situations différentes. Les départs en retraite ou en préretraite constituent les gros bataillons. Ceux qui ont choisi la reconversion professionnelle n’ont pas tous été logés à la même enseigne. Le chemin le moins balisé et le plus périlleux a été celui de la création d’entreprises. A l’inverse, le parcours le plus direct et le moins semé d’embûches a été celui des mutations, celles au sein du groupe Charbonnages de France ou encore celles au sein d’EDF. La mutation a d’abord signifié un passage du noir au blanc. Cet ancien de la centrale électrique au charbon de Courrières est maintenant agent de sécurité à la centrale nucléaire de Paluel. Il lui a fallu suivre des stages de formation. Il lui a fallu surtout au départ accepter l’idée de la mobilité professionnelle.
Intervenant 1
Ça méritait de la réflexion, oui bien sûr. Ce n’est pas fait comme ça sans réfléchir à ce moment quand même, on a passé de longues soirées à discuter sur ce départ, est-ce qu’on part, est-ce qu’on reste ?
Journaliste
Partir ou rester, ce dilemme a été celui de tous les anciens des Houillères. La grande majorité des mineurs, notamment les Marocains, se sont tout naturellement tournés vers le secteur du bâtiment et des travaux publics. Les entreprises présentent sur le chantier des Jeux Olympiques ont largement fait appel à eux. Le plan social a prévu un double filet de sécurité. Premièrement, en cas de licenciement économique, les Houillères s’engagent à reprendre leurs anciens salariés. Deuxièmement, en cas de perte de salaire, les Houillères comblent pendant une année la différence de revenus. Comment ça s’est passé l’arrivée ici ?
Intervenant 2
Ça va, tout va bien. On fait le stage, tout va bien, ça va.
Journaliste
Et le bâtiment, c’est plus facile ou c’est plus difficile que la mine ?
Intervenant 2
Ah, au début, c’est difficile, mais il faut un moment pour comprendre comment ils font.
Claude Letey
Certains de mes collègues sont descendus dans le puits pour voir dans quelles conditions ils travaillaient. Et on considère que le travail que nous faisions faire à nos gens est plutôt plus relax que ce qu’ils connaissaient. Et ceci les aide, malgré leur manque de savoir-faire dans notre métier, à s’intégrer et à s’imposer aux autres.
Journaliste
L’échec au moins relatif du plan social concerne les retours au pays d’origine, à peine un millier de Marocains ont préféré cette solution. Les raisons de cet échec sont nombreuses ; parmi elles, la perte de la protection sociale des mineurs et la pression des familles, des enfants notamment qui ont rompu les amarres avec le Maroc.