Plan de reconversion dans les houillères du Nord Pas-de-Calais

07 novembre 1986
02m 21s
Réf. 01010

Notice

Résumé :

La fermeture du dernier puits du Nord-Pas-de-Calais est prévue pour 1991. Pour Jack Verlaine, directeur des HBNPC, c'est une fatalité compte tenu de la situation du gisements. Les sièges d'extraction qui vont fermer emploient 14 000 personnes dont plus de la moitié sont des mineurs marocains qui devront retourner au pays au rythme de 500 par an. Une convention a été signée avec le Maroc, mais c'est un constat d'échec : seuls 350 ont accepté. 2500 Marocains vivent avec leur famille et sont intégrés en France, il sera difficile de les faire partir. Interview d'un mineur de fond marocain, en France depuis deux ans.

Type de média :
Date de diffusion :
07 novembre 1986
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Au mitan des années 1980, la production de charbon dans le Nord-Pas-de-Calais apparaît définitivement condamnée. Cette perspective se dessine depuis plus de deux décennies. Comme le rappelle, sur fond d'images du travail à la mine, ce reportage diffusé le 7 novembre 1986, le nombre d'emplois s'est effondré dans les Houillères. L'apogée date de 1947 : "330 000 ouvriers travaillent dans les mines en France, dont deux tiers au fond" (1). Huit ans après, ils sont déjà 70 000 de moins. Puis en 1960, le plan du ministre de l'Industrie, Jean-Marcel Jeanneney, planifie la récession. André Bettencourt, en charge des mêmes fonctions gouvernementales, annonce pour sa part en décembre 1968 des mesures prévoyant notamment, dans le Nord-Pas-de-Calais, une baisse de moitié de la production et un passage du nombre d'agents de 72 000 à 28 000 à l'horizon 1975. Le premier choc pétrolier consécutif à la guerre israélo-arabe d'octobre 1973, puis l'élection de François Mitterrand en 1981 offrent certes aux mineurs de brefs espoirs de relance, mais à chaque fois déçus. Les années 1980 sonnent de facto le glas du charbon français.

En 1983, le gouvernement de Pierre Mauroy réamorce le processus de récession. L'année suivante, un nouveau plan décide du maintien des seuls sièges rentables. Enfin, à la fin de 1986, il est convenu d'en finir avec l'exploitation des mines du Nord-Pas-de-Calais. Le plan élaboré par Bernard Pache, le Directeur général des Charbonnages de France, prévoit en effet la fermeture totale à l'horizon 1990-1991. La logique économique qui préside à cette décision qualifiée de « fatalité » par Jack Verlaine, le directeur des Houillères du Nord-Pas-de-Calais, s'accompagne de conséquences sociales à gérer par l'entreprise nationalisée : les salariés des sièges d'extraction de la région sont à reclasser. Parmi eux, une bonne moitié de mineurs marocains.

A partir des années 1960, les Houillères ont recruté des milliers de travailleurs venus du Maroc. Dans la perspective de l'arrêt de la production, les mineurs de moins de 15 à 20 ans d'ancienneté doivent se reconvertir. L'ouvrier marocain interrogé dans le reportage est concerné, puisqu'il est là depuis 12 ans. Si ses collègues français bénéficient, plusieurs mois avant la fermeture de leur mine, de formations qualifiantes pour occuper un emploi chez EDF-GDF ou dans la fonction publique, le sort de ses compatriotes est en revanche traité dans la précipitation. Ils sont surtout financièrement incités à repartir, solution dont Jack Verlaine ne cache d'ailleurs pas qu'elle lui paraît inéluctable. Pour autant, le commentaire le souligne et l'interview du mineur marocain le confirme : lui-même et ses collègues ne sont guère enclins à obtempérer. Installés en France depuis plusieurs années, intégrés et bénéficiant, suite à une grève d'un mois menée en 1980, du Statut du mineur, ils ont des conditions d'existence qui leur semblent préférables à un retour incertain au pays. Lorsqu'en septembre 1987, ils reçoivent les premiers courriers leur annonçant l'extinction des mines, ils entament dès le 1er octobre une grève de deux mois qui leur permet d'obtenir des garanties en matière de reconversion et de protection sociale pour ceux qui accepteraient de s'en aller. Mais les droits qui leur sont accordés ne sont pas identiques à ceux des Français, comme pour le rachat de leurs avantages en nature (conversion en un capital des avantages liés au logement et au chauffage). D'ailleurs, en avril 2011, la Cour d'appel de Douai reconnaît enfin qu'en refusant aux Marocains ce rachat, les Houillères ont fait acte de discrimination.

Si les mobilisations des "gueules noires" améliorent parfois leur avenir, plus rien n'arrête le processus de fermeture. Le 21 décembre 1990, la dernière gaillette est remontée de la fosse 9 de Oignies.

(1) Diana Cooper-Richet, Le peuple de la nuit. Mines et mineurs en France, XIXe-XXe siècles, Paris, Perrin, 2002, p. 303.

BETTENCOURT André ; JEANNENAY Jean-Marcel ; PACHE Bernard ; VERLAINE Jack

Stéphane Sirot