La journée de travail du mineur au temps des Compagnies

19 janvier 1973
02m 04s
Réf. 00316

Notice

Résumé :

Évocation à partir de dessins et de gravures du travail du mineur au temps des Compagnies avant la Première Guerre mondiale.

Type de média :
Date de diffusion :
19 janvier 1973

Éclairage

Du travail du mineur, on retient en général les aspects les plus noirs : la cage qui les précipite dans le puits, le cheminement dans les galeries obscures ; l'effort physique et le danger qui guette dans un quotidien fait de petits accidents plus que de catastrophes. L'imagerie de la mine est riche, des dessins du belge Constantin Meunier jusqu'aux gravures de Steinlen et aux illustrations de pleine page des journaux de la fin du XIXe siècle. Elle cultive le pittoresque et l'exceptionnel, le tragique et le misérable, dans une conception très conventionnelle, "à la Zola", de la misère ouvrière d'où surgira, forcément, la colère ouvrière.

La série d'images ici rassemblées illustre bien cette tendance à dramatiser le travail de la mine, et pour une grande part relève des débuts de l'exploitation plus que de la mine moderne. Ce cheval attelé un treuil pour remonter l'eau ou les produits, actionne, exactement, un "baritel", qui équipait certaines mines au XVIIIe siècle, avant la vapeur. Cette nacelle, la "tonne", à laquelle les hommes s'accrochent pour descendre et qui les expose en effet à l'eau, aux éboulis, au choc contre les parois, est déjà une curiosité sous le Second empire. Les lampes à feu nu, source infinie de danger, furent remplacées par des modèles constamment améliorés. Le monde minier, ingénieurs comme ouvriers, ne cultivait pas le fatalisme du danger inévitable, mais plutôt l'esprit de progrès et l'innovation.

Certes, les compagnies n'y consacraient pas toutes les mêmes moyens : lors de la catastrophe de la Compagnie des mines de "Courrières" en 1906, il fallut faire appel aux sauveteurs allemands bien mieux équipés et entraînés. Et à la veille de cet événement hors du commun, la riche Compagnie de Courrières, justement, ne jugeait pas utile d'investir dans l'arrosage des poussières du fond, alors que sa voisine de Liévin avait déjà installé 28 kilomètres de canalisations pour ce faire. La sécurité des exploitations étant un souci essentiel, l'État intervint régulièrement dans ce domaine avant même de se soucier de législation sociale. Dès 1890, la loi institua des délégués à la sécurité directement élus par les mineurs, payés par l'État et indépendants du patron, pour contrôler les travaux du fond. Ces délégués devinrent les personnages centraux de la communauté minière et formèrent l'encadrement naturel d'un syndicalisme vigoureux.

Joël Michel

Transcription

Journaliste
A quatre heures et demie, les mineurs sont devant la fosse. Vêtus de toile grise ou bleue, noircie par le charbon, la taille serrée par une large ceinture de cuir, coiffés du casque de cuir bouilli, chaussés de lourds brodequins cloutés. Le temps de recevoir leurs lampes à huile et ils prennent place dans les berlines. Un cri, "hue à la viande", une sonnerie, et la berline descend à une vitesse stupéfiante à 500, 800, 1000 mètres sous terre ! A l’arrivée au fond, la marche commence vers le chantier, plus d’une heure parfois dans le labyrinthe des galeries. Les ouvriers eux-même sont groupés en équipe de trois à six hommes. A coup de pics, les piqueurs et les haveurs abattent le charbon, les pelleteurs remplissent les bennes. Les galibots, gamins ou très jeunes filles, les conduisent vers les trains de wagonnets que traînent les chevaux jusqu’aux puits de remontée. A huit heures du matin, le travail s’arrête, on fait briquet. C’est-à-dire qu’on déjeune d’une double tartine de pain garnie de beurre ou de fromage. C’est une brève pause avant la reprise du travail, les mineurs auront passé, en tout, neuf heures et demie au fond de la mine. A treize heures, c’est le retour aux corons où attendent les femmes et la grande bassine remplie d’eau chaude où on va se laver. A ce rythme, le mineur descendu dans la mine à l’âge de 13 ou 14 ans, atteint rarement l’âge de la vieillesse. La mine tue, lentement ou soudainement, par la maladie ou par l’accident ! Le mineur est toujours à la merci d’une maladresse, d’une imprudence ou de la fatalité !