Parcours thématique

L'affrontement de nouvelles idéologies au sein des sociétés industrielles

Nicolas Smaghue

Introduction

Ce parcours est issu d'une proposition pédagogique pour un cours d'histoire de première ES/L. Il n'a pas la vocation à refléter la démarche qui aura été suivie dans le cadre d'un cours. Le scénario pédagogique est consultable sur le site d'histoire-géographie-éducation civique de l'académie de Lille à l'adresse suivante : http://histgeo.discipline.ac-lille.fr/events/projet-memoires-de-mines/utilisation-pedagogique-des-videos-en-histoire

Les documents ont été sélectionnés pour leur exploitation possible dans le cadre des programmes officiels de l'Education nationale.

L'urbanisation massive à partir du milieu du XIXe siècle a engendré le développement d'une classe ouvrière, très hétérogène en France, mais où un syndicalisme révolutionnaire, porteur d'idéaux égalitaires, en particulier dans les grandes industries (dont la mine fait partie) s'est affirmé. Les mineurs sont très tôt considérés comme les ouvriers bénéficiant des avantages les plus importants, ce qu'un environnement paternaliste favorise. La culture ouvrière des mineurs est très forte, en partie grâce à la très grande solidarité qui règne parmi les travailleurs.

Les conditions d'existence des travailleurs sont très variées. Pour le monde de la mine, l'État-Providence intervient à la fin de la Seconde Guerre mondiale avec la création des Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais (1946). Jusqu'aux années 1960, le monde ouvrier connaît une forte mobilité interne (naissance de l'OS par exemple), mais qui ne touche que partiellement les mineurs. C'est à cette époque que la fin de l'exploitation minière commence à être évoquée. Les mineurs, sentant leur avenir menacé, se mettent massivement en grève en mars 1963, quel que soit le syndicat auquel ils adhérent. Des ingénieurs se joignent même au mouvement. La fin de l'exploitation minière est un processus qui a été long, puisque celui-ci dure une trentaine d'années. Dans les années 1970, la désindustrialisation atteint fortement la culture ouvrière. C'est en 1992 que les Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais cessent leurs activités.

Le choix des documents audiovisuels

Vidéo 1 : les compagnies minières et la solidarité ouvrière

 Les compagnies minières et la solidarité ouvrière

Les compagnies minières et la solidarité ouvrière

Historique de la condition du mineur à l'époque des compagnies minières. Les compagnies minières possédaient tout : maisons, jardins, écoles, dispensaires et églises. C'est un exemple parfait du paternalisme patronal. Face à la toute puissance des compagnies, la solidarité minière se renforce.

19 jan 1973
01m 32s

Il s'agit d'un document de l'ORTF de 1973 qui retrace un historique de la condition du mineur à l'époque des compagnies minières. On peut travailler ici l'importance du paternalisme patronal. Face à la toute-puissance des compagnies, la solidarité minière se renforce...

Vidéo 2 : la vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières

 La vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières

La vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières

Évocation de la vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières en mars 1906 sur des illustrations de photographies et de gravures de l'époque. Un ancien mineur évoque la grève de six semaines qu'a fait son père suite à cette catastrophe. Un autre parle de Benoît Broutchoux qu'il avait vu à une réunion à Aniche et des femmes qui manifestaient.

1906
03m 23s

Cette vidéo (FR3 en 1978) évoque ici la vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières (mars 1906) à l'aide d'illustrations et de photographies ou encore de gravures de l'époque. Un ancien mineur évoque la grève de six semaines qu'a faite son père suite à cette catastrophe. Un autre parle de Benoît Broutchoux qu'il avait vu à une réunion à Aniche et des femmes qui manifestaient.

Vidéo 3 : les grèves de 1936

 Les grèves de 1936

Les grèves de 1936

Jean Wroblewski, ancien militant syndical raconte dans "Les Mémoires de la mine" les grèves de 1936 et le Front populaire. Avec les congés payés les mineurs se rendent sur la côte. Pour les militants syndicaux, la peur avait disparu et l'ambiance au fond était plus détendue.

juin 1936
06m 24s

C'est ici un témoignage d'un ancien militant syndical qui raconte les grèves de 1936 et le Front populaire. On peut travailler ici sur « la culture ouvrière » qui s'exprime.

Vidéo 4 : La grève de 1948 : grève insurrectionnelle ?

