La vie des pensionnés des mines

14 mai 1979
04m 50s
Réf. 00251

Notice

Résumé :

Reportage à Bruay chez un retraité pensionné des mines. Silicosé, il a été déclaré "improductif" et a été obligé de s'arrêter de travailler à 45 ans. On le suit dans ses très nombreuses activités : président d'un club de jeunes footballeurs, photographe, il développe lui même ses photographies. On assiste à une compétition de javelot (jeu traditionnel de lancer de grosses fléchettes sur cible) qu'il photographie. Le reste du temps, il dépanne des machines diverses. Avec ses amis pensionnés coqueleux il assiste à la préparation des coqs de combat.

Type de média :
Date de diffusion :
14 mai 1979
Source :

Éclairage

Frappé par la silicose, ce pensionné est déclaré "improductif" à 45 ans, une situation qui n'est pas exceptionnelle. Il conserve avec son épouse le logement attribué par les Houillères et dont nous n'apercevons que la salle à manger et la gazinière. Ce droit de conserver son logement même en étant pensionné, droit hérité du statut des mineurs de 1946, lui permet de ne pas se couper des lieux de sociabilité répartis dans le coron et de se constituer, puis de conserver un réseau de relations en dehors du travail. Milieu fermé autour de la mine, le coron apparaît ici comme un refuge accueillant aussi la vie de l'après-mine. Ce reportage fait découvrir les lieux de vie et de sociabilité des mineurs et des anciens mineurs. Il occupe ses journées, car selon lui "on ne peut pas rien sans rien faire, parce qu'un mineur a toujours l'habitude de travailler". L'appentis qu'il s'est installé dans sa maison et dans lequel il répare des appareils électroménagers et l'ancienne buanderie transformée en salle de tirage photos, constituent son univers propre. A l'extérieur, les lieux de sociabilité, le vestiaire du club de football, puis le terrain de jeu, où il retrouve l'équipe des jeunes qu'il aide. Ce passage est le seul qui ouvre d'autres horizons que la mine puisque ces jeunes, actifs sans aucun doute, travaillent ailleurs ou bien vont y être contraints. Les autres relations du pensionné, à l'exception de son épouse cantonnée dans son foyer, sont tous les hommes d'âge mur, d'autres pensionnés, quelques retraités sans doute.

Dans le reportage, il photographie une compétition de javelot. C'est s'agit du jeu traditionnel de lancer de grosses fléchettes sur cible. C'est un jeu populaire qui a trouvé son développent dans le Nord de la France pour devenir une spécialité de la Région au même titre que la pétanque dans le Sud. Les Flamands conquis par l'habileté des occupants espagnols au couteau transpyrénéen lors de la Guerre de Cent ans, ont voulu l'adopter. Le javelot se pratique dans les arrières salles ou dans les cours des estaminets. C'est un moment d'échange, de rencontre et de convivialité. Cette pratique devient même un "spectacle" à ses heures de gloires à la fin du XIXe-début XXe dans le Nord-Pas-de-Calais. Après la Seconde Guerre mondiale, des associations se créées (Entente minière dans le Bruaysis, Union sportive du Javelot dans l'Arrageois). Le javelot se pratique encore dans la Région comme dans la ville de Bauvin dans le Nord. Le javelot tir sur cible (JTSC) est aujourd'hui, une discipline sportive reconnue.

Une autre activité prisé des mineurs est également présenté dans ce reportage. Il s'agit des combats de coqs à laquelle le pensionné participe avec les coqueleux. C'est une très ancienne tradition populaire du Nord de la France et de Flandre qui est l'occasion de paris. Cette discipline consiste à faire s'affronter deux coqs préparés aux combats sur une aire prévue à cet effet appelé gallodrome. Cette pratique remonterait du VIIe siècle avant J-C. Appartenant au patrimoine culturel de la région Nord-Pas-de-Calais, elle est devenue très controversée en raison des blessures que subissent les coqs allant même jusqu'à la mort de l'animal, tant et si bien qu'elle est interdite en France sauf dans le Nord-Pas-de-Calais où les combats de coqs sont légalisés. La Fédération des coqueleux du Nord de la France organise encore aujourd'hui des combats de coqs dans la Région notamment au gallodrome d'Aire-sur-la-Lys dans l'arrière cour du café éponyme.

Photographe, entraîneur de l'équipe de football, notre pensionné ne semble pas subir de troubles majeurs de la respiration, alors que la silicose peut empêcher toute activité physique. Il fait à deux reprises allusion à la nécessité de contrôler ses dépenses, en réparant lui-même les appareils électroménagers et en choisissant de développer des photos en noir et blanc, la couleur étant trop coûteuse. Les salaires des mineurs ne sont pas élevés et notre pensionné n'est sans doute pas arrivé à un échelon suffisant dans la hiérarchie pour disposer d'un traitement maximum.

Béatrice Touchelay

Transcription

(Bruit)
Intervenant
Ah la vie d'un pensionné des mines, bon ben, au début, on est heureux. Moi j’ai été comme un gamin de 4 ansà 44 ans. J’ai été pensionné, j’avais encore onze ans à fournir. Mais comme j’étais aux mines, silicosé, on m’a dit que j’étais improductif. Improductif, alors on m’a mis en pension anticipée. Je ne suis pas tout seul, nous sommes 10 000 comme ça.
(Bruit)
Intervenant
Chaque mineur, il cherche une distraction. A 45 ans, on peut pas rester à rien faire, parce qu’un mineur a toujours l’habitude de travailler, faut qu’on s’active.
(Bruit)
Intervenant
Moi, je suis vice-président d’un club de jeunes footballeurs corporatifs. Alors, je m’occupe de mes jeunes pour les chaussettes, les maillots, les shorts, les bottines, les entraîner et les soutenir, les crier.
(Bruit)
Intervenant
C’est une distraction pour les pensionnés, qu’est-ce qu’ils vont faire ?
(Bruit)
Intervenant
Pour moi, je fais la photo. Ah la photo, c’est de la photo amateur, et j'fais un peu de tout, mes footballeurs que je filme, tous les trucs qui m’intéressent. Les sujets en accident des fois quand j’ai l’occasion, que j'ai mes appareils sur moi. Je développe moi-même, blanc et noir, parce que la couleur, ça coûte trop cher. Puis, je fais du cinéma, j’ai des appareils cinéma, projecteur, caméra, des zooms j'ai un peu de tout.
(Bruit)
Intervenant
Puis, je dépanne des machines à calculer, des aspirateurs, même si la télé elle tombe en panne, je la refais. Tout y passe par mes mains, parce que si on doit aller demander à quelqu’un d’autre, ça coûte trop cher. Quand on sait faire tout seul, il faut mieux profiter, c’est de l’argent de rentré qui reste chez nous.
(Bruit)
Journaliste
Il y a aussi ceux qui entraînent des coqs.
Intervenant
Il y a des coquelets alors là oui. Des coquelets, ça commençe deux, trois jours avant. On prépare son coq pour le combat. Alors là, un combat, ça retrouve tous les copains, tous les pensionnés. Puis, c’est les paris, c’est les mises, quoi, ça dispute, ça crie un peu, c’est l’ambiance. On parie ceci, cela, toi contre moi, moi contre toi, et puis….
(Bruit)