La fête de la Sainte-Barbe à Oignies

06 décembre 1998
02m 27s
Réf. 00242

Notice

Résumé :

Reportage sur la célébration de la Sainte-Barbe à Oignies, ville mythique où le charbon a été découvert en 1841 et où la dernière mine fut fermée en 1990. Henri Aglave, curé d'Oignies célèbre la messe entouré de mineurs en tenue de travail. Les jeunes évoquent (en patois) la dure vie de leur grand-père. Marie Doué, auteur patoisante, dit un poème en patois évoquant avec nostalgie l'époque de l'exploitation. Michel Doligez, ancien mineur, fait la louange de la mine.

Date de diffusion :
06 décembre 1998

Éclairage

"Il demeure une tradition et un esprit minier"

Le 4 décembre est jour de fête pour les mineurs mais aussi pour les pompiers et les artificiers. Ils célèbrent Sainte-Barbe leur patronne. Chez les mineurs, la tradition remonte au XIXe siècle. Fête de famille, jour chômé, légalisé par la loi du 20 mars 1951, sujet de luttes pour obtenir son paiement (acquis en 1946), occasion de festivités profanes et religieuses, elle se déroule pendant la campagne d'hiver (déclenchée le 6 novembre) durant laquelle la pression sur l'abattage est à son comble. Jusqu'en 1914, pendant la quinzaine de la Sainte-Barbe qui précédait le 4 décembre, les mineurs avaient l'autorisation de travailler plus de 12 heures afin d'augmenter leur salaire. Le 4 était chômé (et non payé) dans le bassin minier et les mineurs étaient tenus d'assister à la messe. Fête catholique et patronale, elle est alors combattue par les syndicats qui dénoncent la longue coupe et la quinzaine au début du XXe siècle. Même si depuis 1936 au moins, elle a perdu sa dimension religieuse, on célèbre encore une messe qui rappelle les liens entre les Compagnies et le clergé catholique et le rôle de l'Église dans la politique de la gestion de la main d'œuvre des Compagnies, puis des Houillères.

Dans cette cérémonie de la Sainte-Barbe de 1998, l'importance des mineurs témoigne de l'impuissance du clergé à enrailler la déchristianisation et la baisse de la pratique religieuse des mineurs depuis la fin du XIXe siècle. En dépit du sermon et du cadre religieux, la célébration est en partie profane, le cadre professionnel étant le plus visible, les mineurs en habit, la participation de l'harmonie, le rappel historique du prêtre tout concourt à une fête profane cherchant à maintenir la sociabilité minière, celle d'une communauté dont les aînés partagent à la fois les souvenirs, les costumes et le langage autour de la statue de Sainte-Barbe. La tradition de la messe se perpétue ainsi après la disparition de la mine mais elle est très largement déchristianisée.

Oignies, ville où le charbon fut découvert en 1842 dans le parc du château d' Henriette de Clercq, est désormais engagée dans l'après-mine. C'est à partir de cette découverte que l'exploitation des filons a mobilisé toute une région et transformé son paysage de façon irréversible. Un siècle plus tard, en 1990, c'est à Oignies que la dernière fosse en activité, le 9/9 bis, ferme définitivement. Pour plusieurs générations de mineurs et leurs familles qui ont porté la Révolution industrielle du XIXe siècle, voir le charbon relégué au second puis au troisième rang des sources d'énergie, après le gaz naturel et le pétrole, et se savoir condamné à disparaître est douloureux. L'inquiétude sur la possibilité de maintenir des réseaux de sociabilité et les solidarités antérieures dans l'après-charbon est très vive. La perpétuation de la célébration de la Sainte-Barbe et l'importance qui reste accordée à la date du 4 décembre dans toute la région (la date du 4 décembre 2012 pour l'inauguration du Louvre-Lens construit sur un ancien carreau de mine, n'a pas été choisie au hasard), montrent que la tradition demeure. La moyenne d'âge de l'assistance est élevée, même si toutes les générations sont mobilisées, celle des anciens mineurs et celle des jeunes qui ne descendront jamais et qui visiblement ne le regrettent pas, remerciant même leurs aînés d'éviter cet enfer. Même dans l'après-charbon, Sainte-Barbe reste fêtée par une collectivité soudée autour de la mémoire de la mine, les symboles d'appartenance à la corporation, le bleu de travail, le casque et la lampe, sont mobilisés.

Béatrice Touchelay

Transcription

Isabelle Bris
On fêtait la Sainte-Barbe aujourd’hui dans le Pas-de-Calais, une vieille tradition. Selon la légende, 200 ans après Jésus-Christ, une jeune fille Barbara avait été exécutée pour sa chrétienté, et ses bourreaux furent immédiatement foudroyés. Depuis lors, Sainte-Barbara devenue Sainte-Barbe est la patronne de tout ce qui tonne et détonne, celles des pompiers artificiers et mineurs. Hervé Ghesquiere et Fabrice Dujardin ont assisté aux célébrations à Oignies ; ville mythique où la dernière mine de la région, la dernière mine de charbon fût fermé en 90.
(Musique)
Henri Aglave
Nous sommes réunis ce matin dans cette église pour commémorer Sainte-Barbe. Ce lieu de l’église d’Oignies est chargé d’histoire. A quelques mètres d’ici dans le parc de Madame de Clercq, on découvrait le charbon.
(Musique)
Hervé Ghesquière
C’était en 1842, pendant un siècle et demi, cette partie du Bassin minier a vécu au rythme des chevalets. Les jeunes de la région évoquent la dure vie de leur grand-père.
Antoine
Comme ch'est galibot d'eun génération, à 12 ans, t'as dévalé au charbon. T’as pas voulu que j'descende en enfer, et pour cha j'dois t'en remercier mon pépère.
Hervé Ghesquière
Mais dans les années 60, la mine a commencé à décliner jusqu’à la fermeture totale en 1990. Alors aujourd’hui, on se souvient avec nostalgie.
Marie Doué
Durs, qui sont ces corons, ché routes vin poussiérées, ché rues cho d'pavés ronds, on n'entend pu chérir et ché père et ché garçon qui jouaient au bifequain, al guif ou au ballon.
Hervé Ghesquière
Seulement, pour beaucoup d’anciens mineurs, nostalgie ne signifie pas amertume et pessimisme.
Michel Doligez
La mine, c’était quelque chose de formidable avec des gros points noirs, disons, bien sûr. Mais c’est une expérience humaine, scientifique et technique formidable qui a ouvert la voie au présent et à l’avenir, et ça on voudrait le montrer.
Hervé Ghesquière
Le charbon, ce n’est pas que le passé et les friches industrielles, la célébration de Sainte-Barbe veut prouver qu’il demeure une tradition et un esprit minier.
(Musique)