 La grève de 1948 : grève insurrectionnelle ?

La grève de 1948 : grève insurrectionnelle ?

Jules Moch et Daniel Mayer, ministres socialistes du gouvernement Queuille, reviennent sur les grèves de 1948. Jules Moch fait l'inventaire de la situation politique : revendications salariales, désir du PCF de revenir au pouvoir, plan Marshall. Il estime que le PCF a voulu rééditer le "coup de Prague" en France et que c'est le Kominform qui a commandité cette grève alors que pour la CGT, c'est une grève revendicative. Pour Daniel Mayer, la vérité est entre les deux. Il y a eu une volonté de gêner l'économie française, mais la France sortait de la guerre et était exsangue ; c'est parce qu'il y avait un fond de misère que ce mouvement a pu avoir lieu.

oct 1948
03m 32s

Deux témoins (ministres socialistes du gouvernement Queuille) reviennent sur les grèves de 1948. Après un inventaire de la situation politique (revendications salariales, désir du PCF de revenir au pouvoir, plan Marshall), un débat s'ouvre sur les causes de la grève.

Que nous apprennent ces documents ?

L'étude des vidéos consacrées au syndicalisme des mineurs permet de répondre aux problématiques suivantes : comment les syndicats de mineurs ont-ils affronté les difficultés sociopolitiques liées aux changements de la population active ? Comment ont-ils défendu les intérêts ouvriers ? Comment comprendre, de manière plus générale, l'affrontement de nouvelles idéologies sociales au sein des sociétés industrielles depuis le début du XXe siècle ?

Ainsi, le document sur « les compagnies minières et la solidarité ouvrière » montre la façon dont l'exploitation minière est étroitement liée au paternalisme patronal. Il montre aussi que cet appareil paternaliste peut servir la répression contre les ouvriers mais aussi, à force de vouloir isoler les mineurs du reste du monde ouvrier, engendrer le conflit social. Le mineur fait des corons « les puissantes citadelles du monde ouvrier », qui joueront un rôle important dans les grandes luttes ouvrières du XXe siècle.

Les documents sur « La vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières » et « Les grèves de 1936 » témoignent des avancées significatives des droits des mineurs dans deux contextes différents. Au lendemain de la catastrophe de Courrières, une action syndicale, relayée par l'action parlementaire, a permis d'obtenir de meilleures conditions d'existence que celles de la plupart des ouvriers, notamment en matière d'assurance maladie et de retraite. Pour 1936, le sursaut social du Front populaire commence dès le mois d'avril. Le syndicalisme minier réunifié depuis le mois de février (la scission de la CGT en 1921 avait entraîné la création de deux Fédérations de mineurs), fait signer fin avril des conventions collectives. Ainsi, si les mineurs rejoignent les grèves de mai-juin, ils ne les lancent pas. Les concessions obtenues améliorent de façon sensible les conditions de travail (semaine de 40h ; congés payés...)

Le dernier document sur les grèves de 1948 renvoie au contexte de la Guerre froide et des enjeux politiques sous-jacents à cette mobilisation tout en insistant sur l'environnement social dégradé. Près de vingt ans plus tard, le sujet fait toujours débat.

Regard critique

Un recul critique sur les sources s'imposent. Il s'agit pour tous de documents audiovisuels postérieurs aux événements qu'ils relatent. Ainsi, le document le plus proche des faits relatés est celui traitant de 1948, avec un acteur des faits, Jules Moch, à l'initiative de l'intervention de l'armée dans le traitement du conflit. L'intention de cette collection est de conserver le témoignage d'acteurs directs des faits dans un dispositif critique construit par le journaliste qui se contente seulement d'introduire les témoignages. Dans le document de 1973, c'est le commentaire du documentariste se veut leçon d'histoire. En 1978, le témoin « anonyme » émerge. Il ponctue le propos du réalisateur de ce magazine, lui apportant véracité. Le travail de Jacques Renard en 1981 va au bout de cette démarche en confiant l'histoire d'une profession aux hommes et aux femmes qui en ont été les acteurs. L'intention du réalisateur est bien de confier la parole aux figures anonymes de cette histoire. Il faut cependant entendre ce témoignage en tenant compte des cinquante années qui le séparent des faits dans le contexte qu'est celui de la fermeture des mines.

Pour approfondir

Voir sur ce même site le parcours «Gueules noires» en mouvement : les grandes grèves du XXe siècle .