La réforme du régime social minier

23 décembre 2010
02m 07s
Réf. 00288

Notice

Résumé :

Un député UMP d'Alsace, Yves Bur, préconise l'alignement du régime spécial de la sécurité sociale des mineurs avec le régime général. Les ayants-droits retraités protestent comme Georges, interrogé chez lui. Pour lui, c'est une attaque au statut des mineurs et au régime de sécurité sociale créés en 1946. D'autant que celui-ci a déjà été revu en 1992 avec la suppression de dispensaires et en janvier 2010 avec la fin de la prise en charge de transports médicaux. Raymond Frackowiak de la confédération des syndicats de mineurs CGT, rappelle que les cotisations des mineurs étaient supérieures à celles du régime général.

Date de diffusion :
23 décembre 2010
Personnalité(s) :

Éclairage

En octobre 2010, le député UMP du Bas-Rhin Yves Bur présente son rapport parlementaire sur l'avenir du régime social minier. L'analyse et les mesures qu'il propose se fondent sur une situation dont nombre d'acteurs sont conscients depuis longtemps. La fin très progressive de l'exploitation minière a laissé le temps de prendre conscience de l'impasse inéluctable à laquelle allait se heurter un régime de retraite privé peu à peu d'actifs, donc de cotisants. Les interrogations sur le devenir d'un régime qui, dans le domaine de la maladie, intègre à la fois la fonction assurantielle et celle d'offreurs de soins, ne sont pas non plus nouvelles. Outre une prise en charge à 100% de ses affiliés, le régime social minier a en effet la particularité d'avoir développé sa propre offre de soins : tout un ensemble de personnels (médecins salariés) et d'infrastructures (centres de santé polyvalents, pharmacies) sont gérés ainsi à partir de 1946 par le réseau des sociétés de secours minières, chapeautées à l'échelle nationale par la Caisse autonome nationale de la Sécurité sociale dans les mines (CANSSM).

Plusieurs réformes tentent, dans le courant des années 2000, de dessiner le devenir de ce système après la mine. Le décret du 2 novembre 2004 réorganise l'ensemble autour de la CANSSM et de 7 Caisses régionales de Sécurité sociale dans les mines (CARMI) qui succèdent au réseau des sociétés de secours minières. En 2005, les services et établissements sanitaires développés par le régime minier sont refondus à l'échelle de chaque ancien bassin et ouverts à l'ensemble de la population, y compris les non affiliés au régime. La même année, la gestion du risque vieillesse est transférée à la Caisse des Dépôts et Consignations. Reste la prise en charge des branches maladies et accidents du travail/maladies professionnelles (la silicose notamment), qui concernent encore en 2012 plus de 172 000 affiliés (des retraités et leurs conjointes essentiellement). C'est dans ce contexte qu'est rédigé le rapport Bur, qui préconise l'ouverture des dernières structures sanitaires (pharmacies) encore réservées aux affiliés du régime minier et surtout le transfert des fonctions assurantielles au régime général. La proposition d'Yves Bur est entérinée par le décret du 31 août 2011, qui prévoit la mise en œuvre de ce transfert au plus tard pour la fin 2013.

Ce rapport, et le décret qui en découle, font l'objet de fortes critiques de la part des représentants politiques et syndicaux des ex-bassins miniers du Nord et de Lorraine. Ces représentants mettent en avant la pénibilité du métier, voire sa dimension sacrificielle et rappellent le rôle joué, par exemple au moment de la Libération, par les mineurs dans la reconstruction du pays. Ils ne se contentent pas cependant d'invoquer seulement le passé mais soulignent également les besoins présents des anciennes régions minières. Dans des zones souvent particulièrement défavorisées et déficitaires en matière d'infrastructures sanitaires, l'offre de haut niveau (médecins, centres de santé polyvalents) permise par le régime social minier constitue à leurs yeux une compensation nécessaire et qui doit être maintenue. Plus largement, ce sont ici deux logiques qui s'affrontent. A l'échelle nationale, les pouvoirs publics cherchent à rationaliser la protection sociale et à maîtriser son coût ; à l'échelle régionale, la particularité du régime est défendue au nom des devoirs de la collectivité à l'égard des anciens mineurs et en arguant des difficultés que connaissent leurs descendants. Si l'extinction du régime social minier paraît à terme inévitable, le débat n'est pas tout à fait clos. Au mois d'août 2012, la ministre socialiste des Affaires sociales Marisol Touraine, a décidé un moratoire sur son transfert, afin de continuer la réflexion sur l'offre de soin qu'il a longtemps structurée.

Marion Fontaine

Transcription

Frédérique Hénaut
C’est un rapport qui inquiète dans le Bassin Minier, un député UMP d’Alsace, Yves Bur, préconise l’alignement du régime spécial de la sécurité sociale des mineurs avec le régime général. Pour les retraités des Houillères, c’est une attaque au statut des mineurs créé en 1946. Alain Mery et Patrick Duluc ont recueilli la réaction d’un ancien mineur.
Georges Parmentier
Un papier comme quoi on était embauché,
Alain Méry
Georges a commencé à travailler à la fosse de Mazingarbe en 1949. A l’époque, il avait 15 ans et le statut de mineur semblait plutôt séduisant.
Georges Parmentier
Mes parents ont dit, voilà, tu rentres aux mines, tu auras la retraite, tu auras le médecin pour rien, tu auras la maison, on était heureux avec ça.
Alain Méry
Le médecin pour rien, c’était la fameuse sécurité sociale des Houillères. Au fond, des infrastructures médicales et des soins gratuits. Mais depuis, le statut des gueules noires qui devaient relever la France après-guerre a été revu. Une première fois en 92 avec la suppression de dispensaires et puis janvier 2010 avec la fin de la prise en charge de certains transports médicaux.
Georges Parmentier
Avant, le docteur traitant nous faisait un papier pour avoir l’ambulance. Hop, on donnait un coup de téléphone à la caisse de secours, l’ambulance, elle arrivait, terminé, on ne payait rien !
Intervenante
On pouvait aller à la cité hospitalière à Lille… Et maintenant, il faut…
Georges Parmentier
Et puis un beau jour, transport gratuit terminé, maintenant, il faut payer.
Alain Méry
Et plus récemment, en décembre 2010, le rapport du député Yves Bur va plus loin et préconise l’absorption du régime social des mineurs par le régime général. Une décision jugée injuste aux vues des cotisations versées par les mineurs.
Raymond Frackowiak
Les mineurs, et bien, cotisaient pour la branche maladie accident de travail, une cotisation qui était supérieur de 1,5 % par rapport au régime général. Donc cette gratuité, et bien, les mineurs se la sont payés et se la payent encore aujourd’hui en tant que retraités.
Alain Méry
Autre crainte, la loi de finance 2011 qui supprimerait la prise en charge des transports pour les maladies longue durée comme la silicose. Dans le Nord-Pas-de-Calais, le régime social des mineurs compte encore 67 000 ayants droit.